Coin
des potes
- 2009
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Cinquante mille bornes en VFR
On a beau regretter la cascade de pignons du "vrai" VFR, il faut admettre que même sans, on peut encore avancer avec sa moto. C'est à se demander à quoi elle servait d'ailleurs cette fameuse cascade. Tenez, moi par exemple, je n'ai pas de cascade de pignons et pourtant, par un miracle encore incertain, mon véhicule peut malgré tout avancer ! Pire, le compteur de mon véhicule n'a cessé de grimper depuis cet inoubliable 6 Juin 2006 où j'ai pour la première fois posé mon séant sur celui qu'on appellera plus tard Tornado, jusqu'à atteindre aujourd'hui le chiffre honorable de 50.000 kilomètres.
Après avoir usé quatre paires de pneus, deux jeux de plaquettes et remplacé une bonne dizaine d'ampoules. Après avoir restitué à l'atmosphère quelques centaines de kilos de CO2 issus de la combustion de quelques milliers de litres de sans plomb 95 et débarassé quelques talus espiègles de quelques mètres carrés d'herbe superflue, l'heure est au bilan. Quelles impressions m'ont laissé ces cinquante millions de mètres au guidon de mon destrier de métal ? Quel trou béant les nécéssaires révisions et autres remplacement de carénages ont-ils creusé dans mon budget de jeune travailleur ? Quelle conclusion puis-je retirer de ces innombrables virages savourés et de ces -encore plus- innombrables lignes droites négligemment baffrées ?
Et si c'était à refaire ?...
La tentation est grande de commencer par la conclusion, tant celle-ci me semble évidente. Mais non seulement cela aurait pour effet de briser le presque insoutenable suspense qui baigne ce récit (je dis "presque", parce qu'un récit "vraiment" insoutenable, c'est pas soutenable), mais de plus, les plus fainéants d'entre vous seraient capables de se satisfaire de ce préambule sans aller plus loin dans leur lecture. Ce qui aurait pour conséquence facheuse de priver ces derniers de toute la délectable démarche intellectuelle qui consiste à se forger soi même une opinion sur les propos d'autrui, tout en retirant la pertinence de mon jugement qui n'a de valeur que comparé aux arguments énoncés ci-après.
Par conséquent, je vais tenter de contenir mes émotions et de procéder avec la froideur qui s'impose à l'une de ces analyses objectives que la presse spécialisée nomme parfois "essai longue durée", lequel sera décliné, comme le veut la tradition, en trois temps: le moteur, la partie cycle, et le plus-que-parfait du subjonctif.
Mais cessons-là ces digressions, même si elles ne sont pas plus de deux, et lançons-nous sans plus attendre dans le vif du sujet.
LA RENCONTRE :
Je me souviens comme si c'était hier du jour où je suis allé passer commande de ma moto. Sans trop savoir pour quelle raison, j'avais décidé d'acquérir un VFR, et pas autre chose. C'était d'autant plus inexplicable que je n'en avais jamais essayé. L'esthétique moderne du véhicule avait fait mouche, et sa conception sport-GT cadrait parfaitement avec les attentes que je nourrissais pour une moto sensée m'accompagner aussi bien dans mes déplacements quotidiens que lors de mes escapades ouikènedesques, dans la mesure où un cruel manque de budget m'interdisait alors (et m'interdit toujours à l'heure où j'écris ces lignes, que voulez-vous, c'est la crise...) de posséder un véhicule différent pour chaque usage.
Alors récemment installé en région parisienne et n'ayant pas encore tissé de contacts dans le monde de la moto, j'ai écumé les concessions au hasard, selon la logique élémentaire qui consiste à les visiter suivant la loi "du plus proche au plus loin" de mon domicile.
J'ai tout d'abord été très mal reçu chez "Casque D'or" à boulogne billancourt, et j'estime utile d'ouvrir une parenthèse pour signaler que le patron, en plus d'être ivre mort au porto et d'insulter se mécanos devant moi, n'a pas jugé utile de me traiter comme un client sérieux, pensant sans doute que les jeunes qui roulent en ZR-7 ne sont pas dignes de rêver du VFR.
