Copyright © Averell Magazine by Moto Club Des Potes

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Cher lecteur, rebonjour.

Pour clore la première année d'existence de Averell Magazine, il fallait terminer l'année en beauté. Et c'est justement un programme de choix que nous vous offrons ce mois-ci en la personne d'Olivier Mingot, que la plupart d'entre nous connaissent sous le pseudonyme de " Solo ".

Ce personnage décalé, à contre courant comme il se plait à le dire lui même, reste méconnu pour de nombreuses raisons dont la moindre n'est pas sa situation géographique : Le bonhomme a en effet le privilège ( la malchance, diront les mauvaises langues ) de vivre en province, plus précisément dans la région de Tours. Très présent dans la vie du club malgré la distance, ce gros rouleur ne rate jamais une occasion d'enquiller les kilomètres pour venir nous faire profiter de sa compagnie. Et lorsqu'il n'est pas physiquement avec nous, ses messages provocateurs sur le forum, qui lui ont valu le titre de membre le plus censuré du club, ou encore ses productions littéraires contribuent grandement à faire vivre le club et à la perpétuation de " l'esprit MCP ", quelque part entre franche camaraderie et épopée motarde.

Peu après mon arrivée au club, c'est masqué par le voile de la fiction que j'ai pour la première fois découvert Solo au travers de son roman, Canon Ball, où il se dissimule derrière le personnage de Banco Niglo. Peut être est-ce en raison du fait que je ne l'avais jusqu'alors jamais rencontré, mais la lecture de ce roman a suscité en moi une réaction toute particulière : Incapable de déméler le vécu de la fiction, je me suis mis à affabuler sur le personnage, tantôt justicier, tantôt meurtrier. Et avant de comprendre que l'histoire de Banco Niglo est avant tout une habile mise en scène de nombreuses expériences vécues, je n'arrivais pas à imaginer qu'on puisse vivre tant de choses dans une seule existence, d'autant que le père Solo est encore loin de la retraite. Ma curiosité attisée au plus haut point, j'avais fait de la découverte du " Vrai " Solo une affaire personnelle.

Autant dire que lorsque l'on m'a proposé la rubrique Averell Magazine, avec à la clef l'interview de ce personnage énigmatique, J'ai sauté sur l'occasion !

Un an a passé depuis ce jour, et j'ai eu l'occasion depuis de rencontrer maintes fois Olivier, d'écouter quelques unes de ses anecdotes et d'échanger aussi bien des discours d'opinion que de mauvaises blagues, de partager une soirée chaleureuse autour d'une bonne table, causant de la pluie et du beau temps... A mesure que le temps a passé, j'ai de moins en moins éprouvé de besoin de " Tout Savoir " sur le personnage et me suis contenté d'aller à la rencontre du Solo d'aujourd'hui. Enfin débarassé du désir égoïste et voyeur de dévoiler son passé d'une manière dénuée de toute romance, je souhaite aujourd'hui vous présenter de Solo ce qu'il accepte de partager avec nous.

Quand je pense à cet interview, j'ai en tête un film de Tim Burton qu'il m'a été donné de voir récemment : " Big Fish ". L'histoire d'un père que son fils n'a jamais connu autrement qu'au travers des contes de fées que ce dernier lui racontait. Alors que cet homme touche à la fin de sa vie, son fils tente avec acharnement de découvrir qui est véritablement son père, de déchirer le voile de mystère et de magie qui l'a toujours entouré pour " enfin le connaître "... Il découvrira finalement que les histoires de son père avaient toutes un fond de vrai mais que les raconter en se contentant des faits les rendaient infiniment plus tristes et ternes.

Pour moi, Solo est de cette race de narrateurs qui savent vous parler de leur expérience avec ce qu'il faut de magie et d'extraordinaire pour rendre chaque histoire incroyable. A quoi cela servirait-il finalement de prouver que Solo n'est pas Banco Niglo sinon à faire s'évanouir cette fragile part de rêve que son roman a su faire naitre en nous ?

Une Interview-Fiction ? Pas tout à fait ! Une divagation de l'esprit sur le thème du passé, oui. Ce reportage sera, et doit être, incomplet. Nous tenterons d'aborder les thèmes forts sans rechercher à tout prix la précision et l'exaustivité. Je vous invite donc à ce qui sera, je l'espère, un agréable voyage au pays des souvenirs, raconté par la voix de Solo lui-même.

Pour commencer, pourquoi « Solo » ?

« Robinson Crusoé » et « L'enfant et la rivière ». En 74, j'avais 8 ans, mes parents m'ont refilé ces deux livres pour m'éloigner de mon travail d'écriture d'un manifeste politique. Ces livres cités me convenaient bien car je passais mes vacances chez ma grand-mère qui me fichait une paix royale. Nous avions 70 ans de différence, elle venait d'un autre siècle. Mes parents me laissaient chez elle durant les vacances et c'était la liberté ! J'ai vécu plusieurs années de rêve pour un enfant. Ma grand-mère me faisait confiance et je bénéficiais d'une marge de manœuvre assez large pour explorer mon nouveau territoire. Je passais beaucoup de temps en forêt, j'y perfectionnais mes techniques de braconnage, j'arpentais les collines! A quinze ans, je disparaissais des journées entières sous le couvert végétal. Mes oncles qui étaient pourtant des ruraux m'appelaient l'homme des bois. Je prenais littéralement le maquis, je m'aventurais dans des zones de chasse interdites, je passais parfois avant les chiens de meute. Mes parents ne savaient pas où j'étais, c'était la belle vie. Pour dire, je portais déjà bien mon surnom, Solo.

Avec mes premières mobylettes à propulsion musculaire, mon rayon d'action s'élargissait singulièrement. Ma réputation de coureur de bois s'étendit : les gens parlaient de moi, dans le village. J'avais beaucoup de lecture sur la chasse, les techniques de vénerie, les méthodes pour trouver le pied du gibier et mes déplacements étaient furtifs. De là à me considérer comme un braconnier, il n'y avait qu'un pas ! D'ailleurs, un garde fédéral se mit à traîner dans mon secteur, mais on peut dire qu'il avait une plus mauvaise connaissance du terrain que moi... Mon trip, c'était la balade au clair de lune, en forêt. Je peux dire que je connais les chemins locaux mieux que certains autochtones. Mon tonton étant dans la production d'alcool, il avait souvent à faire aux rats de cave : Les inspecteurs de la répression des fraudes. En 1980, cela faisait déjà 60 piges que l'alambic était chez nous. Alors ils se fatiguaient pour rien à nous surveiller. J'étais expert dans la pose du collet, mon professeur n'était autre que ma grand-mère qui avait améliorer l'ordinaire pendant la guerre. Cela ne plaisait pas trop au « tonton gendarme »...

Je dois tenir de cette époque là le goût d'arpenter les bois et surtout de ne pas supporter qu'on me surveille, ou d'avoir à rendre des comptes à l'autorité. La moto fut en toute logique une formidable machine à explorer, un vecteur de voyage par lequel j'ai pu continuer à vivre cette indépendance.

Et ce côté anticonformiste,
est-il inné ou acquis ?

Tout d'abord, ne pensez pas que c'était la galère dans mon enfance. C'était les trente glorieuses, les parents bossaient dur. Pas le temps de faire de la politique, pas de militantisme ! Je me souviens bien de la mort de De Gaulle, des longues rétrospectives à la téloche. On a dû en parler sans interruption pendant un mois. Le ton de l'information était différent, ça rigolait pas !

En 74, j'ai commencé à me pencher sur le débat politique en épluchant les professions de foi des candidats, j'étais en CE1... J'avais fait une étude comparée du programme d'Arlette, qui portait des mini-jupes, et de Royer le maire de Tours, champion de la morale bourgeoise locale. Vous seriez étonné de savoir que je descendais pas Jeannot-la-morale ! Je devais kiffer sur la proximité du futur ministre du commerce. Mes parents s'inquiétaient un peu et c'est à cette occasion qu'ils me donnèrent « Robinson Crusoé » et « L'enfant et la rivière », dans le but de contrarier l'écriture de mon manifeste sur le petit commerce. Pour un peu, j'étais poujadiste à huit ans !

