Les reportages ou les comptes rendus de Baloo
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Vous pourrez écouter
l'intro officielle qui vous illustre parfaitement la philosophie des textes de Baloo
Intro tirée de la B.O. du film " Du Livre de la Jungle " de " Walt Disney "

Pour ceux qui ne sont pas sur "IE". Ecoutez l'intro ici :

LA FRISQUETTE DES POTES

Pour cette balade, il était prévu une sortie ressemblant à la " Balade des trois Ponts " en Normandie, mais la météo ayant décidé de nous faire un gros caprice, c'est finalement sur les Settons que nous nous sommes rabattus, histoire d'éviter le déluge façon Jugement Dernier qui allait s'abattre sur le nord-est de la France. Un plus pour la sécurité, parce que dans la vie, il y a des choses que l'on peut gérer, et d'autres qu'on laisse aux téméraires. La mesure a été bien entendu parfaitement assimilée par les participants, étant donné que notre but n'était pas de nous mettre en danger, mais de nous faire plaisir entre potes.

Départ donc tôt le matin ( mais ça je commence à avoir l'habitude !! ) pour passer en bas de chez Bruno vers 6h40. Il fait assez froid mais ce coup-ci j'ai pris mes précautions : les fringues d'hiver sont de sortie. Pas comme lors de la Tourangelle où j'en était resté à l'équipement de mi-saison ( mes doigts s'en souviennent encore ! ). Alors vu toutes les épaisseurs que j'ai sur le dos, je suis assez confiant pour le reste de la journée, même si il y est prévu de la flotte pour l'après-midi.

On part tous les deux tranquillos vers notre point de RDV, la station Total sur l'autoroute. Premier constat : il n'y a pas un jour où je passe sur le périph' sans être le témoin soit d'une circulation dantesque, soit d'un incident impliquant une bagnole ou un deux-roues. De la folie ce périph'. Et ce constat se vérifie encore ce matin : un scooter gît à terre à l'embranchement de la sortie vers l'A6, son propriétaire allongé sur un brancard avec une meute d'infirmiers autour de lui. Encore un de plus… Mauvais présage pour la journée ?

Sur le chemin du RDV je sens comme un froid au niveau du bassin, et réalise que l'air est en train de s'infiltrer entre le pantalon et le blouson. Houlà, pas bon ça, un coup à se ramasser un bon tour de reins. J'essaye de me ramasser sur la machine tout en me redressant afin de colmater la brèche. Manifestement, l'arrêt à la station Total sera le bienvenu afin de passer mon polo ainsi que mon pull à l'intérieur du pantalon, mais également de sortir la combi de pluie, laquelle fera office de coupe-vent. Faut être maso à moto quand même…

Arrivés à la station, je fais le complément de plein afin d'avoir l'esprit tranquille pour le début de la balade; ça me fera un problème potentiel de moins à gérer. Nous sommes rapidement rejoints par Averell et sa VFR munie d'un pneu neuf à l'avant juste la veille, un Dunlop Road Smart, exactement ce que j'ai prévu de mettre sur ma Prunelle quand le besoin s'en fera sentir, c'est-à-dire je pense dans pas très longtemps.

Café, nouvelles du front, blagues de motards, nous passons le temps en attendant le reste de la troupe… qui n'arrive pas. Ont-ils eu un problème ou une panne de réveil ? Ou peut-être sommes-nous arrivés trop tôt ? Finalement, Olaf et Rocky se pointent, et c'est sous les premiers rayons du soleil que nous mettons le cap sur les petites routes de l'Essonne, de Seine-et-Marne, du Loiret, et enfin de la Nièvre où se trouve notre destination.

Rapidement, j'ai une sensation étrange : engoncé sous plusieurs épaisseurs de vêtements, je ne ressens pas l'aisance habituelle que j'ai au guidon de cette machine que je commence à vraiment bien apprivoiser depuis maintenant tous ces kilomètres. De plus, je roule, mais sans la gniak, sans grande conviction. Peut-être la fatigue de tous ces déplacements professionnels depuis la rentrée.