Le lendemain, je débarque chez Japauto, avenue de la Grande Armée, avec le même blouson passé et la même moto crade (toutes mes motos sont crades, c'est ma marque de fabrique) que la veille. Le commercial qui m'a reçu a, lui, eu l'intelligence de me croire capable de lui faire gagner de l'argent, il n'a pas eu à le regretter : Après quelques discussions et une remise raisonnable, je lui payais comptant la moto de mes rêves sans même lui avoir demandé de l'essayer. Je l'ai choisie en noir, parce que c'est moins salissant. Après coup, je me dis que le gris aurait été moins salissant, mais le gris, je trouve ça moche.
J'en profite pour glisser que Japauto m'a offert un excellent accueil commercial et que leur équipe de vendeurs est efficace et sérieuse, je n'en dirai pas autant de leur atelier, mais c'est une autre histoire.
Trois semaine plus tard, j'allais récupérer mon nouvel engin à l'atelier sus-dit. Accompagné pour l'occasion d'un motard que j'avais entre-temps rencontré via un club local, un certain "Taz" du "Moto Club des Potes". Après avoir essuyé les traditionnels colibets au sujet d'une cascade de pignons qui serait soit-disant manquante et du design de mon véhicule prétendument inspiré par un fan de goldorak, j'enfourche la moto, plus fier qu'un bar-tabac.
L'appréhension des premiers mètres (je passais d'un 4-en-ligne de 68 poulains asthmatiques à un V4 de 100 bourrins, d'un guidon plat et large de roadster à une paire de semi-bracelets, d'une position de parfait poireau à un léger arqué...) a rapidement laissé place à une surprenante aisance. Il ne m'a fallu que quelques minutes pour maitriser, ou plutôt devrais-je dire "avoir l'illusion de maitriser", le véhicule... C'est pour moi à la fois l'une des plus grandes forces et la faiblesse principale de cette moto: sa prise en main est tellement naturelle et rapide que son pilote se croit trop vite en mesure d'accomplir des exploits. La réalité me ratrappera quelques semaines plus tard lorsque je comprendrai à mes dépends que, aussi exceptionnelle soit la moto, un mauvais pilote terminera toujours dans le fossé... en l'occurence pour moi, dans le mur. Mais nous y reviendrons.
Revenons plutôt à ce rodage : A l'issue des quelques kilomètres qui séparaient mon domicile de la concession, j'avais complètement cessé de me méfier des réactions de ma nouvelle moto, à la fois extrêmement saine et à la puissance parfaitement dosable, même la position de conduite, alors inhabituelle pour moi, que m'imposait le passage à un type sport-GT m'a finalement semblée évidente et appropriée. Je découvrais que l'appui léger sur les poignets me permettait de mieux guider la moto avec mon regard.
Rodage
oblige, les premières centaines de kilomètres se sont faites
tout en douceur. Évitant de trop monter dans les tours ni de tirer
sur le couple, je laissais la moto respirer à son rythme. Et pourtant,
cette impression d'avoir un moteur puissant ne me quittait pas. Le couple,
c'est comme une drogue: on en veux toujours plus et on s'accoutume trop vite
en avoir plein. Demandez moi aujourd'hui mon avis sur le couple du VFR, et
je vous dirai que cette moto est désespérément creuse
à bas régimes et tire peu de 3000 à 6000 trs/min. Mais
c'est uniquement parce que je n'ai pas d'autre réference. Une journée
en CBF600 à l'occasion d'une récente révision m'a bien
remis les idées en place en m'imposant un solide élément
de comparaison. Au sortir d'une journée en 600, j'ai retrouvé
mon VFR avec la même surprise qu'aux premiers jours "Bon sang,
quelle pêche !"
Evidemment, comparé aux CBR1100XX, GS12000 et autres Pan-european que
j'ai eu l'occasion de conduire, le VFR a du mou de veau entre les pistons
à bas régime, mais remettons les choses à leur place,
parmi les 600/900CC, cette moto n'a sérieusment pas à rougir
de son couple.