Ma grand-mère était née en 1896, elle racontait avoir vu les premiers aéroplanes vers 1911. Les gens s'étaient cachés, croyant à l'arrivée du Malin. Elle décrivait le poids de L'Eglise à cette époque qui maintenait une forme d'ignorance du peuple. Ma mère disait la même chose : « Certains ne veulent pas qu'on en sache de trop, on risquerait de se révolter... L'émancipation, c'est le savoir ! ». On parlait souvent de l'éducation de la base, de la nécessité d'acquérir un sens critique. J'étais frappé par la lucidité et le courage de mon aïeule face à une vie difficile. Son premier fiancé n'était pas revenu de la Grande Guerre, elle avait épousé mon grand-père Ernest qui était devenu distillateur en 1920 car il était invalide d'un bras. Ma tante n'a pas vu revenir son promis de la guerre suivante. On racontait à juste titre à mon père qu'il y avait une guerre tous les vingt ans, il n'échappa malheureusement pas à celles de la décolonisation.

L'été, je vivais au bord d'une rivière avec cette grand-mère qui parlait sans cesse du passé et c'était proprement fantastique. Une sorte de livre d'histoire qui remontait le temps ! Elle me racontait comment, avant la guerre de 14, il y avait des montreurs d'ours qui passaient dans les campagnes. Des hommes à la peau foncé, les chiens de la ferme les sentaient à des kilomètres, ces animaux si étranges ! En 81, Joséphine s'est éteinte, usée par une dure vie de labeur. J'étais confronté pour la deuxième fois à la mort à quinze ans. Une partie de mon monde s'écroulait. La grande faucheuse avait frappé et je découvrais une nouvelle obsession : la mort.

Le monde politique changeait aussi et nous étions des supporters de la candidature de Coluche. Dans notre collège populaire, ça se passait bien entre nous. Mon meilleur pote s'appelait Hakim. Le règne de VGE touchait à sa fin et Tonton allait tout changer ! Je me souviens très bien de G Marchais, en 80, qui justifiait l'intervention soviétique à Kaboul. Pitoyable ! Les Stals, ils me débectaient sévère ! Mitterrand avait promis de ne pas mettre la vignette moto, je me souviens des bagarres, des manifs pour défendre les droits des motards. Ça fritait sec, les gens descendaient vite dans la rue, il y avait un niveau de mobilisation important à la fin des années 80. On avait hérité cela de 68, il y avait une tendance à pas se laisser marcher dessus.

En 81, c'était la panique chez les rupins. Le pognon se barrait en masse à l'étranger. Le grand capital avait peur des ministres cocos au gouvernement. Le père d'une copain du bahut s'est fait attraper par la douane à passer des kilos d'or en Espagne. Moi, je me fichait pas mal de la politique. Je travaillais sur la réconciliation Franco-Germanique dans les bras d'une jeune allemande, Sylvia. Nous étions Anars et Coluchiens. Mes parents digéraient difficilement mon goût pour le hard-rock... Comment ne pas se reconnaître dans Coluche : Prolo et Motard ?

En septembre 81, je me retrouve dans un lycée de centre ville. Je passe directement de mon collège où je vivais avec mes potes de la Zup au Lycée de rupins. Quand tu vis avec des gens qui partagent ton quotidien, tu ne mesures pas les différences sociales. En seconde, je me retrouve le seul fils de prolo de ma classe. J'ai pris une grosse claque car je me remettais du séisme affectif que je venais de subir. J'étais plutôt un garçon tranquille et studieux, mais ça me gavait d'être catalogué. Et surtout, je n'avais pas de préoccupation commune avec mes petits camarades. Tu viens d'une banlieue ouvrière ? Donc t'es coco ! En 1981, c'était le catalogage hâtif chez les petits bourges du lycée Descartes. Dans la bibliothèque de mon père, il y a la Bible, le code pénal, les évangiles, et surtout les grands auteurs : Victor Hugo, Zola, Balzac! Mais Marx, ce n'était pas dans la culture familiale !

Mon père n'a jamais milité, il a terminé sa carrière dans une boîte à la mentalité paternaliste où le syndicat maison était téléguidé par le patron. Il a connu beaucoup de patrons au début de sa vie professionnelle et les refus d'augmentation ou les mauvaises conditions de travail se soldaient comptant, parfois à coup de poing.

Ma mère, elle, était devenue anticléricale depuis l'Occupation. Il faut dire que le curé du village avait dénoncé la famille Moscovici, des juifs roumains, à la Gestapo de Saumur.

J'avais une part de révolte qui grondait sourdement. Les profs ont senti certainement ce décalage, certains m'ont même tendu la main.

Actuellement, je ne comprends pas cette peur de l'étranger. J'ai grandi avec des Portugais, des Yougoslaves, des Nord-Africains depuis 69, dans une ville ouvrière où la plupart de mes potes étaient des fils d'immigrés venus bosser chez Michelin ou Hutchison. En 1980, il y avait 3000 ouvriers chez Michelin Joué. Quand j'avais des sales notes, on me disait : « Tu veux finir à l'usine ? ». Au bahut, avec mon côté solitaire, j'étais pas vraiment à ma place.

Comme il y avait des classes préparatoires, certains internes de math sup voulaient perpétrer les traditions de bizutage sur les bleus-bites de seconde. J'étais pacifique et j'avais pour moi mon expérience de vie dans une zup. Là, tu apprends à assumer tes propos, tes actes, et à ne pas chercher des noises si tu n'as pas les moyens de ta politique. Les hercules de foire déchantent vite. Cette force idiote du nombre face à moi, ça me fait toujours gerber ! L'administration fermait les yeux sur ces pratiques qu'elle jugeait « bon-enfant ». Alliot-Marie était rectrice d'académie à l'époque et elle vint à passer sur le bahut avec l'ancien président Sédar Senghor, qui avait été prof de lettres. Le premier agrégé de couleur d'ailleurs. Recevoir un chef d'état oblige à quelques préparatifs et cela ferait désordre qu'un drap pende avec des slogans tels que : « Non au bizutage des ados attardés ! ». A vrai dire, je n'avais pas le profil du futur élève qu'on sélectionnerait pour les classe prépa. J'ai failli éjecter au Lycée Grandmont, mais certains profs m'ont soutenu pour que je reste et je suis aujourd'hui bachelier dans deux série : D et C.

J'étais le seul à lire le monde libertaire au bahut, parmi cette jeunesse formatée et bien-pensante qui ne parlait que de Courchevel ou de Gstadt. J'admirais l'intelligence, le savoir, le travail et la culture mais je n'acceptais pas le favoritisme, le copinage, les pistonnés ! Je me souviens de la fille d'un élu en vue qui n'avait jamais de problème pour passer dans la classe supérieure ! Je pense que j'avais un niveau de colère, de révolte, important que je passais dans l'écriture. J'escomptais beaucoup sur l'effet salvateur de ma prose.

Je me dois de dire que Tania fut une bouffée d'oxygène car elle était largement aussi extraterrestre que moi sur la planète bahut.

Bref, je suis arrivé vers mes vingt piges assez mal car je traversais une mauvaise passe, très dure. Il a fallu que je me batte pied à pied pour remonter la pente. Je n'arrivais pas à trouver un équilibre entre les forces qui me traversaient. J'ai dû me résoudre à accepter, à composer avec cette révolte permanente qui me rendait asocial et m'obligeait à me tenir à l'écart du groupe. Je devais enfin accepter qu'il y ait plusieurs personnes en moi. Je devais essayer de vivre, sans me brûler. Je vais expliquer certaines choses, d'autres resteront enfouies. J'ai appris à ne pas exposer mes faiblesses.

