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Pour ceux qui ne sont pas sur "IE". Ou veulent réécoutez l'intro officielle du "Baloo Mag" :


Salon Moto Legende 2010

Cette année encore, le Salon Moto Légendes a drainé son lot de visiteurs dans ses allées, et ce dès la première soirée d'ouverture, d'où logiquement ce petit papier dans nos colonnes, comme je le fais d'habitude. Mais plutôt que de vous faire un CR classique sur ce qui était exposé, vu que cela a déjà été proposé par mes petits camarades, je préfère partager avec vous le résultat de mes réflexions sur le secteur de la moto ancienne, au fil de mes expériences et de mes pérégrinations de ces dernières années.

Ainsi, et dès le vendredi soir, nous nous sommes rapidement trouvés agglutinés les uns sur les autres, surtout dans la partie réservée à la bourse des pièces. A la vue de ce spectacle, n'importe quel spectateur néophyte se dira logiquement que le monde de la moto ancienne ne subit pas la crise, et que les affaires sont bonnes. Et il est clair que les preuves s'accumulent de la popularité croissante de la moto de collection auprès des motards d'aujourd'hui. Est-ce un effet de la complexification croissante des machines actuelles, bourrées d'électronique et de plus en plus fades au niveau des moteurs, d'un effet de mode sur le " Vintage " de la part d'une société désabusée et en recherche de valeurs, ou tout simplement le fait de quadras, quinquas et sexas qui cherchent à retrouver les émotions de leur jeunesse disparue, ou encore d'une répression de plus en plus étouffante sur nos routes ? Probablement un peu de tout ça à la fois, mon capitaine.

Et il suffit de se tourner vers Internet et la presse spécialisée pour se rendre compte de l'engouement que suscite ce milieu. Plus un seul magazine moto qui ne comporte une rubrique rétro, quand ce n'est pas carrément la revue elle-même qui ne traite que de ça (depuis le temps, " La Vie de la Moto " et " Moto Légende " ont fait des petits !), sans parler des manches de championnats ou des championnats tout court dédiés aux anciennes gloires des paddocks, aux salons, aux concentres qui reprennent du service après des années d'interruption… Bref, sur le papier, tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Sauf qu'à y regarder de plus près, les choses ne sont pas aussi simples qu'elles en ont l'air.
J'ai pour ma part en effet un peu tendance à penser que ce monde est beaucoup plus difficile d'accès que les gens ne veulent bien le croire.

Déjà, qui dit chose à la mode dit chose demandée, donc chose qui prend de la valeur, donc chose qui se vend plus cher. Il n'y a qu'à voir l'inflation sur les prix de ces dernières années pour se rendre compte que ceux qui achetaient de l'ancienne sur le critère de l'accessibilité financière dans les années 90 doivent aujourd'hui faire grise mine. Le nombre de machines qui dépassent les 7, 8, 9 ou 10 000 Euro pour se rapprocher des tarifs des motos modernes oblige assez souvent à se rabattre sur un second choix, moins désirable. Ce phénomène de la loi de l'offre et de la demande suit en cela la tendance initiée par la voiture voilà à peu près 10 ans, et on espère que le soufflet va retomber assez vite. Parce que voir des petits malins rentrer dans le business uniquement pour se remplir les poches mais ne pas avoir le moindre respect du client comme j'ai pu le voir dans certains garages de la région parisienne, pour un passionné comme moi, c'est assez déprimant.

D'autre part, ce milieu est un monde de connaisseurs, ce qui impose au néophyte la plus extrême des vigilances lorsqu'il veut franchir le pas. Cela fait des années que je m'intéresse au sujet, et pourtant, je me suis fait avoir trois fois de suite. J'avais cru un peu naïvement que ce monde était un univers de passionnés, donc de gens a fortiori intègres. Je suis tombé de haut. Même la moto ancienne n'échappe pas à l'emprise étouffante d'une société sans foi ni loi, basée sur la satisfaction égoïste d'un intérêt personnel 100% décomplexé, et sans aucune considération pour le respect d'autrui. Les gens préfèrent foutre leur dignité dans le caniveau tant que ça leur permet de gruger l'acheteur et de gagner mille Euro.

