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Potarement - Chapitre 04
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Le Retour
Je présente mon passeport au douanier et embarque. L'avion décolle. Je m'assoupis et mon esprit repart dans un somme qui me replonge dans mon passé.
Nous étions sur cette place. Les habitants du Village, comme souvent dans ces petites bourgades, se sont rendus pratiquement au complet pour les obsèques. C'est aussi l'occasion de se voir et prendre des nouvelles de telle ou telle personne.
Notre arrivée n'est pas passée inaperçue. La Gendarmerie arrive de suite. Le jeune Blanc-bec qui m'avait pris en grippe est là et se dirige vers moi :
- Au Nom de la Loi je vous prie de bien vouloir me suivre au poste pour Fugue.
- Ha Non ! Voici un déferré du tribunal de Bobigny, je suis émancipé. Lui répondis-je avec un sourire.
- Heu d'accord mais au premier faux pas je serais là. Me dit-il vexé comme un pou.
Entre-temps Nounours vient me rejoindre :
- PUTAIN T'ES VIVANT ! Me dit-il et me prenant dans ses bras.
Je lui réponds que je lui expliquerai
tout après l'enterrement, et me dirige vers l'église. Je regarde les gens avec
un regard noir ; ils n'osent pas me regarder en face mais les murmures
accompagnent mon entrée dans l'église. Je suis suivi par mes potes. Imaginez
la scène, quarante sept motards rentrant dans une église. J'invite les gens
des premiers rangs à laisser la place à
- Non ! Monsieur le Maire !, c'est à moi de parler, je suis sa Famille.
Il retourne s'asseoir et un murmure remplit l'église, de ces murmures de gens bien pensants que la différence effraie, et qui donnent pour les pauvres tant qu'ils ne sont pas dans leur village; une population d'intolérants. Je prends le micro et à ce moment précis un silence rare depuis le début de la cérémonie envahit l'enceinte.
- Ne vous inquiétez pas je ne vous parlerai pas de vous explicitement ou nommément, mais de cette femme qui a souffert de mon absence due à votre attitude et votre incompréhension pour ses derniers jours d'existence. Elle est également partie à cause du grand chagrin auquel elle a dû faire face ayant vu, en un été il y a deux ans, "partir" son époux, son fils et plus tard son petit-fils. Mais cette femme était une grande dame. Tous ici avaient un jour eu besoin d'elle et elle avait toujours répondu présent, ce que vous n'avez pas su faire. Elle a toujours été tolérante avec toute la communauté, ce que cette communauté n'a pas su lui rendre. Vous êtes venus ici pour vous donner bonne conscience mais serez-vous capable de vous regarder dans une glace demain après avoir pensé à vos attitudes. Je vous plains plus que je ne vous hais. Par contre même si le lieu ne s'y prête pas, tous ceux ici qui lorgnent depuis des années sur nos terres, je vous avertis que je ne les vendrai jamais, et je demande à tous ceux qui les exploitent, même après accord de ma grand-mère, de les évacuer dès ce soir dernier délais ou je le ferais moi-même avec mes amis ici présents.
Après mon intervention le silence est encore plus pesant. Je venais de provoquer un séisme dans cette bourgade. Pour explication, après le décès de mon grand-père, ma grand-mère avait verbalement autorisé tel ou tel voisin à utiliser ses terres, l'un pour agrandir son Camping, l'autre pour entreposer ses machines agricoles ou son foin...
La cérémonie terminée nous sommes de retour
à
Le soir venu nous sommes autour de la table tous les cinq. J'explique à Nounours les différents événements vécus ces deux dernières années. Je le vois totalement heureux pour moi mais dans ses yeux je vois aussi ceux du gamin qui aurait aimé être là. Quand on lui conte nos grandes virées au guidon de nos motos sur les routes québécoises et canadiennes je le vois littéralement boire nos récits.
Il est vingt et une heures quand j'entends
du bruit dans
Du perron, à la lueur de la lumière extérieure, j'aperçois le Maire et le Curé accompagnés de M. Thiber le proprio du camping que je respectais beaucoup:
- Pascal on peut te parler ? Me demandent-ils.
- Ok rentrez on sera mieux devant un verre.
Le dialogue commence et je leur confirme mes dires sur le fait que je désire mettre tout à plat sans haine mais avec conviction.
Par contre pour le Camping j'ai décidé de rétrocéder à M. Thiber pour un franc symbolique la parcelle qu'il occupe. Pour le reste je nomme Nounours gestionnaire des terres jusqu'au retour de mon oncle, et demande qu'elles soient libérées au plus vite. Je leur explique qu'un avocat arrivera de Paris le lendemain pour mettre tout ça en ordre et qu'ensuite je quitterai à jamais le village.
M. Thiber me prend la main et me dit :
- Pourquoi moi et pourquoi tant de haine pour les autres, petit ?