Le temps passe, et je m'autorise de plus en plus souvent des montées en régimes. Le V-Tec se déclenche pour la première fois et je réalise que sa réputation est très surfaite. J'ignore si les modifications effectuées en 2005 (ma moto date de 2006) sur le fameux système d'injection variable en vue d'adoucir la transition du passage de 8 à 16 soupapes est en cause, mais on est tout de même très loin du "dangereux coup de boost" évoqué par ses détracteurs. Si l'intérêt du système ne me parait pas évident (comment pourrais-je savoir si le gain de couple vanté par honda est réel ?) il ne constitue en revanche pas un handicap à la conduite. On peut le considérer au pire comme un gadget amusant qui permet de "passer en vitesse lumière" lorsque le régime de transition est atteint, au mieux comme un moyen hypothétique de limiter une consommation par ailleurs conséquente.
Finalement, 500kms, c'est beaucoup pour se familiariser avec une machine aussi accessible, naturelle. La fin du rodage se fait de plus en plus pressante et heureusement, mes déplacements quotidiens contribuent grandement à grignoter jour après jour le compte à rebours fatidique. Lorsqu'on me demande si le VFR est fait pour les débutants, je réponds chaque fois "oui, tant qu'il est en rodage". Une partie cycle sure et saine, facile à prendre en main, et une puissance limitée par la volonté du pilote d'avoir un rodage bien fait en font une moto "raisonnable".
Le rodage terminé, j'ai continué à rouler doucement jusqu'à atteindre ma première révision, à 1000kms. Un jeu suspect dans la colonne de direction avait attiré mon attention, ce que je n'ai pas manqué de signaler au mécanicien chargé de l'entretien. Je laisse ma moto à l'atelier de japauto en toute confiance pour la récupérer le soir même, en prévision d'une arsouille dans le Vexin.
Autant je faisais tout à l'heure les louanges de l'équipe commerciale de cette concession, autant leur atelier est à l'origine du seul et unique vrai problème mécanique que j'ai eu avec ma moto. La révision des 1000 étant offerte par la concession, ils ont sans doute estimé que leur travail, étant gratuit, n'avait pas à être nécessairement de qualité. Au niveau de la colonne de direction, non seulement le mécanicien n'a pas daigné vérifier son serrage, mais il m'a reproché de ne rien y connaitre sous prétexte que "c'est comme ça, c'est les cotes d'usine". Pire: Suite à la vidange, il n'a pas revissé le bouchon à la clef dynamométrique. Résultat des courses, en pleine arsouille sur la route escarpée qui mène au chateau des Andelys, mon bouchon de vidange saute et l'huile moteur se répand sur la route, en plein virage. Grosse frayeur pour le pote qui me suit et attaque l'épingle à cheveux en bordure de ravin avec du lubrifiant plein ses pneus! Dépanneuse, retour au garage, check-up complet du moteur qui n'a pas heureusement souffert (je l'avais coupé avant que la pompe ne déjauge) le tout aux frais de la concession. J'aurais du exiger un échange complet du bloc moteur, juste pour le principe, mais je n'ai pas été assez virulent pour aller jusque là.
C'est donc le seul vrai pépin mécanique que j'ai eu avec cette moto, et même s'il est à imputer à la faute de l'atelier, quand ça vous arrive moins de trois semaines après avoir reçu une moto neuve, ça ne met pas en confiance. Je suis par conséquent retourné de suite chez un autre garagiste, l'un de ces petits ateliers crasseux tenu par un magicien de la clef de 12 à qui j'ai confié mes doutes quand au véhicule et notamment à la colonne de direction. Je suis tombé sur un vrai pro qui, avant de me répondre quoi que ce soit, a démarré la moto et déposé un vieux freinage des familles dans sa cour pavée. Bilan: "La colonne s'est désserrée, sans doute pendant le rodage. Ce n'est pas inquiétant en soi mais si on ne resserre pas ça tout de suite, vous allez bousiller les roulements de direction. Mais vous ne sortez pas de révision ? Le mécanicien aurait du voir ça tout de suite!"
Merci Japauto, pour votre terrifiante incompétence! Finalement, je n'avais pas une mauvaise moto, mais de mauvais garagistes !