Je peux vous dire que je mémorise toutes les situations, les impressions. Je ne sais pas si c'est un trait autistique mais j'ai une capacité d'oubli quasi-nulle. Si cela m'est utile dans ma passion historique, je développe une aptitude redoutable à intégrer le vécu de l'autre, hostile ou non. Je n'ai aucune capacité au pardon et à l'oubli... J'ai une mémoire quasi-animale des coups portés, mon histoire est ainsi faite. J'ai besoin de mettre des mots sur mes souffrances, d'analyser la façon qu'on certains de nuire. J'ai appris à canaliser les réponses que je devais donner grâce à l'écrit, mieux vaut utiliser le stylo comme arme.

Aujourd'hui, je viens de passer la quarantaine mais je vis avec une somme d'expériences gravées en moi, les miennes et celles que j'ai pris à mon compte. Mes combats ! Mes révoltes, j'aurais pu les exprimer de manière sauvage. Qu'on s'en prenne à moi ou à ma famille, je deviens incontrolable en pensées que je dois canaliser pour éviter les dérapages. Je suis un être social qui réfrêne ses pulsions, je connais aussi les limites du jeu théâtral auquel on se livre tous les jours. Chaque attaque réveille des blessures non cicatrisées. Je ressens l'exclusion d'une manière maladive, même quand cela ne me concerne pas.

Mais revenons à ma jeunesse. J'ai déboulé à la fac au moment du projet de réforme Devaquet de l'université. L'Unfef-id était le syndicat majoritaire et au mains des Trotskystes Lambertistes. A l'époque, on disait PCI. Je ne me suis pas lancé dans la bataille, il y a eu des manifs étudiantes monstres : la mort de Malik Ousékine, les policiers voltigeurs à moto qui tapaient sur les manifestants pour les disperser ! L'émotion fut grande mais je dois dire que j'étais étudiant salarié. J'ai commencé à bosser à l'usine à 18 ans, je faisais les 3X8 sur une chaîne.

La fac, tu apprends vite à ne pas y mettre les pieds. Il y a tellement de choses à faire à 18 ans ! J'étais régulièrement poursuivi par mes études. Il faut dire qu'on faisait beaucoup la foire. Le triangle d'or, c'était " Cafétéria - Cité Universitaire - Boîte de Nuit ( le Cat's ou d'autres : Stéréo, Baldak... ) ". Il fallait bien tuer la mélancolie, oublier la déception d'un amour impossible et se socialiser enfin.

Je me suis épuisé à mener de front les études et à trouver des sous. J'ai souvent entendu des discours très " Gauche " sur la condition prolétarienne de la part de gens qui n'ont jamais été voir sur place. Le discours de « Révolutionnaire » de salon m'arrache maintenant des sanglots de rire. Moi, je voyais des anciens copains de lycée qui partaient au soleil pendant que je faisais les 3x8 à l'usine, à respirer des vapeurs de benzène, des poussières d'amiante... Enfin moi, ça m'a servi à ne pas le faire pendant quarante piges ! Rester enfermé dans le bruit des machines et la chaleur était un vrai calvaire psychologique. Je me repassais le film de mes jeunes années au grand air, à cavaler sur les côteaux de Bourgueil. J'ai mieux compris mon père avec cette réalité du travail. Il a bien fini par arrêter de dire merde à son patron, en restant 25 piges chez Michelin. Il ne s'agit pas de vous apitoyer, je suis chanceux d'avoir compris à temps que je devais sortir de ma léthargie. On a rien, sans rien ! Surtout dans mon milieu.

La disparition de Coluche a été un véritable choc en 86, l'année de mes vingt piges. Nous étions persuadés que sa mort n'était pas accidentelle. Avait-il voulu faire rire la France des secrets de « notre grand communicateur » ? J'étais très irrévérentieux à cette époque, pas souple pour un sou. J'écrivais aux insoumis qui refusaient de faire le service militaire, je savais que mon tour viendrait. Je me préparais à affronter « la grande muette ». J'ai eu la complicité active d'un grand nom de la chirurgie orthopédique pour éviter l'incorporation. L'officier orienteur était certainement un type intelligent et bien renseigné.

Un jour, j'en ai eu marre de faire mille boulots pour vivre en étudiant, c'est pour cela que j'ai passé le concours d'instituteur. Ceci dit, le monde du travail est une formidable école de la vie. De coursier à voiturier d'hôtel, en passant par agent hospitalier intérimaire, cueilleur de pommes... J'étais prêt à tout pour gagner du blé. Quand j'ai passé le concours d'instituteur, ce que je suis toujours, j'avais déjà quantité de trimestres de cotisation. N'ayant pas eu de bourse, je me suis débrouillé. Je ne suis pas à plaindre, j'ai le goût de l'effort. Mais ne venez pas me dire que je suis privilégié ! J'ai pris tous les jobs qu'on me proposait, pour gagner légalement mon fric.

Tout ce que j'ai fait ,c'est uniquement pour la passion de la moto !

La passion de la moto, justement...
Que peux-tu nous dire sur ton parcours ?

Chez nous, il n'y avait pas de motards au sens actuel. Mon père a possédé une Terrot dans les années cinquantes, mais à son retour d'Algérie il s'est empressé d'acheter une 4 chevaux. La bécane n'était pas vu d'un bon oeil. Dans l'immédiat après-guerre, ce fut un moyen purement utilitaire de locomotion. Je réussis à savoir qu'on prenait mon paternel pour un voyou avant sa rencontre avec ma mère. Ecumer les bals populaires à moto suffisait à se faire une mauvaise image...

Mon oncle maternel, lui, était rentré dans la gendarmerie en 1945. Il était ambitieux et cherchait à progresser dans la hiérarchie. On lui proposa de devenir gendarme motocycliste. Il faut dire que les volontaires ne se bousculaient pas au portillon. On disait de lui dans la grande muette : « Chevalier, il faut avoir tuer père et mère pour faire ce que vous faites ! ». J'étais stupéfait d'apprendre qu'il n'aimait pas les motards civils, je finis par comprendre que les engins de l'administration étaient particulièrement poussifs à ses débuts. Il commença probablement sur des Ratier Cemec, des stocks de motos allemandes reconditionées. J'ai vu aussi des photos de lui en BSA.

Aucune revue moto à l'horizon, il fallait attendre le Tour de France pour espérer en voir. Vers trois ans, je buvais déjà les étapes de montagne sur le poste Schneider de ma grand-mère. Je me souviens du jour où mon paternel rapporta de la Creuse un vélo sur le toit de la R16 familiale ! L'engin était beaucoup trop grand pour moi et on avait adapté des cales de bois sur les pédales. Je suis passé du tricycle rouge à benne, dans laquelle je trimbalais un géranium, à cet engin adapté à ma morphologie ! Dans ma tête, j'étais un motard de la gendarmerie escortant le peloton. A l'époque, il y avait des BMW 500 série 2, avec le filtre camembert pour ceux qui connaissent...

Bien sûr, j'ignorais tout de ces machines. Il m'aura fallu attendre 1989 pour réaliser ce rêve qu'était essayer une moto de flic. La fameuse 500 ex-domaine. Seulement, elle était passée dans les soins d'un sorcier : Allègement du volant moteur, pot Vatier à absorption, et surtout carbus Dell'orto issu d'une 500 Morini, 4 vitesses et freins à tambour. Petit clin d'oeil à Thierry Diller, maintenant membre du GMT, le team qui a gagné le bol d'or cette année. C'était lui, le préparateur !

Pour revenir à ma première expérience sur mon deux roues à propulsion animale, j'ai traversé une haie de troène. Résultat, la tronche griffée et ablation des garde-boue !