Je le regarde en silence avec un sourire qui lui suffit pour comprendre. Seuls nous deux pouvions comprendre. C'est chez lui que j'avais rencontré Kate et ma nouvelle famille. Seuls nous deux savions que son Camping était ma deuxième maison quand ça n'allait pas. Son Camping était mon refuge, ma soupape quand j'étais môme et ça nul ne pouvait comprendre. C'était, comme il me disait à l'époque, notre secret. Je me souviens de ces nuits quand je claquais la porte, je dormais dans une tente au fond du Camping en lui demandant de ne rien dire. Mais secrètement il montait à la maison prévenir mes grands-parents qui, à mon retour le lendemain, faisaient semblant de s'être inquiétés pour moi et de m'avoir cherché partout en vain. Un jeu que nous connaissions tous les quatre mais qui restait secret pour tous.
Le Maire et le curé essayent en vain de me dissuader de faire cela, m'expliquant qu'effectivement le village avait ses torts mais que c'était du passé; que la famille du jeune que j'avais blessé était prêt à venir me voir pour s'excuser, que les personnes qui occupaient mes terres étaient prêtes à me dédommager mais que ma décision était trop vengeresse.
Bien sûr qu'elle l'était car les quatre voisins, en dehors de M. Thiber, avaient participé deux ans auparavant à la cavale me concernant, et le jeune que j'avais blessé était le fils de l'un d'entre eux.
Comme je l'explique au Maire la loi est de mon côté et qu'à l'époque ils auraient dû réfléchir. Au lieu de s'en prendre à moi ils auraient dû demander à leurs enfants de se calmer. Mais ils ne pouvaient imaginer qu'un jour je serais de retour.
Je m'engage auprès d'eux à ne pas demander aux squatteurs un dédommagement pour l'occupation illégale passée. D'un autre côté je précise que s'ils ne se pliaient pas à ma demande de les voir partir rapidement, je viderais moi-même leurs biens de mes terres. A leurs visages ils avaient compris le message et savaient que je ne plaisantais pas.
On finit par parler de mon aventure autour d'un verre. Nous nous mettons d'accord sur des délais et avant de nous serrer la main le curé me dit :
- On regrette, tu sais ils ne sont pas méchants mais ceux qui sont différents leur font peur et la peur est mauvaise conseillère. Ne leur en tiens pas trop rigueur.
- C'est ton village et ça le restera. Mon foyer et ma table te seront toujours ouverts Pascal. Rajoute le Maire.
Le rendez-vous est pris le lendemain entre toutes les parties pour tout mettre par écrit. Une semaine après nous regagnons Paris. Avec Kate nous décidons de nous y installer quelque temps. La boutique de Montréal est confiée en gérance à une amie, et Shawo et Gillou veilleront au grain. Nous nous installons rue Etienne Marcel à Pantin, dans un appart plutôt sympa. Notre vie est alors rythmée par des soirées en boîte ou autres sorties, la belle vie en somme.
Arrive l'année 1981. Vu mon émancipation je dois faire mes trois jours, "Bon pour le service" ils ont dit ! En Juin 1981 je dois incorporer le deuxième GC à Neustadt, camp semi disciplinaire du fait de mon passé. Ils ont certainement jugé utile une telle absurdité. Cependant, arrivé à la caserne d'incorporation de Strasbourg je me fais prendre avec une arme de première catégorie sur moi, un couteau qui me conduit directement à la forteresse de Landau, pour 3 mois.
Les trois mois passés, je fais tout pour me faire réformer afin de rejoindre Kate restée seule à Paris. Après plusieurs tentatives devant le corps médical des Armées je suis réformé par un toubib de l'hôpital militaire de Fribourg pour Y4, c'est à dire une vue défaillante. Nous sommes le cinq décembre 1981 je suis donc de retour auprès des miens. Je ne m'étalerai pas plus sur ce passage militaire car il fût totalement insignifiant.
A mon retour nous décidons de quitter Pantin pour un pavillon sur Montreuil-sous-Bois, rue des Fédérés. Je trouve un Job comme vendeur moto chez "Motorstyle" au Perreux, quai de l'Artois. C'est un petit magasin tenu par deux jeunots, Eric et Jean-Marie, qui se sont rencontrés sur des 500 XT un soir de neige sur les quais, et qui se sont dès lors liés d'amitié. Ils ont repris le magasin à une dame pour en faire un lieu où encore aujourd'hui on peut se rendre juste pour discuter. Ce magasin existe encore avec ces deux passionnés. Même avec quelques années de plus ils sont toujours là aujourd'hui, restés des doux dingues. Kate, quant à elle, travaille comme comptable pour une association caritative. Une vie extraordinaire.