Les choses rentrées dans l'ordre, on peut considérer qu'à partir de ce moment, je suis rentré dans le quotidien avec ma nouvelle machine. Un quotidien qui dure depuis deux ans et demi, mélange de trajets professionnels et de balades entre potes. Je demande chaque jour à ma moto de porter un nouveau costume, tantôt infatigable convoyeuse pour aller au travail, tantôt indomptable furie pour arsouiller les copains, tantôt paisible machine à voyager pour les sorties en couple. Si j'en avais les moyens, j'aurai choisi une moto pour chaque usage, mais finalement, suis-je vraiment déçu de cette moto à tout faire? Est-elle moins adaptée au quotidien qu'une basique et moins affutée qu'une sportive en arsouille?
MA MOTO AU QUOTIDIEN :
Mon VFR, c'est d'abord pour moi un moyen de transport. Ce n'est certes pas sa facette la plus excitante, mais 80% de la distance que j'ai parcourue à son guidon est au final composée de trajets banals, quotidiens, utilitaires. Inutile de préciser que cela correspond en revanche à moins de 10% du plaisir accumulé durant ces années. Les trajets quotidiens sont fades, rectilignes, encombrés et bien trop surveillés pour qu'on puisse ne serait-ce qu'imaginer s'offrir la moindre fantaisie. Pire, les trajets quotidiens sont... quotidiens. En ce sens qu'ils ont lieu tous les jours, quelle que soit la météo, les conditions de circulation ou l'humeur du jour. Dans ces conditions, lorsque je me prépare à faire 40kms de bouchons sous la flotte après un réveil grincheux, autant dire que ma machine n'a tout simplement pas intérêt à me faire chier sous peine de prendre de grands coups de godasse dans le carter !
Mis à part les quelques points stratégiques où il m'arrive parfois de décrasser un peu mes bandes de peur (Hmmm l'échangeur à la sortie de mordelles... Youpi le rond point du super U...) aller au travail se résume majoritairement à une demi heure de ligne droite désespérément régulière. Dans ces conditions, je n'exige de ma machine que trois choses :
- Démarrer tous les matins.
- M'emmener en sécurité de A à B.
- M'emmener confortablement de A à B.
Pour ce qui est du démarrage, et plus généralement de la fiabilité, je ne pourrai pas m'attarder longtemps sur le sujet. C'est bien simple, je n'ai jamais eu le moindre souci mécanique, électronique ou emmerdifique imputable à la machine. Il suffit de mettre de l'essence, changer les pièces d'usure quand nécessaire et aller aux révisions pour que cette moto ne s'arrête plus de rouler. La batterie, d'origine évidemment, ébroue chaque matin un moteur qui démarre au quart de pouillème de tour. Avant que je ne puisse lui offrir un garage, ma moto a passé un nombre incalculable de nuits à la belle étoile, sous la flotte et sous la neige, sans jamais me réprimander du moindre démarrage capricieux en retour.
... Non, j'embellis la vérité. A deux reprises, au cours des 912 jours passés ensemble, j'ai du actionner le démarreur une seconde fois après avoir relaché celui-ci trop tôt, sans que le moteur n'ai eut le temps de démarrer. Il faut dire que ma moto ma donné la mauvaise habitude de ne pas appuyer sur celui-ci plus d'une demi seconde en temps normal. A cette occasion, j'ai pu constater un comportement singulier par rapport à l'électronique de bord: mes démarrages ratés ayant tous deux eu pour effet de couper l'alimentation du tableau de bord suffisament longtemps pour réinitialiser l'horloge et les deux trip journaliers ! Sans autre conséquence toutefois que de m'obliger à remettre cette foutue horloge à l'heure.
Tant
qu'on en est au rayon des avaries, il faut également signaler qu'à
l'époque où j'ai travaillé chez Alcatel, j'ai du fréquement
changer les ampoules de mes phares. En effet, l'accès au parking en
sous-sol de la société en question se faisait par une rampe
recouverte de vibreurs.
Or, les ampoules (toutes les ampoules) supportent très mal les
vibrations. Et à l'arrière du VFR, celles-ci sont fixées
sur une partie souple du carénage qui amplifie les tremblements. Du
coup, il m'est arrivé de changer une même ampoule jusqu'à
deux fois dans le même mois, ce qui m'a également permis d'apprécier
la conception des trappes à ampoules. Aussi faciles d'accès
que le sommet de l'Everest pour une personne en fauteuil roulant. Je reviendrai
sur les aspects pratiques du véhicule un peu plus tard.