Nous filons un bon train, à un rythme manifestement plus rapide que lors de la dernière sortie officielle des Settons en 2007, et en profitons pour valider un itinéraire différent que nous emprunterons lors de la prochaine, au printemps 2008. Dommage, je n'y vois pas grand-chose sous mon casque, étant donné la quantité de buée qui s'est déposée depuis notre départ de la station Total sur l'autoroute. Incompréhensible d'ailleurs tant le " Pin Lock " de chez Mr Shoei s'est montré jusqu'à présent imperturbable dans sa tâche : la buée a été systématiquement éradiquée, quelques que soient les conditions de roulage d'ailleurs… Là, quelque chose ne va pas… Peut-être le dispositif est-il usé et n'assure-t-il plus sa fonction ? Comprend pas… Cela m'oblige à regarder à travers les coins épargnés de la visière, ce qui ne favorise pas le confort de conduite, ou alors à rouler avec la visière entrouverte, ce qui vu la température extérieure a vite fait de me boucher les sinus. Alors plutôt que de m'attraper une grosse crève voire une conjonctivite, je préfère encore rabattre l'écran.

Malgré tout, je suis heureux de passer à travers des villages plus pittoresques les uns que les autres, ça me change clairement du roulage stérile à Paname. Vieilles pierres, petits commerces, placettes de charme, champs en plein labour, animations de village, cette vision d'un monde paisible à l'écart de la foule, des grèves, de la pollution et des violences urbaines sonne dans ma tête comme un piqûre de rappel, à savoir qu'une autre vie est possible. Mais bon, peut-être mon regard de citadin est-il quelque peu biaisé ou partial…

Et soudain, elle arrive… l'envie de pisser. Putain…Une fois avant de partir, une autre fois à la station service… mais ça va pas s'arrêter un peu non ???? Vais finir par me dessécher moi, ou arriver à destination à l'état de soupe en sachet, comme une grosse portion déshydratée dans son emballage de cuir… Pourtant je le sais : à force de rouler, pour ce genre de truc, elle est infernale cette bécane… Alors en attendant la pause ou serre les verrous.

Passons. On continue sur les petites routes, et on manque de s'arrêter dans un café, enfin je dirais qu'il s'agissait plutôt d'un " Stop And Go " imprévisible de la part de la moto de tête, qui m'obligera à remettre du gaz pour rattraper la troupe. Dommage, j'avais bien envie de faire la vidange moi…

L'arrêt salvateur viendra à Toucy, avec un bon chocolat chaud à la clé. Sur le moment de repartir, je bave devant le marché local et ses étals de produits de la région. Fromages, pains, légumes, terrines, gâteaux et confiseries, miel, pâtés et sauciflards divers, c'est toute la production et les spécialités locales qui s'offrent devant mes yeux excités. En effet c'est toujours pour moi un véritable délice que de découvrir les spécialités culinaires ou les productions locales d'une région que je traverse, gourmand que je suis… La vache je bave… Et je suis le seul à m'extasier !!!! Tout le monde repart vers les bécanes d'un bon pas, sans prêter attention aux trésors à portée des leurs mains… Dommage que l'on ait pas le temps et que je n'ai pas apporté mes valises arrières, ça aurait été la razzia !!!!!

Tiens en parlant de rangement, j'ai la désagréable surprise de voir la poignée à main de ma sacoche de réservoir se casser, rivets de maintien explosés. Merci Mr Bagster !!!! Elle était pourtant pas donnée… Il faudra dès lors la repositionner en veillant bien à ce que la boucle ne vienne pas se coincer dans les tés de fourche ou les commandes, histoire d'éviter la catastrophe… Encore une merde de plus à gérer une fois rentré, j'ai que ça à faire c'est sûr…

Bon, on lève l'ancre sous les yeux des badauds, direction Avallon si ma mémoire est bonne, pour nous permettre de refaire le plein de nos montures. Le Morvan et ses petites routes de folie se profilent à par le biais de quelques belles courbes à travers champs et forêts. La sensation éprouvée avant la pause se confirme : je n'ai vraiment pas la forme moi…. Cela me rend incapable de bouger sur la moto en souplesse, ce qui engendre de l'appréhension, celle-ci me rendant complètement rigide sur les guidons, engendrant ainsi une conduite encore plus pourrie, qui elle-même me fait stresser encore plus etc…etc…Voilà donc ce qu'on appelle un cercle vicieux. Et c'est comme ça qu'on se retrouve à subir bêtement les trajectoires bien plus qu'à les imprimer.