Je conduis depuis des lustres sans permis
mais à l'aube de mes 18 ans je me dois de passer mon permis. Je pars donc m'inscrire
avec Kate au CER de Vincennes non loin de
- Salut je viens me renseigner pour passer mon permis.
- Pour le permis Voiture il faut.....
- Non le permis Moto Msieur ! Lui dis-je en le coupant.
- Hein Quoi ? Le permis Moto et ça dehors c'est quoi ?
- Ben ma Bécane !
- Ha Non, ça ne marche pas comme ça, la Moto on l'achète après le Permis, pas avant ! Me dit-il avant de partir à rire.
On s'assoit au bistro du coin devant un café, et c'est parti. En moins de dix leçons j'étais prêt. Le jour de mes dix huit ans arrive; entre temps j'ai acheté un CB1100R Honda de 1980 tandis que Kate roule sur une CB750K Honda de 79.
Le Grand Jour arrive, je me dirige vers le centre d'examen. Sur la route je double une voiture auto-école étant moi-même avec mon CB affublé du gilet Moto-Ecole. Je n'y prête pas attention sauf que rendu au centre d'examen je vois cette voiture s'y arrêter. En descend un mec d'une cinquantaine d'années qui demande à l'assemblée :
- C'est à qui la Honda là ?
- Moi. Répondis-je.
- Ha c'est vous le Mamola de l'autoroute ! Bon pour la peine vous repasserez la semaine prochaine, et la prochaine fois quand vous doublerez vous mettrez votre clignotant, ils n'ont pas été faits pour faire beau !
Et voilà mon permis repoussé d'une semaine. Ce n'est que partie remise, la semaine suivante je me retrouve devant le même examinateur. Mon permis en poche il vient vers moi et me dit :
- Alors Pascal, tu fais le beau ? Tu ne m'as pas reconnu !
- Heu non. J'ai beau chercher mais je ne vois pas
- Obélix et les frangins d'Alésia ça ne te dit rien ?
- Si mais.........
- Papy ça ne te dit rien ?
- Ho merde si mais.............
Comment reconnaître un frangin dans sa vie de tous les jours, vêtu d'un costard, quand tu as l'habitude de le voir en cuir ? On est parti à parler des frangins. Le monde n'est finalement pas si grand.
Ce jour là j'ai compris que derrière notre armure des temps modernes, notre Blouson noir, nos bottes de cuir vieillies par la route et notre casque, il y a un être humain, femme ou homme, qui a une vie à côté de sa passion motarde, et pour certain les deux ne font qu'un comme pour moi.
La vie m'a appris une chose, c'est qu'elle est faite de modes et de codes, mais que vivre motard est un mode de vie à part entière. C'est notamment vivre dans le respect de tous, être solidaire avec tous. Le monde de la moto n'a pas attendu pour inventer le mot «SOLIDARITE», elle a su l'adapter à sa passion. Comme dit JB peut importe le flacon, l'essentiel c'est la saveur. Une phrase à méditer aujourd'hui pour tous ces possesseurs de grosses cylindrées qui ne jurent que par Chevaux interposés où en dessous des 12000 tours tu n'es pas un motard. J'ai mis des années à intégrer cette phrase et encore après bien des déboires.
Le Vendredi soir qui suit, je descends avec
mes potes sur Bastoche. Une bande de mecs a créé une sorte de fédération
regroupant plusieurs clubs autour d'un seul logo : la FFMC (Fédération Française
des Motards en Colère). Elle récolte aussi du fric pour lancer une sorte
de mutuelle réservée aux motards. Au final, plus de 40 000 motards ont versé
chacun 280 Frs, moi et mes potes y compris. C'est ainsi que naquit en
Je fréquentais plus ou moins ces mecs. Lors
des manifs on était toujours là. Le temps me fera dire que cette machine est
une extraordinaire invention, cependant les problèmes d'individus qui la rythment
ont un peu éloigné plusieurs motards déçus de voir les conflits d'individus
passer avant l'intérêt général.
Ce soir là il y eu aussi la création de notre groupe, le Team des Copains. Nous étions une petite bande d'une quinzaine de potes un peu cinglés et fous de vitesse. Le périf était devenu notre circuit. Depuis plusieurs mois, avec la fermeture du circuit illégal situé sur les halles de Rungis, les motards n'ayant plus de lieu où assouvir leur passion ont pris le Périf comme circuit.
En dehors de Bastille il y a les RDV de
- Monsieur une revue ? Que désirez-vous comme plateau repas ?
Je sursaute, c'est vrai je suis sur la route
de
- Vous n'avez pas une revue sportive ou moto, par hasard ?
- Oui, nous avons le dernier Moto Journal.
- Alors ok je prends.
- Et pour votre plateau repas ?
- Je prendrai le menu B.
Il faut dire qu'en première classe les passagers sont choyés un maximum. Je me lève et vais prendre un verre au bar situé à l'étage de ce Boeing 747 - 600.
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