Ces mêmes vibrations ont également été à l'origine d'une panne de calorstat vers 15.000 kms, heureusement remplacé sous garantie dans un délai ridiculement court. Non pas que cette panne empêchait la moto de rouler, mais elle déréglait le circuit de refroidissement de la moto qui ne laissait plus son moteur monter en température. Résultat, impossible de dépasser les 70°c ce qui n'est pas idéal quand on sait qu'un moteur n'aime pas bien rouler longtemps à froid. Depuis que j'ai changé de lieu de travail, je n'ai plus aucun souci avec mes ampoules ni avec mon calorstat.
Enfin, pour clore le chapitre des trucs qui clochent, j'ai eu la désagréable surprise de découvrir, le premier matin d'hiver où j'ai démarré ma moto par une température bien froide (moins de 5°c), que dans ces conditions extrêmes et tant que le moteur n'avait pas atteind les 60°c le starter automatique a une facheuse tendance à faire s'emballer compte tour à la moindre sollicitation de la poignée de gaz. N'ayant pas pour habitude de laisser ma moto chauffer dans le parking (mes voisins m'en sont reconnaissants) je me suis fait une grosse frayeur en arrivant au premier feu rouge sans frein moteur, avec un moulin qui s'obstine à atteindre 4000trs/min et une moto qui pousse vers l'avant tant qu'on a pas pris la poignée d'embrayage. Une fois débrayé, ce n'est guère plus rassurant: Le moteur s'emballe à vide. Le seul moyen de calmer cet impétueux moulin consiste alors à prendre les freins tout en faisant patiner l'embrayage afin d'étouffer le moteur. J'ignore si ce phénomène se produit sur les autres véhicules à starter automatique (je n'en ai pas essayé d'autres dans ces conditions) mais je trouve cela néfaste et dangereux. D'une part parce que j'use inutilement mes freins et mon embrayage, d'autre part parce que j'ai l'habitude d'utiliser énormément mon frein moteur et que lorsque celui-ci me fait défaut je ne me considère pas en sécurité.
Ce phénomène continue de se produire systématiquement chaque fois que je démarre la moto par grand froid et que je ne lui laisse pas le temps de chauffer sur place. Un peu de patience résoudrait sans doute les choses, mais il faut avouer que lorsque j'utilise ma moto dans ces conditions, c'est pour aller au travail... Et je suis rarement en avance sur mon planning.
Je crois avoir fait là le bilan complet de tous les imprévus rencontrés avec cette moto : Une panne de calorstat (sur des vibreurs), huit ampoules (sur des vibreurs aussi), une horloge déréglée à deux reprises et un starter capricieux par grand froid. Avouez que c'est somme toute très raisonnable pour une moto de ce kilométrage. Si l'on ajoute à cela ma vidange sauvage à imputer au mécanicien et non au véhicule, et la colonne de direction également mal montée par le garagiste, on s'aperçoit que la presque totalité des ennuis que j'ai rencontré sont liés aux conditions exceptionnelles d'utilisation et d'entretien du véhicule. A ce titre, je n'oserai pas prétendre que le VFR manque de fiabilité. Vu le peu de temps que je passe à bichonner mon véhicule (je me contente tout au plus d'y remettre de l'essence quand c'est vide) j'estime avoir une chance incroyable de pouvoir prendre la route chaque matin sans me demander si j'arriverai ou non à bon port.
Maintenant, en ce qui concerne la sécurité, je n'ai pas non plus de vrai reproche à formuler. L'efficacité du combiné ABS/Dual-CBS, dont je ne suis pas un fervent admirateur en utilisation sportive, fait en revanche des miracles dans la circulation de tous les jours. Je n'hésite plus le moins du monde à poser d'énormes freinages d'urgence en mode lobotomie, même sous la pluie, lorsqu'un automobiliste taquin ou adorablement distrait décide de changer de file sans tenir compte de ma présence sur sa trajectoire.