Il allait falloir attendre encore longtemps avant d'avoir une moto ! En attendant, j'étais fou de cyclisme. Je le suis encore ! Chez nous, le Tour, c'était sacré. Nous avions une passion pour le vélo, c'était proche de nous parce que c'était le destrier de l'ouvrier pour aller à l'usine. Mon père avait une automobile qu'il ne sortait que le week-end mais il est allé toute sa vie au boulot à vélo. Un vélo qu'il a eu pour son certif et qu'il possède encore ! Idem pour ma mère.

Une autre fenêtre sur le monde motard en la personne d'Yves Mourousi. Je me souviens de ses reportages sur les motards d'avant 1973, chevelus et anars, qui refusaient de mettre le casque ! 1973, c'est l'année des limitations de vitesse, du port du casque obligatoire, du taux d'alcool à 1,2 grammes... Mourousi était le seul à se pencher sur le phénomène social qu'était le renouveau de la moto. La télé changeait, on sortait de l'ORTF et de la censure du grand Charles. On voyait des images du circuit sauvage de Rungis et c'était très mal vu de traîner avec des motards. Mourousi était retourné voir la fameuse bande de motards qui acceptaient de mettre un casque à présent. Je ne savais pas à l'époque que Mourousi était aussi motard, j'aimerais bien revoir les images des reportages de cette époque. Avec le recul, je devrais retrouver des gens connus de moi, de vous !

Je souhaitais toujours acquérir un engin à moteur mais les interdits familiaux étaient incontournables. Je me souviens des morceaux de mobylettes que je récupérais, pour démonter. J'ai passé de longues heures à décortiquer, à essayer de comprendre comment cela pouvait marcher.

Cela prête à sourire, mais je rêvais d'être cascadeur. Je lisais tout sur Rémy Julienne, qui a une société de production. C'est un vrai passionné de motos, qui a été un bon pilote de cross, peut-être même champion de France, et qui roule en sportive au quotidien. Comme je rêvais d'être cascadeur, on m'a souvent recousu et c'était Lazare Moscovici, le médecin rescapé des camps, qui me mettait des agrafes dans le cuir chevelu. Je suis loin d'éprouver l'absence de peur du danger qu'éprouve et décris JPF dans un numéro précédent D'Averell Mag. Mon instinct de conservation, ma trouillardise, m'a permis d'échapper à la grande faucheuse plusieurs fois.

Mon oncle Henri, qui a repris l'activité de distillateur à la mort de mon grand-père, était président du moto-club de Courléon, Maine et Loire. Cela remonte aux années soixante, avant l'arrivée des deux temps de l'Est puis japonais. Le cross se conjuguait à la sauce Matchless, BSA et Triumph CUB. Souvent des machines réformées de l'armée. Il y avait deux terrains dans mon secteur : à Courléon et à Broc. Je ne sais pas si Julienne y est venu, mais pour moi c'était la frustation, j'entendais les bruits derrière la colline... Mes parents, eux, trouvaient ce passe-temps bruyant et futil. J'étais donc condamné à écouter les conversations du lundi entre mon oncle et sa mère. Bien sûr, les mobylettes étaient aussi proscrites... Ma carrière était retardée ! Je me mis à écumer les dépôts d'ordures afin de récupérer des vieilles mobs, des pièces de vélo. Je me suis monté des engins hybrides à fourche télescopique, freins à tambour... Mais la propulsion était musculaire ! Les VTT, ça n'existait pas. Je bricolais donc mes démultiplications, je graissais mes axes de pédalier. Cela augmenta singulièrement mon rayon d'action.

Au bahut j'avais un camarade, Manu, qui était fan de moto. Son frère aîné avait un 750 four et il venait parfois à la sortie le chercher. C'était l'époque de la 125 à 16 ans, puis ils ont créé la catégorie 80, car Peugeot avait un produit valable. Attitude typiquement française de protectionnisme. Le frère de Manu a mis volontairement fin à ses jours, à moto, à cause d'un chagrin d'amour. Cela a été un choc pour notre communauté admirative. Manu n'avait plus goût à la vie non plus, sa mère lui a offert un 80 Kawa AR, c'est avec cet engin que j'ai fait mon premier tour. A part ça, Au niveau moto, je dévorais tout ce que je trouvais mais c'était zéro au niveau pratique.

Plus tard, j'ai fait les 3x8 pour payer mes études, j'ai financé intégralement ma passion moto. Fauché, j'ai commencé à rouler sur une 125 XLS Honda. J'avais le permis « Toute Cylindrée », mais pas les moyens d'avoir autre chose. De toute façon, les assurances restaient dissuassives quand j'ai commencé. C'était le boum des trails qui plafonnaient à 160, comme les 600 DR ou XT. Peu importe l'engin pourvu qu'il m'ouvre les portes du voyage à moto !

J'ai eu une voiture vers dix-huit ans, mais elle n'a vécu que trois petites semaines car j'ai eu un accident rocambolesque avec. Je doublais une voiture qui a tourné à gauche... Non seulement l'engin était détruit mais le conducteur était belliqueux. Il faut dire que j'avais arraché le train avant de sa superbe Austin Métro. Je rentrais dans le domaine de la cascade malgré moi puisque j'ai fait des tonneaux. J'étais dégouté des caisses et je n'ai jamais eu aucun feeling affectif pour les BAR.

Ma XLS, elle en a vu de toutes les couleurs ! Cependant, c'était ma première moto avec tout ce que cela représente de sacrifice pour un étudiant salarié. J'ai dû la payer 4500 balles et je l'ai gardée jusqu'en 2000. Je suis très conservateur et soigneux pour mes motos car j'ai trop attendu le moment de rouler. Je me souviens d'une fête près du Mans, un type avait le dernier " Stinger 750 Kawa ". Il a commencé à boire et à maltraiter sa machine, j'étais écoeuré. L'histoire se termine par un burn-out non contrôlé sur l'herbe, il lâche le frein et termine avec sa moto sur ma tente où je faisais la sieste. On a dû me retenir pour éviter que je le massacre. Il a terminé en pleurs à la fin de la soirée car il déssaoulait et se rendait compte que son jouet était cassé. Après avoir voulu me casser les jambes, il me demandait du fric pour un taxi...

Il y a eu une période folle où toutes les expériences étaient bonnes à tenter. Bien sûr la passion de la moto était centrale, mais faute de moyens, je n'ai pas acquis de machines puissantes. Sinon je ne serais peut-être plus là pour en parler. Nous roulions énormément sur ce qu'on avait sous la main. Et on fustigeait les guignols, les mickeys, qui ne savaient pas se servir de leur moto. On avait certainement beaucoup à apprendre car la formation initiale était merdique. J'étais le champion de la moto à pas cher. Mon record, c'est un 350 Four acquis 800 francs. J'ai appris à mécaniquer de cette façon. Pour me perfectionner, j'ai voulu faire un stage AFDM ( Association de Formation Des Motards ) avec la FFMC ( Fédération Française des Motards en Colères ). On traînait pas mal aux réunions et certains mecs étaient sympas, d'autres se prenaient pour des pilotes. On se retrouvait sur une piste en forêt de Chinon, sur l'ancienne base américaine. C'était l'époque Barbour, bottes en cuir de pompier issus d'un surplus et gants de chantier ! Je dois avouer qu'on me prenait de haut. J'ai même entendu du truc du genre « il se pointe encore avec sa bécane de merde ! ». Mais on était pas rancuniers, puisque suite à la chute de la moto d'un animateur, Bruno Vérité, nous avons décidé d'organiser une fête moto pour trouver des fonds.

Ce fut grandiose, ça s'appelait « Forza Courléon » car nous admirions les motos italiennes et ça se passait dans le Maine et Loire, dans le village de Courléon. J'attends toujours un merci, et le trésorier a détourné une partie de la caisse. C'était typique de l'époque, on trouvait toujours une solution collective pour résoudre un problème individuel. Seulement moi, j'étais plutôt la cheville ouvrière de l'organisation et il y avait toujours le technocrate beau parleur qui venait faire son discours à la fin. Sous prétexte d'entraide motarde, tu tombais parfois sur des profiteurs. On est tous passé par là à cette époque.