Et un nouveau problème se fait de plus en plus sentir au fur et à mesure que défilent les kilomètres : l'embrayage tend à se durcir, provoquant une gène grandissante dans mon poignet gauche. Je me remémore d'un coup l'hiver dernier, où là aussi le levier d'embrayage finissait au bout de quelques heures par devenir aussi raide qu'un bout de bois. J'avais initialement imputé ça à un défaut de montage en usine, et avait amené ma Prunelle auprès de mon mécano préféré pour qu'il me fasse une purge de tout le système suivi d'un remontage complet, avec graissage aux petits oignons. Dès lors, le phénomène avait disparu. Et, manifestement, là, ça recommence. Est-ce le froid qui a tendance à durcir le liquide d'embrayage dans la durit ? Et je commence franchement à avoir mal. Putain. Fait chier. Et toujours cette foutue buée…

Tellement mal d'ailleurs que ça commence à me prendre la tête au point de lourder encore plus mes trajectoires. Incapable de tenir la machine correctement, chaque passage de vitesse devient une torture. J'essaye donc de modifier la manipulation du levier et de piloter sur le couple en limitant ainsi la fréquence de passage des vitesses. Sauf qu'à force de me déconcentrer je me retrouve à faire un splendide tout droit qui aurait pu mal se terminer si il y avait eu de la circulation en sens inverse. La vache, c'était chaud… Tenir, bordel… tenir jusqu'aux Settons et masser mon poignet. Hé, les cocos c'est encore loin votre affaire là ??? Passque j'commence à en avoir ma claque moi….

Arrivés à Avallon pour refaire le plein, Bruno, arrêté à un feu rouge avec le reste de la troupe, me proposera gentiment de me passer sa CB histoire de m'économiser le poignet jusqu'aux Settons. Que faire ? Accepter de prendre sa bécane ? Tentant, sauf que je ne la connais pas et qu'avec ma patte folle, ça risque de prendre des allures de rodéo sauvage… Et si jamais je lui pourrissais sa meule ? Et comme en plus les routes sont humides…Trahir sa confiance quand il me rend service… La honte…. j'ose même pas y penser… En plus quant à payer la casse éventuelle, en ce moment, j'ai franchement pas les moyens… Punaise les boules… Sauf qu'il faut se décider rapidos parce que le feu va passer au vert et qu'il y a du monde derrière. Gloups… Et la douleur finalement l'emporta…

C'est donc sur des œufs que j'ai démarré, derrière Bruno sur ma Prunelle. Ben vous avez quoi ? Outre une commande d'embrayage on en peut plus agréable, c'est un vrai jouet cette machine ! Légère, vive, instinctive, je me suis retrouvé dans un autre monde… Le genre de bécane qui tourne toute seule, et accélère vivement mais sans brusquerie. Elle va là où le regard se pose, docilement mais franchement, et à priori sans vous imposer un mode d'emploi particulier. Reposant je dois dire par rapport à ma ritale…. Et c'était bien le but recherché ! Cela me permet de ménager mon poignet qui crie sa misère. On roule tranquillou parce que Bruno découvre lui aussi ma moto, lequel m'avouera d'ailleurs s'être fait une ou deux frayeurs sur le pneu avant. Peux pas vous dire, j'étais trop concentré sur ma conduite pour examiner en détail ce qui se passait devant.

Devant nos gommes se profilent les routes typiques du Morvan, légèrement gravilloneuses mais avec du grip à souhait, viroleuses comme pas possible et quasiment désertes, sans bleusaille pour vous tenir en laisse ou vous passer un coup de fouet…

Et je réalise tout d'un coup que nous aurions pu prendre tous ces virages avec 30 ou 40 bornes de mieux, histoire de nous faire quelques sensations. Je me rend compte que ma blessure est en train d'affecter tout le groupe, car par la force des choses pour mes compagnons, nous nous traînons là où nous pourrions nous amuser. Et franchement, là, c'était le moment où jamais. Désolé les mecs, vraiment….