Ce freinage puissant, dosable et remarquablement assisté par une électronique qui sait se faire oublier, associé à un chassis irréprochable en toutes circonstances, m'ont de nombreuses fois sorti de situations difficiles sans perte de contrôle, là où j'aurais à coup sûr transpiré plusieurs litres au guidon d'une moto moins bien équipée. L'hiver 2008-2009 au cours duquel j'ai pu profiter des joies du verglas sur les routes de la campagne bretonne n'a fait que renforcer ma confiance dans la stabilité de ce véhicule. Et lorsque la tempête fait rage sur les larges routes de bretagne, c'est sans appréhension que j'observe les voitures slalomer de droite et de gauche, poussées par les bourrasques, tandis que mon imperturbable monture file droit comme un i, comme guidée par le rail invisible de mon regard. Un pur régal.
Le confort en revanche était perfectible dès le départ, ce à quoi j'ai rapidement remédié. Si la position de conduite présente un compromis vraiment idéal pour moi entre maîtrise en confort, et notamment en fonction de mon gabarit, la selle d'origine par contre était trop en pente à mon goût. La pente réservée à ma passagère régulière n'étant guère plus enviable, et obligeant celle-ci à pousser sans cesse sur ses jambes pour ne pas glisser sur mon dos, j'ai opté pour une refonte complète de la selle chez un artisan sellier. Un supplément de mousse ajouté à l'arrière de ma demi-selle en guise de dosseret a servi à surélever l'avant de l'espace réservé au passager, créant ainsi deux places confortablement étagées et bien horizontales, pour le plus grand bonheur de nos séants respectifs.
Il m'a fallu quelques semaines pour habituer les muscles de mon postérieur à être plus étirés qu'à l'accoutumée, en raison du léger basculement du buste sur l'avant en comparaison d'une position roadster, suite à quoi je n'ai plus éprouvé aucune courbature, même à l'issue des plus longs trajets, tels que ce fameux Paris-Nice sans escale durant l'été 2006.
En déclinaison ABS, la précontrainte de l'amortisseur arrière est réglable en un tour de poignet, ce qui me permet d'être toujours en adéquation avec les conditions de circulation ou la fatigue, ainsi que la présence ou non d'un passager. Un vrai plus.
Le carénage m'apporte une protection satisfaisante car même mes grandes jambes s'inscrivent sans difficulté dans les courbes de la machine. Contrairement à mon ZR-7 sur lequel j'avais bien des misères à garder mes mains au chaud malgré une paire de poignées chauffantes, de simples gants de qualité me suffisent pour enchainer les kilomètres, même par des températures largement en dessous de 0°c. Même remarque pour le pantalon d'hiver qui ne me manque pas lorsque je le laisse au placard. Ce que je n'hésite pas à faire s'il fait plus de 0°c en raison du manque de souplesse qu'il m'impose.
La protection de la bulle d'origine me satisfait car je profite en fait de la pression du vent sur mon casque et mes épaules pour soulager mes poignets lors des longs trajets. Une bulle plus haute économiserait d'avantage les muscles de mon cou, mais accentuerait la fatigue dans mes bras. C'est une question de choix personnel au final, personnellement j'ai déjà un cou de taureau alors je préfère reposer mes petits biceps.
Les aspects pratiques, enfin, sont franchement à blâmer. Le "coffre" sous la selle n'est pas ridicule, il est tout simplement pitoyable. Une fois glissé un régulateur de vitesses de la taille d'une boite d'allumettes et un erzats de trousse à outils indigne d'un jeu de playmobils, inutile d'espérer faire rentrer autre chose dans cet espace exigü. C'est "trousse à outils OU antivol", "régulateur de vitesse OU carnet d'entretien". Étant allergique à l'esthétique du top-case et pas beaucoup plus fan de l'aérodynamisme des valises, j'ai opté pour le "tout souple" : une sacoche magnétique de réservoir et une paire de cavalières pour les gros voyages. Ces investissements supplémentaires font passer ma capacité de chargement de "rien du tout" à "autant qu'un goldwing" le temps de fixer quelques scratch, mais c'est regrettable que le minimum vital ne soit pas disponible de série. Un vide poche aurait aisément trouvé sa place dans le tête de fourche par exemple.