Je regardais de loin les activités de " Moto solidarité 37 " qui ne cherchait pas spécialement à élargir son groupe actif. Ayant créé une moto-école associative, je crois qu'ils furent obligés de se reconvertir en société.

L'arrivée du 750 Gsxr fut un choc en 88. Jamais une machine n'avait autant défrayé la chronique. On passait des heures à parler de ça, au bar de la bibliothèque. Je me souviens qu'il y a eu une dizaine de morts à moto durant l'été, cette année-là.

Ma carrière dans les moto-clubs a commencé chez « Les Loups Errants ». Le président était heureux de son titre, cela lui suffisait. Convivial au début, il craignait les prises de pouvoir. On était un peu insouciants, l'escapade du week-end était notre crédo. Rouler le plus loin possible, par tous les temps ! Mais je me suis vite rendu compte que les rivalités, les jalousies, me pesaient.

Après des années d'attente, je me payais une moto neuve en 91. Pour autant, je n'étais pas un nanti ! Je laissais enfin les quatrièmes mains rafistolées pour la BMW du pauvre : le 900 XJ Yamaha, très populaire chez les routards de l'époque.

Le jour où on m'a dit : « Tu peux pas comprendre ce que c'est que la galère, nous on n'a pas de fric pour rouler ! » j'ai pris le vespa Grilo ( un ciao amélioré ) de celle qui allait devenir ma femme pour monter un raid sur le Millevaches, en hiver. Je suis parti une semaine fin décembre, en autonomie, avec la tente et le réchaud. J'ai fait Limoges-Tours, non stop, en pleine nuit. J'ai mis cinq heures. J'ai conseillé à mes louveteaux de continuer sans moi et de bosser au lieu d'attendre que ça tombe tout cuit. La société providence a ses limites ! J'ai compris ce que je cherchais : Ma passion de rouler, c'était me mesurer à mes propres limites.

Comment je conçois l'avenir de la moto pour moi ? J'ai composé avec mes problèmes de santé qui m'ont tenu parfois à l'écart du guidon. Mon dernier séjour hospitalier remonte à 2001. J'ai puisé dans mes forces physiques et morales pour maintenir le bateau à flot. La famille, bien sûr, mais aussi une moto acquise depuis peu ont été les moteurs de ma guérison. Je porte encore des stigmates et ma pratique moto se doit d'être calme. Seulement, on ne renonce pas aux frissons, à la poussée d'adrénaline après vingt piges de dépendance. J'ai ouvert des nouvelles voies. Curieux de tout, je me suis mis au tout-terrain, qui permet de découvrir des sensations fortes sans aller trop vite. Mon passé traumatologique ne me permet pas de risquer le crash sur route. Essayez de faire une sortie TT une nuit sans lune, je vous garantis des sensations fortes ! De plus, le niveau d'entraide est bon et la convivialité est de mise !

Les machines de route modernes sont fantastiques, plus faciles à dominer qu'autrefois. Je ressens moins le besoin de tout sacrifier pour ma passion. Les priorités vont à ma famille mais la porte n'est jamais fermée pour une virée. Je conçois l'avenir uniquement dans une perspective de la pratique moto. Mes enfants grandissent et je ne veux rien leur imposer, seulement les accompagner dans la découverte. Mon fils a commencé sa carrière derrière moi l'été de ses six ans et depuis, j'essaye de lui montrer les aspects positifs du monde motard. Ma plus belle réussite est la progression de Kitou, ma femme. Après avoir été passagère, elle s'est initié sur deux 125 successives. Fatiguée du manque de puissance, elle est passée au permis toute cylindrée. Je crois pouvoir dire que l'élève dépasse le maître.

Et Bruno dans tout ça ?

Je traînais au " Cat's ", la boite du centre commercial de Chambray. C'était à deux pas de la fac, en face de la sortie d'autoroute A10. La boite était en sous-sol et c'était pas vraiment « Tenue Correcte Exigée », tant mieux pour moi ! J'entendais parler d'une bande de Motards félés qui montait le week-end de Paris. Ils avaient des meules super chouettes, préparées à souhait, c'était devenu l'attraction du samedi. Allaient-ils venir ce soir ? On allait attendre dans le virage de l'Alouette et on entendait la horde sauvage arriver de loin. Imaginez la petite ville de province où on se fait chier, envahie par des motards hors-normes. Cela permettait aussi de claquer le beignet à certains donneurs de leçon de l'AFMD qui nous faisaient la morale. Ils se prenaient pour « La Valeur Etalon » de la bonne pratique moto. Moi, les luttes d'influence, ça me gonflait. J'avais trop attendu pour faire de la moto pour me pourrir la vie. Samedi soir, Tours devenait, toutes proportions gardées, le Hollister de « L'équipée Sauvage ». Je croisais la route de celui qu'on appelait « Le Corse ». Je n'allais pas me frotter à eux mais on regardait les meules avec envie, de loin. Certains grinçaient des dents car ils ratissaient les petites mignonnes à la barbe des cadors locaux.

J'ai commencé à travailler dans un hôtel chic de Tours comme réceptionniste de nuit. J'étais moins disponible pour traîner à la FFMC et je n'y étais de toutes façons pas trop en odeur de sainteté. Trop curieux, imprévisible, que j'étais. Obéir le petit doigt sur la couture du pantalon, ça n'a jamais été mon truc. Je suis amusé de constater que maintenant, ils appellent au secours pour renflouer la caisse. Je payais ma cotisation mais j'étais dubitatif sur le niveau de démocratie. C'était le royaume des luttes de pouvoir et ça me gavait. J'ai pourtant assisté aux assisses de la FFMC en 1989, à " Beaulieu lès Loches ". Je me souviens de l'arrivée flamboyante du " Corse " et sa bande. Il ne semblait pas bienvenu et il y avait beaucoup de tension. Je ne connais pas la teneur des débats du « Comité Central Exécutif » mais il y a eu du règlement de compte. Maldonado, le porte-parole, était livide en sortant.

Gilbert Mollé m'a parlé de l'épisode de l'AMDM ( Assurance Mutuelle Des Motards ) sur l'île de Beauté, le rapatriement sur Montpellier, et j'ai commencé à appréhender le profil du fameux " Corse " qu'on connaît tous ! Il m'intriguait ce type, à débouler comme un chien dans un jeu de quilles, à casser les certitudes des barons locaux fiers de leurs prérogatives. Moi, je remplaçais certainement mon inexpérience par une grande gueule et un côté fouineur peu apprécié : Quand Machin se vantait d'avoir préparé sa meule de telle façon, je me renseignais sur la faisabilité de la chose. Certaines préparations augmentaient plus le niveau sonore que la puissance... J'ai bien souvent brisé les effets de jeune minets qui faisaient dans le clinquant mais pas dans l'efficacité !

Lorsque je suis passé au " Moto-Club de Bléré ", j'étais secrétaire. Cela m'a donné l'occasion de railler les pseudo-bikers qui achetaient un kit m'as-tu vu en passant par Tours-Glide. Le président s'étranglait de rage en lisant le bulletin mensuel : Je scannais les faiblesses des hercules de la moto faire-valoir. Je me suis toujours battu, dans les structures où je suis passé, pour qu'on puisse être un groupe de motards en laissant de côté les aspects sociaux, fric et caste politique. C'était bien sûr une utopie. Souvent les sorties étaient sélectives pour cause de budget et j'ai souvent été choqué par la xénophobie ambiante des discours où la race blanche dominait ! J'avais la réputation du gauchiste de service. La FFMC locale me gonflait avec un discours moralisateur sur la pratique moto. Je savais pertinemment que les essayeurs du « Pavé dans la mare » n'étaient pas des enfants de coeur ! L'idéalisme ne fait pas bon ménage avec le consensus du groupe. A force de chercher l'ultime, on se retrouve seul.

