Pour une fois ce n'est pas moi qui vous raconte une belle histoire. Je donne la parole à Jean Caillou qui au nom du Team-RCB - Racing Caillou-Bédier vous raconte une merveilleuse aventure, je reprendrai la parole en fin de reportage.
Bonjour à tous !
A la demande du Taz, voici un petit résumé de la reconstruction de notre RCB, depuis que Patrice (le B du Team-RCB, comme Racing Caillou-Bédier) et moi (le C) nous sommes lancés dans cette aventure, en 2014.
Fans depuis toujours du tandem Léon et Chemarin, nous nous connaissons depuis le lycée (à Ste-Geneviève-des-Bois dans l'Essonne), sans pour autant s'être beaucoup fréquentés. Pendant que je restaurais mes Honda d'usine de trial, Patrice remettait en état des Honda de route et se construisait des répliques de RCB sur base de CB750 simple puis double-arbre, que je voyais passer de temps en temps.
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Or, connaissant Guy Coulon depuis 2004, alors que je restaurais une XR550R du Dakar 82 identique à la sienne, j'avais remarqué chez lui un magnifique réservoir de RCB du premier modèle, la 480A de 1976 (alors que lui-même possède une 481A de 1977). Quand en 2014 Patrice et moi nous mettons d'accord pour construire une réplique la plus fidèle possible d'une RCB 480A, dont très peu d'exemplaires roulent encore, et aucun aux couleurs de Léon et Chemarin, Guy décide de nous offrir son réservoir. Un beau point de départ ! Il nous met aussi en relation avec l'Anglais Bernard Saunders, un ancien mécano d'endurance qui a racheté un stock de pièces à Honda Britain, dont une RCB ex-Woods/Williams et pas mal de pièces. Guy et lui seront donc nos deux parrains, sans qui rien ne pourrait se faire !
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Notre collecte de pièces commence. Le but est d'être prêts à rouler en 2016, pour commémorer les premières victoires des invincibles RCB 40 ans plus tôt. Nous décidons d'acheter une épave de 900 Bol d'Or, dont le cadre et les fixations moteur sont proches de ceux de la RCB.
Après avoir fait un relevé précis sur le cadre de la RCB Dholda (nous sommes amis avec les D'Hollander depuis que je leur ai restauré une Honda de trial), et grâce à des photos d'époque, je m'attaque au cadre avec l'aide de Stéphane Prou, le meilleur soudeur de chez AMS à St-Michel-sur-Orge (91), où j'ai déjà construit des cadres d'engins de record pour le lac salé de Bonneville (Utah), et dont le patron Pascal Patureau est devenu un ami.
Après 10 jours de travail, le résultat n'est pas trop mal. Du cadre de 900 B.O., il ne reste finalement que la colonne de direction !
Photo 6 :
Il faut aussi fabriquer entièrement le bras oscillant, en prenant modèle sur un original prêté par Bernard Saunders. C'est un autre Bernard, « Nanard » Gasnet (du club Triton) qui en a tourné les pièces compliquées (et il y en aura d'autres !).
Pendant ce temps au ranch, Patrice qui maîtrise bien la fibre de verre travaille à modifier notre carénage, réplique du modèle "course de jour", en version double-phare.
La moto prend forme sur la table. Son frère Bruno, qui s'occupe de la communication du Team, passe de temps en temps donner un coup de main et récolter les dernières infos à mettre en ligne.
Octobre 2015, la moto est sur ses roues (des vraies Comstar prototypes d'usine). Le dosseret provient de la RCB de 1977 qui avait terminé 5e du Bol 78 avec les BrésiliensBarchi et Ferreira. Mais le moteur, un projet hybride de CB750F2 pour le bas, d'un bloc-cylindre de RCB et d'une culasse de 900 Bol d'Or, est encore vide.
Grâce à nos amis du club 1000VX-Japauto (président Patrick Massé) qui nous font une petite place sur leur stand, nous pouvons présenter le projet au salon Moto Légende en novembre.
Comme le temps passe et que la saison 2016 approche vite, nous décidons de jeter dans le cadre un moteur qui va bien, un SevenFifty acheté à vil prix à Fredo, un copain de Patrice. On le déguise un peu (couvre culasse moulé sur un vrai RCB, faux kick...) et on récupère tout son faisceau électrique.
Le jour de la St-Jean, fin décembre, Patrice me laisse effectuer les premiers tours de roues devant le ranch.
En avril 2016, nous sommes tout juste prêts pour la Sunday Ride Classic au Castellet. Jacques Luc, qui habite à côté, sera notre pilote d'essai : plutôt classe, le bonhomme a tout de même gagné trois fois de suite les 24h de Liège à Spa (de 77 à 79), sur le même modèle de RCB ! Daniel Rouge, pilote remplaçant chez Honda et second à Spa en 76 (associé à Huguet), essaiera aussi la moto mais se cassera le genou droit en rentrant au stand... pas glop !