Enfin bon, je commence à reconnaître la route à la vue d'un panneau " Settons ". Nous ne sommes plus très loin. Et effectivement, quelques minutes plus tard, le lac se découvre sous nos yeux, limpide, vierge de toute activité, extraordinairement calme. Tellement calme d'ailleurs que nous réalisons bientôt que tout est fermé aux alentours, restaurants y compris.

Un rapide conciliabule, et nous décidons de pousser jusqu'à Château-Chinon afin d'avoir plus de chance de nous remplir la panse. A cette occasion, Bruno et moi échangeons nos machines respectives. Mon poignet s'est calmé. Du moins j'en ai l'impression… jusqu'à ce que les premiers changements de rapport me fassent pousser un râle. La vache, il s'est calmé…. ouais ouais c'est sûr… Tu parles Charles !!… Le feu couvait simplement sous les cendres, prêt à reprendre du poil de la bête à la première occasion. En deux minutes c'est l'enfer. J'ai mal comme jusqu'aux tréfonds de la moëlle, les tendons et muscles ne répondent plus et la douleur se propage dans tout l'avant bras… Bordel… je suis en train de me faire une de ces putain de tendinite moi… Impossible même de poser la main sur le guidon, je pilote la moitié du temps avec la seule main droite étant donné que je ne peux reporter aucun poids sur la gauche. Toutes proportions gardées, je commence à réaliser l'exploit que réalisent ces pilotes de GP lorsqu'il s'agit de faire claquer une pendule malgré les blessures ou les fractures, et ce à des vitesses stratosphériques et avec des contraintes musculaires d'un tout autre niveau. Chapeau bas messieurs… Bref Bruno et moi avançons " pianissimo ", Rocky, Averell et Olaf s'étant échappés pour profiter quand même un minimum du circuit à ciel ouvert qui s'offre sous nos roues. Comme je les comprends…

Nous nous retrouvons à l'entrée de Château-Chinon, et finissons par atterrir dans une pizzeria s'annonçant comme relais motard, dont le patron, semble-t-il un sympathisant à la cause motarde, nous racontera quelques anecdotes assez croustillantes sur des accidents de la route devant chez lui, sur les politicards locaux et les contrôles de flics dans la région. Sympa. Fourbus, nous nous vautrons à table devant des pizzas taille XXL. Et vous savez quoi ? La mienne n'a rien vu venir…( L'espérance de vie d'une pizza face à un Baloo affamé étant soit dit en passant comparable à celle d'un steak saignant sous les yeux d'un pitbull enragé !!! AAARRRRGH !!! Pas de quartier !!!!! ).

Vu l'heure où nous avons levé le camp, nous avons décidé à regret de prendre " L'A-Traîne-Couillons ", bon en clair la totoroute jusqu'à Paname. Trop fatigués pour les petites routes... En plus faut dire aussi que Zeus, dieu de l'orage et de la foudre, avait décidé pile à ce moment-là de commencer à nous pisser sur la tête. Et quelle cuite il avait du prendre tout là-haut ce gros taré pour nous arroser de la sorte ! 'tain l'autre hé, sans arrêt jusqu'à Paris…

Direction d'abord Auxerre histoire de rejoindre l'A6 par le biais d'une station service. Bruno, décidément mon sauveur ce jour-là, me proposera de faire le trajet jusque là-bas avec " La Bête ", c'est-à-dire sa machine. Cela me permettra de faire le trajet jusqu'à l'autoroute sans souci. En effet, en plus de pouvoir rouler sans me défoncer la main gauche à chaque passage de rapport, j'ai également pu rouler sans buée, étant donné que j'ai pris soin lors de la pause pizza de remédier au problème. Parce que piloter en y voyant quelque chose, ça change tout !! En effet, j'ai compris en démontant la visière que, lors de la dernière session de nettoyage du XR-1000, j'ai tout simplement remonté le Pin-Lock à l'envers, empêchant ainsi à la couche d'air intermédiaire de jouer son rôle d'isolant. On ne m'y reprendra pas je peux vous le dire… Impeccable aussi le fait d'avoir enfilé, avec un coup de main d'Olaf, la combi de pluie PAR-DESSUS les gants, histoire d'éviter le ruissellement jusque dans les mimines.