J'étais ben décidé à faire cavalier seul suite à la dernière histoire que j'ai vécue. Un pote se tue lors d'une sortie moto, au guidon d'une bécane quasi neuve. La société d'autoroute avait mis en service une portion avec un défaut de chaussée. Alain a perdu le contrôle de sa machine à 110 et s'est brisé le cou. On a étouffé l'affaire à coup de pots-de-vin, « l'amitié » se résume parfois à une somme d'argent... L'affaire aurait pu se conclure ainsi mais un lynchage en règle a été décidé, histoire de mettre à l'écart celui qui refuse de fermer sa gueule. Comme il est difficile de m'attaquer frontalement, il fut décidé de me traîner dans la boue via internet. On choisit un quidam qui avait décidé d'émigrer au Canada pour déverser des torrents pestilentiels à mon encontre.

J'ai expliqué que je fustigeais les Bikers d'opérette, c'est vrai que certains acheteurs de HD deviennent prétentieux en changeant de marque. Le destrier de Milwaukee est une carte de visite prestigieuse. Etrangement, j'ai toujours eu des bonnes relations avec les clubs historiques de la marque américaine ! Encore une fois, j'ai croisé la route du " Taz " qui roulait à une époque en HD. Pour l'avoir vu au guidon de gros cubes japonais, je le retrouvais chez les anges. Cet homme aurait-il plusieurs vies ? Je me posais déjà la question à la fin des années 80... Je fréquentais un peu les Bikers d'Orléans que je retrouvais parfois dans différentes manifestations motardes et festives. Mon expérience dans l'hôtellerie tourangelle m'a permis d'étoffer mon carnet d'adresses. Les personnes du show bizness font confiance à des services d'ordre compétents pour les tournées et dans ce domaine, les bikers excellent... Encore une fois, je me retrouvais parfois à côtoyer « L'homme au Cent Visages » ( le Corse dit le Taz ). Du Kent Show au Free Wheels, il faisait des apparitions furtives. Là, je ne faisais pas de vagues, le Club des Bikers Forains est une grande famille qui sait pourquoi elle t'accepte en son sein. Comme quoi, la passion n'est pas une question de marque, de chapelle ! Les bikers savent reconnaître ce véritable esprit, même si tu ne roules pas en HD. Le sectarisme n'est pas là où l'on croit car ces gens-là ne font pas de faux-semblants, ils respectent la passion et l'anticonformisme.

C'est vrai que l'injustice me révolte. Comme je suis pas un contemplatif, j'ai milité pour défendre ce que je crois être juste. J'ai participé modestement à la vie syndicale d'une grande confédération ouvrière, j'ai eu une carte dans une officine de gauche. Je suis réfractaire au « stratégie d'appareil » et j'ai un parcours atypique. Vu de l'extérieur, je suis facilement identifiable sur l'échiquier politique, à la différence près que je n'ai jamais pu me faire à une discipline interne à un parti. Pour moi, ce fut une expérience importante car j'ai pu appréhender de plus près les rouages de la sphère politico-syndicale tant décrié en France. J'ai perdu des illusions face à une bureaucratie d'appareil qui cherche à préserver ses mandats, loin du monde du travail. Tant que tu ne sais pas qui tire les ficelles, tu es un patin facile à manipuler. Parfois, la démocratie syndicale est caricaturale : Des dirigeants, petit ou gros, cherchent à garder des postes au chaud. Pour ma part, je suis resté sur le terrain au lieu de m'éloigner des réalités dans des constructions idéologiques. Pour une société progressiste, il faut un véritable syndicalisme indépendant. Tout un programme !

J'ai retrouvé le " Taz " dans la mouvance " d'SOS Racisme ". Très active sur Toulouse dans le milieu des année 80, cette association était l'espoir d'un changement pour les banlieues. Les immigrés attendaient une reconnaissance pour la reconstruction de la France, leur part du gâteau. Je suivais cette revendication, espérant déjà placer quelques idées sur « Les Oubliés » du miracle économique... J'ai visité les immeubles du Mirail et vécu dans des foyers pour me rendre compte et par nécessité de logement. Les paroles de Zebda sont justes, quand le boulot devient rare, on stigmatise l'étranger alors qu'on avait besoin de bras pour reconstruire. Je ne parle pas de la politique d'émancipation promise en 45 dans « les colonies ». " Bruno ( Taz ) ", je ne connaissais pas son prénom, était un personnage qui m'intriguait par son côté caméléon. De la FFMC à SOS racisme, en passant par un Syndicat autre que le mien, je le croisais parfois. Il avait le verbe haut et la carrure du meneur, je me suis bien gardé d'essayer d'en savoir plus sur lui car il avait sa garde rapprochée. J'ai expliqué que mon expérience m'a appris à évoluer sur des terrains divers, sans forcément juger les gens sur les apparences. Comme dans la chanson, j'ai souffert « de la mauvaise réputation » qu'on me prêtait. J'ai joué sur le délit de ma sale gueule que je cultivais, à une époque, pour qu'on me laisse tranquille. Je ne voulais rien expliquer, rien devoir, juste faire mon boulot et pouvoir abandonner les étiquettes et partir à moto. Je supposais la même chose sur " Taz ". Il était attendu, je me disais que j'allais l'approcher et je perdais sa trace. Je pensais qu'on ne boxait pas dans la même catégorie... Le " Bruno " que j'apprécie n'est pas le personnage médiatique que certains veulent retenir de lui. On lui prête des exploits surnaturels, qui font de lui plus qu'un humain. Je sais qu'il s'est engagé pour la liberté de l'opinion, pour libérer la parole là où c'était possible, dans des associations et ailleurs. Nous n'avons pas été toujours du même côté mais je respecte en lui le républicain, l'antifasciste. A une époque, on se verrouillait sur des étiquettes pour juger l'autre. Avec Le " Taz ", il faut de méfier de ça et lire d'abord dans le coeur.

Plus que pour ses combats d'idée, je respecte le " Taz " pour son courage. Peu de gens sont capables d'autant de ténacité pour remonter la pente après des accidents de la vie. J'ai eu parfois à mon niveau les même souffrances. Je ne vais pas m'étendre par pudeur sur nos démons communs que nous avons terrassés avec succès, mais l'amour de la moto et le désir de pratiquer à nouveau a été un moteur irremplaçable pour surmonter les épreuves.

Nous devions nous rencontrer depuis longtemps, et ce jour arriva fin 2004 à l'occasion de la fermeture de l'autodrome de Montlhéry, lors des " Trophée Gérard Jumeaux ". Plus tard, j'ai pu enfin rouler avec lui lors d'une virée à Annecy. Je me souviens de l'apparition du " Taz " sur son Honda 1300 CB noir, alors que j'étais paumé du côté de Tolbiac. J'ai eu un choc visuel, planté sur mon trottoir, grelottant en plein été. Un voile de vérité se déchirait enfin. Depuis notre rencontre, on se remémore les entrevues, les visages des personnes connues. On se projette des films du passé. La force de caractère du " Taz ", c'est un atout dont on doit s'inspirer. Il est pénible mais je l'excuse, je parle aussi en tant que rescapé. J'ai eu beaucoup de chance d'échapper à la grande faucheuse qui a pris pour moi plusieurs visages.

J'ai gardé pour la fin la question que je préfère : Comment s'est fabriquée l'histoire de Canon Ball par rapport à tous ces vécus ?

Gamin, je partais tout le temps en vadrouille. Je croisais déjà des ferrailleurs avec qui j'étais parfois en concurrence dans mes investigations. Je me souviens de deux frères, des anciens de l'Indo, copains avec la bouteille comme ce n'est pas permis. Je me méfiais d'eux mais j'écoutais leurs histoires sur Dien Bien Phu, et à ce propos ils disaient vrai. Le personnage de Djebel vient de là, et la vieille tribune existait vraiment sur le terrain de moto cross !