La SRC nous a aussi permis de faire la connaissance, dans des conditions privilégiées, du "Captain" Jean-Louis Guillou, ancien team manager chez Honda France à la bonne époque... C'est aussi pour ce genre de rencontre que nous faisons tout ça !
Les Coupes Moto Légende 2016 à Dijon sont pour nous l'occasion rêvée d'associer Jean-Claude Chemarin à notre projet. Il a gentiment accepté de rouler sur notre moto, bien qu'elle ne soit pas encore tout à fait au niveau d'une vraie RCB 1000, avec son petit moteur 750 de 80 chevaux... Cela nous permet d'être invités à cet événement incontournable.
Il va récidiver à Spa (à nos frais cette fois).
Quand Jean-Claude ne roule pas, c'est à nous ! Patrice s'offre la parade sur l'ancien circuit de 14 km (ici dans le raidillon), tandis que je me retrouve aux côtés d'Ago, Sarron et De Radiguès (entre autres) dans la série GP !
Que ce soit pour le Café Racer Festival ou les Grandes Heures, nous sommes des habitués de notre circuit local, Montlhéry (nous y avons même fait une journée de roulage avec Philippe Monneret, sur l'ancien tracé routier). Cette fois, en l'honneur des amis de Jack Findlay qui avaient fait le déplacement depuis les antipodes, nous avons apposé son nom comme sur la RCB du team anglais au Bol 76, où il avait remplacé Williams, blessé.
Les Grandes Heures de Montlhéry 2016 ont été pour Jean-Claude Chemarin l'occasion de retrouver le circuit sur lequel Honda France mettait au point ses RCB. Et accessoirement de se faire interviewer (pour Bike 70) par Jean-Claude Jacq, un des Amis de Christian Léon qui nous aide aussi énormément pour notre projet, grâce notamment à son énorme carnet d'adresses, et les qualités de rassembleur comme de photographe qu'il partage avec sa femme Geneviève. Tous deux sont devenus nos plus fidèles supporters et amis !
Toujours aux Grandes Heures, cette fois en 2017, Patrice a pu rouler de concert avec la (vraie) RCB 480A suisse de la collection Frerichs, pilotée comme de coutume par l'excellent Dominique Pernet. Et la Taz a pu essayer de les suivre, encore un grand moment !
(Note du Taz : effectivement je n'ai pas tenu plus de deux tours derrière la vraie RDB 480 A suisses, avant de me faire distancer, mais ...)
Fin 2016, notre projet a pris une toute autre tournure : figurez-vous que par l'intermédiaire de Guy Coulon, nous mettons la main sur un jeu de carters de RCB... Vides, certes, mais des vrais, en magnésium et en bon état, sauvés de la casse il y a plus de 20 ans. Avec le bloc cylindre qui va avec (lui ayant pris un coup de masse qui a juste cassé une chemise). Va-t-on laisser passer pareille occasion ? Non bien sûr. Seul petit problème : la culasse n'est pas fournie avec. Sur la photo, c'est celle de Bernard Saunders, qui accepte de nous la prêter pour la copier... facile ! On prévoit déjà que notre budget va exploser...
La société Vint'Air, rencontrée au meeting aérien de la Ferté-Alais (ils sont spécialisés dans la reproduction de carters-moteur d'avions anciens) va commencer par modéliser la culasse en 3D (environ 200 heures de rétro-conception pour l'ingénieur Laurent Stuck, entre deux vols long-courriers car il est copi 777 chez Air France...).
C'est une imprimante 3D qui monte le moule en sable, en une nuit. Puis la coulée est faite de manière traditionnelle, en basse pression et sable perdu, chez Ventana, un partenaire de Vint'Air également installé près de Pau. Il faudra une simulation par ordinateur et plusieurs essais pour obtenir une fonderie concluante.
Puis la culasse passe à l'usinage, toujours chez Ventana, sur une machine à commande numérique 6 axes alimentée par le fichier qui a servi à la conception. Le délai a déjà dépassé les douze mois...
Vint'Air s'occupe aussi de faire réaliser le couvercle de culasse (en alu plutôt qu'en magnésium).
Le Team avait lancé une souscription sur Leetchi qui a au moins permis de financer cette pièce (soit environ le dixième du coût total), grâce à une trentaine de généreux donateurs.
Dans le même temps, grâce à un original prêté M. Frerichs (Honda Suisse) redessiné par Guy Coulon et Nicolas Goyon (Tech3), un vilebrequin est fabriqué par Daniel Gusato en Franche-Comté. Une belle pièce d'un seul tenant (l'original était en deux parties) qui a demandé beaucoup de travailet trois phases de traitement !
Pendant ce temps nous continuons à rouler, et aux Coupes 2018 Daniel Rouge peut enfin s'amuser avec notre RCB, après une longue convalescence de son genou. Jacques Luc aussi remet le couvert. Et l'on fait encore de belles rencontres, comme ici Freddy Spencer (photo Le Taz, avec aussi Daniel Rouge et notre fidèle photographe Bruno Laurent).