Mille euro, c'est ce que j'ai perdu quand j'ai revendu mon tout premier cafe racer à base de 850 Le Mans 3, alors qu'il était en fait sur base de 1000 California. Le coup classique à ce que j'ai appris par la suite. Oh, pourtant, je m'étais largement documenté sur le sujet, mais manifestement pas encore assez, car il y avait des petits détails mécaniques qui auraient du me sauter aux yeux, mais qui me sont restés invisibles. Concernant ma Ducat' actuelle, sur 8 appels préliminaires que j'ai du faire pour prendre des renseignements, 7 m'ont conduit à raccrocher le téléphone sans donner suite. Cuisiner les interlocuteurs s'est révélé productif pour déceler des pièges à la con, comme des machines sans historique clair, ou accidentées, ou mal entretenues, et que sais-je encore.

Comme ce professionnel pourtant réputé sur les Ducati du nord de la France, qui voulait me vendre une machine entièrement remontée de bric et de broc, à partir de pièces de récupération piochées dans ses étalages et dans des bourses à droite et à gauche, sans être capable de me dire où en était le moteur d'un point de vue mécanique. La machine avait changé je ne sais combien de fois de propriétaire, avait pris la poussière pendant des années dans un coin d'atelier, avait fait de la piste, avait été accidentée, etc… etc… Bref, le coup foireux par excellence.

Remarquez, ça ne m'a pas empêché de me faire couillonner quand même à l'achat, car je me retrouve aujourd'hui avec ma Calamity qui est une 888 Strada de 93, mais avec un moteur de SP2 de 90, lui-même monté initialement sur une 851 (la version 851 SP2 cube en réalité 888 cm3). En y pensant bien, c'est sans conséquence au niveau du plaisir que je peux ressentir au guidon de cette machine, mais ça le sera forcément plus tard au niveau du portefeuille à la revente, car, par honnêteté vis-à-vis du futur acheteur, je ne compte pas passer sous silence que cette machine n'est pas une 888 Strada authentique, mais en réalité un bitza. Mon vendeur avait fait l'effort de noter sur un papier l'historique complet des révisions de la machine, avec toutes les factures, mais en omettant juste l'essentiel : une casse moteur qui a obligé à en remonter un autre par la suite. Quand on y réfléchit deux secondes, c'était pourtant simple : une bête vérification de la bonne correspondance des numéros de série sur le cadre et le moteur aurait permis de soulever le lièvre. Mais y étant allé sur recommandation, les yeux fermés, avec un type qui était connu de tous et avec une excellente réputation dans le milieu, je ne me suis pas méfié. J'aurais dû….

Et puis sur mon "Everest" personnel, le 1000 MHR à couple conique, c'est bien une arnaque à 16 000 Euro à côté de laquelle je suis passé, grâce à Bruno, à son contact dans le 77, et aux gens de chez Ducati. Un petit filou à la réputation sulfureuse a bien failli me vendre la soi-disant perle rare, en réalité une machine qui n'avait jamais été préparée chez NCR, qui avait été accidentée, et qui n'aurait jamais pu passer le stade de l'homologation, pour tout un tas de raisons qu'il serait trop long et complexe d'énumérer ici. Alors en ce qui me concerne, mes futurs achats se feront en France et nulle part ailleurs. En clair, à moins de passer par un professionnel à la réputation sans faille, et qui ne sait faire que ça, évitez d'importer une machine ancienne de l'étranger si ne maîtrisez pas sur le bout des doigts toutes procédures, multiples, complexes et coûteuses.

L'un des gars à qui j'ai failli revendre la Guzzi, super sympa, m'avait prévenu :

"T'inquiètes pas, dans ce milieu, on en est tous passés par là, t'es pas le premier, t'es pas le dernier. Saches que dans le monde des anciennes, il y a une règle et une seule que tu dois bien savoir : dès que tu baisses ta garde, t'es mort"

Je ne vous raconte pas la douche froide…. J'ai bien gardé en tête ses paroles, je m'en souviens comme si c'était hier. De même que je garde en mémoire toutes les rencontres faites depuis des années dans des salons ou des bourses avec des pros comme des amateurs, et qui me font dire après avoir tant de fois écarquillé les yeux et décroché la mâchoire devant toute cette incompétence, ce laisser-aller, et surtout cette malhonnêteté, qu'il faut franchement y réfléchir à deux fois avant de se lancer dans la collection. En ce qui me concerne, une chose est sûre : la moto ancienne moyenne n'est pas entretenue comme elle le devrait ! J'ai été ébahi de voir d'une manière très générale le peut de respect qu'ont les propriétaires pour leur monture d'un âge certain, et franchement, des fois, ça fait mal au cœur. Je pensais trouver dans l'ancienne un refuge aux cohortes d'ahuris au rupteur des 24 heures du Mans ou de n'importe qu'elle concentre de " modernes ", bah c'est raté ! Face à ça, une seule solution quand vous envisagez d'acheter un modèle ancien en particulier : vous documenter comme pas possible, trouver un club ou un forum spécifique sur la marque ou même la machine, et tout connaître sur le bout des doigts avant d'acheter, pour être capable de détecter les signes d'un mauvais entretien. Vous devez être un spécialiste de la chose avant même de faire le chèque.