Ma vie est ainsi ponctuée de rencontres décisives. Il faut bien dire que vous attendez d'en savoir plus sur mes fréquentations. Ma vie se résumait à un secteur géographique limité, mais que je connaissais comme ma poche. Il y avait un rempailleur de chaises qui passait de temps à autre chez ma grand-mère. Toujours très digne et droit, il proposait ses services. Les gens avaient plutôt peur de ma grand-mère, et à juste titre : Elle avait le verbe haut et la mémoire longue, une maîtresse femme qui menait sa barque seule depuis la mort de son Ernest, en 48. Je suppose qu'ils se connaissaient depuis l'entre deux guerres et qu'ils avaient été en affaires pour des chevaux et de l'eau de vie. Les gens du coin n'aimaient pas trop les romanichels, mais ma grand-mère Joséphine ne se fiait qu'à son propre sentiment. Un peu comme le " Taz ", elle jugeait l'humain sur des actes, pas sur la mauvaise mine. Sa réputation de droiture et son franc-parler était légendaire. Elle n'était pas bien riche mais elle donnait volontiers un panier de tomate ou un lapin. Ce vieil homme, lui, était un rescapé de la déportation comme Lazare, le vieux toubib qui passait son temps à me recoudre. Jamais ce ne fut évoqué devant moi, on ne parlait pas des sujets graves devant les gosses, c'était une habitude née de l'Occupation. Je croisais souvent sa famille sur Gizeux, ils n'avaient que des chevaux et des verdines ( roulottes traditionnelles tirées par un cheval ), et comme je fréquentais les dépôts d'ordure pour la ferraille, les liens se sont tissés ainsi.

En fouillant dans les archives locales, j'ai découvert ce qu'on me cachait : Il y avait eu un camp de rétention sur Avrillé les Ponceaux. Sur la question du chrome hexavalent, j'ai donné les détails dans le reportage « Retour aux sources ». J'ai lié fictivement le sort d'une famille tsigane à ce problème de pollution par une tannerie qui est bien réel.

Sur la fameuse société bidon qui servait à engranger des fonds publics pour financer un parti politique, les choses sont liés à mes errances forestière. Comme je l'évoquais, je traversais souvent les bois et j'observais cette fameuse société de TP qui avait du matériel étrange qui ne servait pas beaucoup. Et pour cause, les ponts et les ouvrages budgétés ne sortaient jamais de terre ! On a certainement dû se servir en ferraille sur le site, je ne sais plus. Le cuivre n'était pas aussi cher mais c'était ouvert au quatre vents... Au début c'était simple, mais le gérant commença à se méfier des regards inquisiteurs. Comme j'étais rompu à l'art de disparaître rapidement et que j'avais des bons profs de chapardage, ils passèrent à la vitesse supérieure. Il fut décidé d'intimider les gêneurs en lâchant d'abord les chiens et de bloquer mes pérégrinations dans tout le massif. J'ai toujours revendiqué une libre circulation dans cette forêt, ma famille en possédant une partie répartie en plusieurs parcelles. Pour se débarrasser d'un féroce doberman, rien de mieux que de l'attirer dans une tourbière. Il n'a pas l'instinct des chiens de meute... Quand j'ai essuyé les premiers tirs de chevrotine, j'ai commencé à comprendre que c'était trop gros pour moi. J'étais trop isolé pour poursuivre mes investigations de la sorte, ce qui n'aurait servi à rien à part à faire avoir des ennuis à ma famille. J'ai eu une paire de jumelles pour mon anniversaire et j'observais de loin sur une tour à gibier les négociations secrètes puis je suis passé à autre chose. J'ai changé de secteur.

Mon Père chassait avec les voisins, des petits agriculteurs, ses amis. C'était une chasse ancestrale aux petits gibiers. Il tirait surtout le lapin et avait la réputation d'être bon tireur. Notre fox-terrier était dressé en conséquence. Le fusil était au-dessus de la cheminée et on n'avait pas le droit d'y toucher. Je dois dire qu'à une époque, la chasse me fascinait. Pour des raisons de sécurité, je n'ai eu le droit de suivre mon père qu'assez tard. Mon père m'a appris à tirer et à manier des armes de chasse, j'utilisais régulièrement une carabine rayée à lunette, officiellement pour faire du tir sportif... Cet attrait pour les armes a disparu complètement car j'ai été menacé plusieurs fois. J'ai croisé le regard de celui qui se sent fort quand il te tient en ligne de mire. Quand un enduriste est mort à cause d'un chasseur aviné dans le sud Touraine, je me suis mis à détester les chasseurs.

A côté de la moto, mon autre passion reste l'Histoire. J'aime comprendre le passé, trouver des explications sur ma propre famille, ce n'est pas toujours simple ! Vous avez compris que pour moi, la notion de famille a un sens large. Il y a eu des grincements de dents parmi mes relations suite à la publication de Canon ball. Je ne pensais pas aller si loin dans ce que j'ai écrit, mais cela m'a fait du bien. J'ai pu faire revivre des amis disparus, prolonger des situations réelles vécues. Bien sûr, j'ai de l'encre sur les mains, pas du sang ! Mais j'ai vécu des situations où j'aurais pu basculer vers d'autres horizons. J'ai décortiqué les mécanismes du fanatisme envers une organisation, la manipulation mentale, le lavage de cerveau et les dérives sectaires car je me suis aperçu que j'avais croisé la route de partisans de l'action violente sans le savoir. J'ai voulu comprendre comment on sombre dans la noirceur sans fond de la cruauté. De la guerre d'Espagne au drame algérien, en passant par la déportation, j'ai découvert que les miens ne s'en étaient pas tous sortis indemnes. La parole met parfois des années à trouver son chemin. J'ai écouté les souvenirs de soldats perdus, d'abord dans le cercle familial. Puis de fil en aiguille, j'ai élargi mes investigations. Franchement, je regrette un peu l'idéalisme béat de « mes débuts politiques ». Tout était tellement simple. Ma formation empirique m'a permis de perdre la plupart de mes illusions, de rechercher systématiquement celui qui tire les ficelles. Le revers de la médaille, c'est une propension naturelle à la paranoïa...

Mon dernier mot ira à " Chacal ", un personnage réel du monde du side-car. Il n'a pas forcément l'envergure que je lui donne dans le roman, mais c'est un clin d'oeil à Forsyth, le génial écrivain.

Comment on vit en tenant des propos subversifs ? Sous l'aspect brut de fonderie et inachevé, mon premier roman livre des informations de première bourre ! Mes lecteurs assidus ne sont pas forcément au MCP. Ils savent, comme moi, qu'il y a une limite à ne pas franchir. Il faut respecter cela, garder des cartes dans sa manche... Je sens une vague qui me soulève de la grisaille, mes souvenirs deviennent plus précis, j'entends les voix de mes amis disparus, l'odeur du feu de bois, le souffle chaud des chevaux, les sabots des mules dans les cailloux... Azim, où es-tu ?

 

Et bien merci Olivier pour ces confidences.

A présent, comme il est permis ( et encouragé ) de le faire dans chaque article d'Averell Mag, certains de ses proches m'ont contacté dans le but d'offrir aux lecteurs leur vision du solo, du pote. Aussi, je leur laisse la parole pour présenter eux même celui qu'il représente à leurs yeux.

 

Bruno ( Taz ) :

Pourquoi vouloir intervenir sur cette présentation ? Simple : Pour dire ce que me lie à Olivier au delà du contexte Moto Club des Potes. Bien sur, tous les membres du club peuvent intervenir de cette façon, et je les encourage à le faire en prenant contact avec Averell !