Bref, une dernière mise au point une fois les pleins faits et les kawas avalés, nous décidons de constituer deux groupes : les pressés et les tranquilles. Nico et Rocky s'échapperont, ce dernier ayant semble-t-il allumé la bonbonne de Nitrous jusqu'à destination, le tout sous la flotte bien sûr ( c'est bien plus drôle comme ça ! ), arrivée pile 19h. La vache…. Bip bip mérite bien son surnom ! Inrattrapable !!!

Quant à Olaf, le Taz et ma pomme, c'est sous les bourrasques ( Eole ayant choisi de rejoindre Zeus dans son petit délire ) que nous avons entamés la dernière étape de notre périple, assez digne d'une séance en machine à laver pour parler poliment. Nous avons parfois navigué en aveugle, en prenant simplement comme point de repère le phare devant nous, Bruno jouant le rôle du poisson pilote dans cet enfer liquide. Dans ces conditions, la bouée de sauvetage….. c'est le groupe, à n'en pas douter.

Bizzarement, je dois dire qu'à partir de ce moment, j'ai commencé à me reconnecter à la machine. Etrange…. Comme si durant tous ces kilomètres depuis le début de la journée, nous n'avions été que deux entités séparées, et que là, nous commencions enfin à ne faire qu'un, en osmose. ENFIN, j'ai été bien. Est-ce le fait que le roulage en continu sur le sixième rapport m'a permis d'oublier la compote à la sauce piment rouge qui me servait de poignet, est-ce le ronronnement et la force du moteur, la stabilité impériale du chassis même en condition difficile… A cet instant, pendant de longues minutes, et malgré les éléments déchaînés tout autour, j'ai eu la sensation de tout recontrôler, l'impression qu'il ne pouvait rien m'arriver. Des pointes parfois à 160 sous la flotte et le vent, en pleine nuit, dans le froid, et pourtant c'était comme si il y avait eu un grand vide dans ma tête, une sorte de plénitude qui me faisait avancer sans aucune pensée parasite, avec calme et certitude. Tout cela pour dire que, juché sur mon vaisseau amiral imperturbable, dans ma bulle, j'ai rapidement éprouvé une sensation de sécurité qui m'a détendu et m'a enfin permis de me concentrer sur mes sensations. J'ai retrouvé la mobilité sur la machine, pouvant dès lors mettre en pratique les leçons de conduite apprises lors du stage AFDM. D'un coup, la machine a semblé perdre 20 kilos, la fluidité a repris ses droits, et les kilomètres ont défilé, l'un après l'autre, dans une totale harmonie, comme une évidence. Ainsi et comme par magie, l'espace de ces quelques dizaines de kilomètres avant le péage, Prunelle et moi on s'est retrouvés. On s'est reconnectés. On a refusionné. On a retrouvé l'alchimie….. jusqu'à ce fameux péage.

Aaahhh…. le péage… hummm…... un grand moment…. Bon, disons que j'avais pourtant bien fait en sorte que m'équiper de telle façon à ce que le paiement se passe dans les meilleures conditions, c'est à dire facilement et rapidement. Seulement voilà, le sort en a décidé autrement. Je vous passe le temps passé à chercher le ticket dans ma poche extérieure gauche de combi de pluie… avec le gros gant d'hiver bien entendu. Marche pas, vu je ne sens rien sous les doigts. J'enlève donc tant bien que mal le gant (ainsi que le sous-gant en soie) que j'avais enfilé sous la combi afin d'éviter les infiltrations. Je recherche dans la poche gauche. Rien. La droite. Rien. Bordel. J'enlève au forceps la protection plastique de ma sacoche de réservoir. J'essaye de l'ouvrir tandis que la fermeture éclair se coince dans un fil qui dépasse. Nerveusement, j'arrache le fil et ouvre enfin ladite sacoche. A part un gros foutoir à l'intérieur, y'a que dalle. Je regarde la préposée. Elle a compris le problème. Coup de bol, elle a pas l'air d'être une chieuse.