Il est en effet essentiel de bien comprendre que quand vous passez du moderne à l'ancien, vous changez de philosophie dans votre manière d'acheter : vous devez oublier toutes ces garanties, ces assurances, ces assistances, ces obligations légales bien rassurantes que les concessionnaires vous servent à l'achat de votre nouveau véhicule, et qui vous font dire qu'il peut vous arriver quoi que ce soit, il y aura toujours quelqu'un ou quelque chose pour vous tirer d'affaire en cas de pépin, vous sécuriser. Et quand on y pense, on se rend compte à quel point notre monde aseptisé et régulé nous déresponsabilise, nous materne, nous endort. Car jetez-vous dans le grand bain de l'ancienne, et vous êtes seul aux commandes de votre barque, avec un océan qui vous impose sa propre logique dure et primitive, à savoir la loi du plus fort, vous obligeant à vous adapter, à vous protéger vous-même, à vous responsabiliser.

Vous êtes un baigneur qui passe de la piscine olympique chauffée, moderne, chlorée à mort et éclairée, à l'entrée de laquelle trône une mention " baignade surveillée ", à un étang marâtre, froid, sale, au crépuscule et sous le brouillard, où sur la berge boueuse est plutôt planté un panneau défraîchi du style " baignade à vos risques et périls ". C'est quand même pas la même trempette…. Donc, à mon sens, l'univers de la moto de collection s'apparente plus à un Far West ou à une jungle où tous les coups sont permis, et où seuls ceux qui ont le savoir autant que le savoir-faire peuvent se défendre efficacement et vivre leur passion sans souci. Carrément nul…

Mais justement, ce savoir, comment peut-on faire pour l'acquérir ? C'est aussi là que le bas blesse. En effet, tout le monde n'a pas la chance géniale d'avoir un papa / oncle / grand père déjà introduit dans le milieu, ou un voisin sympathique avec un atelier tout équipé. Certes, il existe bien des garages associatifs, mais là, j'ai franchement déjà donné. Pour commencer, le moins que l'on puisse dire, c'est que ça ne court pas les rues. Déjà qu'il n'y en a pas beaucoup pour les possesseurs de voiture, mais alors pour la moto, c'est encore pire. J'en ai connu quelques uns, qu'ils soient mal équipés, mal gérés, réservés à une minorité, ou mal fréquentés, et je crois que là aussi, je n'ai pas eu de chance. J'ai plus l'impression aujourd'hui que ces endroits sont réservés à ceux qui n'ont pas de quoi se faire un atelier mais qui savent déjà mécaniquer, qu'à ceux qui n'ont pas d'espace et qui ne savent pas encore non plus s'y prendre.

Pour apprendre justement, vous pouvez aussi vous trouver une association de formation à la mécanique moto. J'en ai royalement trouvé trois en France : deux sur Paris dont une qui ne fait que des formations longue durée et diplômantes, et une autre en Dordogne qui n'ouvre que l'été. Comptez deux ou trois jours à chaque fois pour chaque module d'apprentissage. De ce point de vue, vivant en Ile-de-France pas très loin d'un de ces trois centres, j'ai pu me débrouiller pour déjà commencer à apprendre. Mais le souci est que n'ayant pas d'espace ou d'atelier personnel, comment faire pour mettre rapidement en pratique ce que l'on a appris ? Parce que ce n'est pas le tout de passer deux ou trois jours les mains dans le cambouis, si dans les 6 mois qui suivent vous n'avez pas la possibilité de toucher la moindre clef de douze, avouez que ça n'a pas grand intérêt…