Que dire sur Olivier, dit Solo ? Et bien déjà, nos routes se sont croisées à plusieurs reprises durant ces dernières années, sans que nous ne fassions réellement connaissance. Solo écume toutes les aspects du monde motard depuis plusieurs décades, comme moi. C'était logique et inévitable qu'on se rencontre. Nous étions aux mêmes endroits, aux mêmes moments, mais chacun dans nos mondes respectifs, avec des motivations différentes. Dans les années 80, quand on descendait sur Tours avec les Potes faire les zazous, ben c'était le fief du Solo sur sa Guzzi. Idem dans les années 90, on le retrouve en XJ. Nous étions dans les mêmes réunions motardes à la FFMC, à l'époque des hautes luttes, de l'apogée de la revendication, du « Pavé dans la Mare ». Je crois qu'il « Essayait » d'être un bon militant de base...

Puis nos route se sont croisées sur le Net, un jour. Solo tentait d'intégrer une communauté de solidarité motarde ( solidaire, du moins en apparence ). Moi, je dis communauté « égout ! ». Solo, lui, parle « Des Courageux du Clavier ». Un pote avait fait appel à moi pour rendre service avec ma voiture, ce qui me fit connaître cette communauté au premier abord sympathique. Jusqu'au jour où ils ont commencé à rentrer dans le gueule du Solo. « Notre camarade » Solo faisait ce qu'il sait le mieux faire : Casser les certitudes des grands chefs qui veulent en imposer par leur vécu de circonstance, passer au vitriol la pseudo-respectabilité de certains ! Je crois qu'il ne sait pas faire dans le consensus, il a déboulé comme un chien dans un jeu de quilles et cela a rendu fou de rage certains membres auréolés de l'étiquette « Motard connu et Respectable ». La mémoire de Solo est longue et sa connaissance du milieu moto vaste, il a fait mouche plusieurs fois. J'ai repéré qu'il avait du métier...

Il ne pensait pas comme les responsables communautaires, partisans de « La Pensée Unique ». Pour ma part, étant juste de passage de temps en temps, j'ai voulu prendre la défense de Solo. Directement, j'ai été « Mis à l'index » de cette communauté poubelle qui revendique la propriété du concept de solidarité sur le « Net Motard ». Et malheur aux autres qui osent faire comme eux « Imiter le Concept » des Belges ont osé, il se sont pris les foudres ce cette pseudo communauté ! Mais passons sur ce triste épisode virtuel, nos vies sont riches de bien d'autres expériences ! J'ai invité Solo à cette époque à rejoindre le Club et l'ai rencontré sur ses terres en Touraine. Là, j'ai rencontré un homme qu'il faut s'avoir déchiffrer.

Le Solo déchiffré : quand Solo paraît dans ses message sur notre Forum un peu « Brut de décoffrage », c'est que le lecteur n'a pas lu entre les lignes ! Sa lourdeur ou sa légèreté affichée cachent un malaise, il craint d'aborder « ses vrais sujets ». C'est pour cela que j'ai accepté de lui donner la parole autrement. Le style est là plus pour masquer l'homme fragile qu'il est. Une forme de protection envers un monde qu'il a du mal parfois à comprendre. Solo a des abords ardus car il s'est confectionné une carapace d'épines, comme un hérisson. Il a pris des coups et a appris à les rendre très fort, trop !

Sa force, c'est aussi sa fidélité en amitié, les leçons de ses expérience, les appuis de sa famille, son clan.

Son problème, il n'oublie rien, ne lâche jamais et a du mal à sortir de son idéalisme. C'est pourquoi j'ai voulu qu'il se raconter lui même, pour s'apaiser.

Un jour, il m'a expliqué qu'il cherchait à mettre sur la toile un roman qu'il n'avait pas encore écrit, mais qu'il avait entièrement dans sa tête ( pour cause, il y apparaît à plusieurs reprises sous des formes diverses, j'ai lu trois fois son roman ! ). Là je lui ai dit « Bingo ». Fais, je publie !

Depuis nous somme devenus plus que des Potes. Solo est un mec à connaître autrement que par ses messages sur notre forum, qui ne donnent pas la vraie image du personnage. " Canon-Ball " et bientôt " Méthane " sont une démonstration magistrale des surprises qu'il peut vous réserver ! Lisez, vous comprendrez...

Donc demain, quand vous croiserez Solo sous ses apparences « Brute de décoffrage », apprenez à connaître l'homme avant de porter un jugement hâtif. Un hérisson n'est pas toujours en boule !

Aude :

Je partage le jugement de Bruno ( taz ) : Il faut connaître le bonhomme, chercher la substantifique moelle. Le personnage a, d'ailleurs, un côté rabelaisien, rugueux, populaire au sens proche du peuple. Cela fait plus de vingt ans que nous sommes ensemble et je dois reconnaître qu'il est beaucoup plus serein qu'au début. J'ai vu ses anciennes blessures se cicatriser. Quand on parle de fragilité à son propos, je dois rectifier un peu : Olivier est un combattant, il a beaucoup de volonté et surtout beaucoup de lucidité. Un instinct quasi animal pour s'en sortir face aux événements. Il m'a fait bénéficier de son expérience pour éviter certains écueils. Il dit qu'il a la baraka. S'il n'était pas athée, il dirait que c'est la Providence qui le guide.

Il est passé par pas mal de clubs moto mais il n'y a pas trouvé ce qu'il cherchait. Il ne cherche pas à se faire mousser, il aime les voyage, la camaraderie et les machines qui sortent du lot. Il m'a appris ce qu'il savait pour s'en tirer dans la jungle routière. Il forme son fils en ce moment.

Il s'entend bien avec le " Taz " car ils ne sont pas si différents : ce n'est pas le même parcours, les même idées, mais il y a une passion énorme du monde motard avec ses joies et ses dangers. La moto est pour eux presque une religion. Il y a un grand respect mutuel entre eux deux car remonter sur la moto était un leitmotiv, un challenge. Olivier admire Bruno pour ses qualités humaines, son paternalisme. Il se fixe perpétuellement des objectifs, des défis, pour avancer. Le quotidien et le train-train, c'est l'enfer pour lui. Cela passe souvent par sa pratique moto, mais aussi dans d'autres domaines. Il est passé à l'enduro pour cela depuis plusieurs années.

Bruno ( Taz ) a beaucoup fait pour le pousser à écrire. Chaque mois, il mettait la pression pour un nouveau chapitre. Le résultat me laisse un peu froide, je sens au travers de tout cela la marque d'un passé qui me dépasse et dans lequel je n'ai pas ma place... Même si je reconnais bien mon homme à plusieurs moments. Mais je sais que le processus est enclenché pour plusieurs épisodes. Olivier ( Solo ) passe régulièrement « en mode Niglo », il disparaît plusieurs jours pour revenir aux sources, cela a toujours été comme ça depuis le début. Il part faire sa route, se retrouver. Il ne faut pas lui rogner les ailes, le mettre en cage, il ne supporte pas.

C'est vrai qu'il déroute, les gens ont besoin de mettre des étiquettes, de classer dans des catégories. Là, il va falloir trouver une sociologue qui invente la bonne case. Ils sont confrontés à un véritable problème... Il faut comprendre avant de juger, ensuite vous pouvez commencer à l'accompagner, s'il accepte, pour passer d'un monde à l'autre.

 

Merci Bruno, Merci Aude, d'avoir accepté de participer à ce reportage sur Solo qui, maintenant qu'il touche à sa fin, me fait finalement plus penser à une grande interview-vérité. Olivier s'est livré avec une grande sincérité. Il a accepté de se dévoiler à nous, de nous laisser voir un peu de sa fragilité et j'espère que cela vous a plu autant qu'à moi. Certaines parties de lui nous restent cachées, ce n'est que justice. Qui serait capable de se mettre complètement à nu sans la moindre retenue ? Surement pas un hérisson en tout cas !

Quand à moi, je vous donne rendez-vous au prochain numéro d'Averell Magazine pour partir à la découverte d'autres personnages fascinants. En vous remerciant de votre fidélité.

V.

Averell

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