- Vous venez d'où ?
- D'Auxerre, j'suis désolé, j'avais le ticket en partant, mais là franchement, je comprends pas, je l'ai plus. Je sais pas ce que j'en ai fait.
- Pas grave, donnez-moi votre carte bancaire !

Je m'exécute. Putain, elle est trempée, la poche gauche est noyée. Elle remplit un papier pendant quelques minutes, s'active sur sa machine.

- Vous vous souvenez de votre numéro d'immatriculation ?
- Heuuuuu…
.

Ben nan justement m'en souviens pas d'ce foutu numéro, vu que je viens juste de refaire la carte grise suite à mon déménagement. Je pars en mission d'exploration dans la sacoche. Non d'un chien quel souk…Evidemment, les papiers de la machine sont tout au fond, ça aurait été trop facile…. Je lui tend le tout. Et pendant ce temps-là derrière, ça attend…

- Il me faudrait aussi votre pièce d'identité.

Gggnnnniiiiiiiii !!!!! …… FAIT CHIEEEEER
BOORDEEEEELLLEUUUUUUHHHH !!!!!!!

Et c'est reparti pour une plongée en apnée dans les méandres de la sacoche. Je l'ai. La nana dans son aquarium la ramasse et continue ses petites affaires… puis me tend un papier.

- Il me faudrait une signature, là, en bas de la feuille. Vous avez un stylo ?
- g………..

Sans dec' je vais finir par péter un câble moi…. J'entend des beuglements féroces et des coups de klaxon dans mon dos. Elle me tend le papelard et le stylo, et, n'ayant aucune surface plane, je griffonne tant bien que mal une vague signature. 5 zoros tombent dans l'escarcelle de la société d'autoroute. Pas vraiment donné. Je refous tout en vrac dans la sacoche, béquille, 1ère, et c'est parti direction le parking adjacent sur la droite, où m'attendent Olaf et Bruno, le tout sous un aimable concerto en pouêt-pouêt majeur de la part des automobilistes ulcérés, mis à part un routier sympa juste derrière moi qui n'a jamais bronché de tout le long. Un geste amical à son attention ponctuera mon départ du péage. C'est vrai à ce qu'on dit que les routiers sont sympas !!!

J'explique ma mésaventure, puis Olaf me confie que sur la bretelle d'entrée d'autoroute, il a cru voir quelque chose de blanc tomber et qui venait de ma moto. Bon, bah y'a pas à chercher plus loin, on sait maintenant où se trouve le ticket…. il prend un bain… tranquille….

Sauf que, et c'est pas fini, dans cette affaire, parce qu'il nous fallait quand même se grouiller de lever le camp pour abattre les derniers kilomètres avant la délivrance, je n'ai jamais été en mesure de remettre mon gant gauche SOUS la manche de ma combi. J'vous fait pas un dessin, inutile de préciser que ma main a rapidement fait une p'tite trempette comme qui dirait tonifiante, avec la sensation de tenir le guidon à travers une éponge humide et glaciale. Bon, c'est comme ça, on y peut rien, faut faire avec et pis c'est tout. Tant que ça ne représente pas un danger au niveau de ma conduite, après, ma foi…

Ah, pis tiens une p'tite dernière… Figurez-vous que moi, Ricounet, Super Balloo-ourd, Grand Bêta 1er, j'ai trouvé le moyen de larguer tout le monde lors d'une bifurcation d'autoroute, Bruno et Olaf allant à droite, et moi royalement à gauche…. Bon,

1 ) J'avais complètement zappé l'annonce ( pourtant faite 4 fois dans la journée !!! ) que l'on se retrouvait chez Bruno pour le dîner avec à la clé une grosse " Sushi Party "…

2 ) Dans la pénombre de la nuit, ledit Bruno a fait un geste que j'ai interprété comme signifiant la fin officielle de la balade, alors qu'il s'adressait simplement à un automobiliste imprudent. J'ai donc pris la direction de la Porte d'Italie, laissant mes deux camarades j'imagine perplexes sous leur casque.