Reste la possibilité de ces garages qui sont des structures commerciales classiques, mais où on a la possibilité de louer tout le matériel, et de faire ses révisions soi-même. Crise oblige, ils ont tendances à se développer. Par principe, très bien. Sauf que ces endroits me semblent là encore beaucoup plus indiqués pour de la révision classique et des petites interventions sur de la moto d'aujourd'hui, que pour de la rénovation de moto ancienne. En effet, à 15-18 Euro de l'heure, et en comptant le temps total que prend en général la réfection d'une machine de collection, je vous laisse faire le calcul vous-même…

Et puis si vous avez la chance d'avoir un club d'anciennes à côté de chez vous, il n'est pas dit qu'ils aient un local à vous prêter, de même qu'une connaissance suffisante de votre machine pour ne pas vous faire faire n'importe quoi. Le monde de la moto de collection est tellement vaste… Certains clubs spécifiques sur une marque ou un modèle sont d'envergure nationale, et proposent en général des publications ou des forums internes certes riches en conseils, mais au risque de me répéter, IL VOUS FAUT D'ABORD UN LOCAL !!!! C'est simple, pas de local, pas de moto !!! Une seule solution à mon sens si vous souhaitez apprendre puis vous investir : déménager dans un pavillon avec garage !

Concernant les clubs justement, j'ai encore été un vrai chat noir. J'ai eu la chance de trouver un club de mécanique qui prêtait un local avec l'outillage à disposition. Bordélique, sale, sans vrai esprit associatif et d'entraide de la part des personnes qui avaient un peu tendance à bricoler chacune dans leur coin, et avec un bureau de gestion qui se réservait des soirées de la semaine uniquement pour lui, pour bosser tranquillement : bref, pas glop. Donc, en gros, les pros s'enfermaient en semaine dans leur compétence, et les p'tits jeunes et/ou débutant se démerdaient comme ils le pouvaient le week-end.

Petite question juste comme ça, et c'est là que je voulais en venir : où est la transmission là-dedans ? En quoi la génération d'avant aide-t-elle celle qui suit à reprendre le flambeau ???? Où est le passage de témoin ???? Entre les clubs qui, en France, ont en général tendance à être renfermés sur eux-mêmes, et la génération soixante-huitarde " tout pour ma gueule " qui, et d'ailleurs dans tous les domaines de la société actuelle, a un peu la manie de se dire " après moi le déluge ! ", je crois qu'il ne faut pas s'étonner que les jeunes motards d'aujourd'hui aient peu de références motardes comme de culture mécanique, et qu'ils ne soient pas franchement nombreux dans les allées de ce salon Moto Légende. Combien de gérants de clubs ai-je entendu dire ces dernières années : " mais ils sont où les jeunes ? " ! Quand on voit déjà l'âge moyen du motard dans le monde de la moderne, imaginez ce qu'il peut être dans de l'ancienne ! Il devient je crois important que le secteur de la moto de collection se rende compte, à mon humble sens, qu'il est un peu déconnecté de la génération qui arrive, et que, à l'heure de la prochaine moto électrique, des trois ou quatre-roues, du plastique et de l'ABS, s'il veut encore vivre demain, il a tout intérêt à créer les conditions adéquates pour susciter des vocations…

Le lecteur de ce billet d'humeur ou celui qui n'a pas encore essayé de sauter le pas de l'ancienne doit se dire que je ne suis qu'un pessimiste de nature, vu le tableau assez sombre que j'ai dressé ce milieu sur ces quelques lignes. Pourtant il n'en est rien. Il est tout à fait possible de s'épanouir dans le monde de la collection, simplement, il ne faut pas être dupe que le terrain peut être largement miné. Et puis je persiste et je signe : quoi qu'il arrive, je ferai ce qu'il faut pour apprendre à travailler sur des machines anciennes, et je compte bien avoir à un moment ou un autre un cafe racer à couple conique dans mon garage, en ne me contentant pas de simplement signer un chèque à un professionnel, sans rien maîtriser de la machine sur laquelle je serai amené à rouler. Parce qu'avouez que mettre du gaz sur une ancienne en étant pas capable à un moment ou un autre de prendre le tournevis, c'est quand même un peu ballot !

Alors si vous êtes toujours motivés, accrochez-vous aussi à votre rêve, mais tout en ayant bien conscience des difficultés auxquelles vous allez être exposés. Parce que rien ne vaut une balade sur une machine à qui on n'a pas enlevé précisément ce qui manque le plus souvent aux motos modernes : une âme !!!

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