Notre culasse continue sa formation chez Brancquard Compétition : Lionel Brancquard fabrique et pose les guides et les sièges de soupapes, des opérations délicates qui prendront plus de deux mois, mais c'est du super-top.
Guy n'a pas attendu la culasse pour commencer le remontage du moteur. Plus qu'un simple assemblage, il faut tout adapter, car aucune des pièces n'avaient déjà été montées ensemble : et pour cause, la plupart (vilo, bielles, pistons, boîte, embrayage...) sont neufs ou refabriqués ! D'autant qu'il y aura quelques surprises au niveau de la culasse, ou de la sélection de boîte (le barillet neuf de chezNova pour CR750 ne convient pas sur une RCB, heureusement Guy en a retrouvé un bon dans un tiroir !). Bernard Saunders nous fait copier son corps de magnéto et nous fournit ce qui tourne dedans, ainsi que les bobines et les CDI.
Au total il faudra à Guy un mois et demi de travail à temps plein, étalés sur un an et demi (car il a d'autres occupations importantes...), pour arriver au bout !
Janvier 2019, c'est le grand jour (heu, il fait nuit en fait), Guy fait démarrer le moteur RCB 1000 du Team sur un banc rudimentaire (mais efficace), à Bormes-les-Mimosas. Yapuka le mettre dans notre partie-cycle ! Je pars donc le chercher fin janvier, en essayant d'éviter les chutes de neige... Et on peut enfin rendre sa culasse à Bernard Saunders. L'emprunt aura duré deux ans !
Retirer le moteur de SevenFifty fut rapide, glisser le nouveau dans le cadre se passe très bien, on dirait que c'est fait pour ! Après il faut repenser tous les accessoires, comme le circuit d'huile avec des raccords et durits Goodridge du bon modèle. On a même pu réutiliser un raccord d'époque offert deux ans plus tôt par Jean-Jacques Catillon, le chef-mécano historique de Léon et Chemarin !
Il faut aussi refaire (entre autres...) le collecteur d'échappement. Retour chez AMS (devenu T-AMS) où Carlos et Claude se relaient pour souder les pièces que je leur prépare, parfois dans des positions quelque peu acrobatiques.
Tout n'est pas réglé, mais fin mars 2019 nous pouvons présenter notre RCB dotée de son vrai moteur aux amis de Jean-Claude et Geneviève Jacq, parmi lesquels rien moins que Jean-Jacques Catillon, Pierre Loth et Gil Michel, trois "anciens" qui nous font partager leur précieux souvenirs et nous ont donné les derniers détails qui nous manquaient.
Le retour d'huile nous a posé pas mal de problèmes, même s'il semblait être correct au banc à Bormes (mais sans radiateur et jamais en charge). Retour chez Nanard Gasnet pour rectifier les rotors de pompe, puis nouveau passage chez T-AMS pour fabriquer la cloche porte-bouchon de réservoir d'huile, aussi appelée « cyclon », qui a son importance et que nous avions négligée jusque-là. Un bon croquis par Bernard Saunders et quelques photos par nos amis suisses, et en sept heures de boulot sans pause le tour est joué (an acier au lieu de l'alu d'origine, ça ira bien).
Après une prise de tête de plusieurs semaines (dommage pour Iron Motors et la SRC), le circuit d'huile fonctionne désormais à merveille. Guy consacre une journée, juste après le Grand Prix de France de mai 2019 au Mans, pour nous aider à régler la carburation, qui était bien trop riche. Il l'a même essayée, et ça lui a bien plu !
D'autres petits problèmes ont été identifiés, qui nécessiteront de déculasser bientôt, mais en attendant on peut quand même rouler. C'est ce que nous allons faire de ce pas aux Coupes Moto Légende les 1er et 2 juin prochains, avec Jean-Claude Chemarinen selle !
Notre « bella machina » s'est même payé le luxe d'une petite séance en studio sous l'objectif de l'ami Denis Boussard, pour un prochain article dans Café Racer Magazine. Nous avons été à leur festival fin juin 2019, puis au Mans pour Classic Machines les 6 et 7 juillet 2019. A bientôt donc pour continuer à partager cette formidable aventure humaine !
@ + Jean Caillou
Team-RCB
Merci aux trois compères Patrice Bédier, Bruno Bédier et Jean Caillou du team RCB de nous avoir raconté leur aventure avec un Grand "A". Sportmoteur, comme Bike 70, les ontsuivi depuis 2014 et ont toujours cru en leur réussite.Je vous avouerais aussi que je suis aussi fan de cette époque et machine depuis toujours !
Alors voici un album de cette moto et son équipe depuis que nous la suivons à Sport Moteur, juste pour le plaisir des yeux. Il ne me reste plus qu'à faire une photo avec toutes l'équipe en 2020 avec la moto avant ma révérence fin 2020 et je serais totalement comblé à 100% et ça sera une photo inoubliable de plus dans ma mémoire.