Ce n'est qu'une fois rentré chez moi qu'un appel téléphonique me fera revenir à la raison, en précisant bien que la manœuvre leur avait " causé du souci ". Hem, bon, quand on fait le bilan de ce samedi, je crois que des mecs bien lourds comme moi un jour comme ça, ça doit être un de ces bonheur à gérer pour les autres… Désolé vraiment…. Tiens, pour la peine, je recopierai 100 fois " En 2008, je jure de ne plus faire chier outre mesure mes collègues de virée lors des balades du club sous peine d'être laissé sur le bord de la route, les pneus crevés, l'essence siphonnée, et la batterie dézinguée. " Ouaip, ça fait partie des bonnes résolutions…

Le bilan de cette journée ? En fait il y en a plusieurs.

1 ) D'abord, le fait qu'entre la moto et son pilote, c'est en définitive comme un couple. Cela veut dire qu'il y a des jours avec et des jours sans. Il faut le savoir et l'accepter. J'ai rarement été aussi déphasé sur ma machine que ce jour-là, et c'est très étrange. Jamais dans le coup, subissant, essayant de gérer des problèmes divers qui ont complètement pourri mon voyage. Et lorsque ça ne va pas, que le feeling n'est pas là, le tout n'est pas d'essayer de comprendre à tout prix pourquoi, mais plutôt de s'efforcer d'en tirer les bonnes conséquences : au niveau du pilotage, de la vitesse ( je me remémore encore mon tout droit, bbrrrrr !!! ) de l'itinéraire, du temps passé sur la machine etc…

2 ) L'importance de l'équipement et du parfait état de la machine. Un petit rien peut avoir des conséquences imprévisibles : trop de buée sur le casque et c'est la trace de gazole qu'on ne voit pas, une poignée d'embrayage raide comme la justice et c'est toute la sécurité qui est remise en question, une main noyée dans le jus et c'est de la concentration en moins, un équipement d'hiver bien lourd et bien enveloppant et c'est tout de suite 25% de capacité de pilotage en moins…. Tiens, à ce propos d'équipement, ça me fait penser à une anecdote racontée par Fast'Sebil dans Moto Journal il y a quelques années, et à laquelle je repense de temps en temps : il était en train de participer à une manche du championnat de France Supersport lorsqu'au fur et à mesure de la course, son bras gauche avait fini par s'engourdir complètement au point de devenir atrocement douloureux. Incapable de freiner et de tenir correctement le guidon, il avait du finalement abandonner à la mi-course. Le problème ? Une combinaison mal ajustée avait causé un pli vicieux, perturbant la circulation sanguine dans le bras… tout simplement. Tout ça pour ça…

3 ) Les potes !!!! Bien content de les trouver je dois vous dire. Aide psychologique et bonne ambiance assurée !! De plus, ils ont été mes béquilles une bonne partie de la journée. Merci tout particulièrement à Bruno pour m'avoir passé sa machine, parce que cela m'a permis de récupérer le temps qu'il fallait pour pouvoir poursuivre. C'est sûr, les choses ne se seraient pas passées de la sorte si il avait fallu se taper cet embrayage durant 100% de la journée. Moralité, par mauvais temps et lors des longs voyages, sortez à plusieurs !

Enfin ) Je dois dire que peut importe que cette sortie ait été réussie ou ratée, plaisante ou pas. L'important est que j'ai appris. Mine de rien, j'ai vécu une expérience qui me sera utile pour le reste de ma vie motarde. L'organisation du voyage, les petits tuyaux pour l'habillement et le rangement des affaires, la gestion de la fatigue, les situations de pilotage…. Plein d'informations ont été enregistrées pendant cette journée que je vais être en mesure d'appliquer par la suite. En clair, j'ai pu continuer à acquérir de l'EXPERIENCE. J'ai progressé, j'ai avancé. Et c'est bien là le principal. Z'êtes pas d'accord ???

Alors en attendant la prochaine balade, salut et un grand V à tous !!!

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