Quand à l'entretien courant, si plaquettes de frein avant sont relativement accessibles, il ne faut en revanche pas espérer changer soi-même les plaquettes arrières. Après avoir sérieusement forcé pour retirer les anciennes, je me suis rendu compte qu'il ne serait pas possible de poser les nouvelles plaquettes sans au préalable démonter complètement l'étrier (la faute à l'excentrique de tension de chaine qui bloque l'espace par lequel sont sensées se glisser les pièces neuves). Fermement décidé à ne pas m'avouer vaincu face à une opération aussi élémentaire, je me suis donc attaqué, tournevis à la main, au démontage du susdit matériel. Après avoir retiré un certain nombre de vis sans pour autant réussir à décrocher ce foutu machin, j'ai du me rendre à l'évidence: La tête de la vis principale retenant la pièce se trouve par un facécieux hasard bien à l'abri de l'autre côté du disque... Entre celui-ci et la jante. Conclusion: pour changer les plaquettes de frein arrière, il faut commencer par démonter la roue (!)
Un grand coup de chapeau donc aux ingénieurs qui ont imaginé un tel système. Les mots ne me suffisent pas pour décrire le degré d'inaccessibilité de cette plaquette à la con. Le mots ne suffiront pas non plus pour décrire l'hilarité de mon garagiste lorsqu'il me vit arriver chez lui à dos de dépanneuse car, freinage combiné oblige, l'indisponibilité de mon frein arrière rendait inutilisable l'ensemble du véhicule, réduisant à néant tous mes espoirs de déplacer mon véhicule par mes propres moyens (30 bornes à la poussette, très peu pour moi...)
- Mais mon petit monsieur, je suis mécanicien moi, pas champion du monde de puzzle !
S'exclama-t-il en voyant ma mine déconfite et le sachet remplit de vis que je tenais dans l'autre main. Depuis je laisse les plaquettes arrières à mon garagiste.
Je passe rapidement sur le calvaire que représente le simple fait de changer une ampoule, ce qui m'est arrivé à plusieurs reprises à ma grande époque Alcatel, vibreurs et Cie. Les seuls travaux dont on peut espérer se sortir honorablement et sans trop de peine sont en définitive la tension et le graissage de la chaîne, rendus agréablement commodes par une excentrique de bon aloi et une béquille centrale de série, ainsi que le réglage de la précontrainte d'amortisseur arrière, comme je l'ai évoqué plus tôt.
Au niveau des informations affichées, le tableau de bord est relativement complet et lisible, avec le seul regret qu'il faille choisir entre "thermomère moteur OU extérieur" et "trip total OU trips partiel 1 OU trip partiel 2" sachant de plus que les boutons ne sont pas vraiment faciles d'accès lorsque l'on roule (surtout avec une sacoche de réservoir). Je lui reproche également d'être hors de mon champ de vision lorsque je regarde la route. Sans doute cela est-il lié à ma position de conduite, à la hauteur de mon regard... Mais c'est dommage de devoir choisir entre la route OU le tableau de bord, alors que le régulateur de vitesse qui a trouvé sa place naturellement sous la bulle, est -lui- parfaitement dans mon champ de vision lorsque je roule.
Les rétros vibrent très peu et sont vraiment bien disposés, je ne vois pas souvent mes coudes dedans. Niveau éclairage, c'est versailles: double optique en code ET double optique en phares. Avec des ampoules de qualité, on se croirait en plein jour. Enfin, les commandes au guidon sont complètement standard, aucune surprise de ce côté.
En résumé, il s'agit d'une moto de consomotard. Idéale pour un public qui cherche à rouler en tout confort tout en laissant les tâches d'entretien aux spécialistes. Un peu frustrant en revanche pour celui qui aime bricoler. Une très mauvaise "première moto" somme toute pour celui qui espère s'initier aux joies de la mécanique et économiser quelques euros en faisant lui-même les entretiens.
Au quotidien enfin, la consommation oscille entre 5 et 6l/100kms, ce que je considère comme relativement-élevée-ma-brave-dame étant donné la souplesse de ma conduite et mes efforts constants pour ne pas monter inutilement en régime.
Le budget total à consacrer à cette moto est par conséquent assez élevé lorsqu'on tient compte, en plus, de l'assurance (qui n'est toutefois pas si excessive qu'on pourrait croire, car le VFR est considéré comme une moto routière par les compagnies d'assurance) et de l'entretien régulier, coûteux (30 minutes de main d'oeuvre supplémentaires minimum dès qu'il faut démonter le carénage). Concernant l'important budget d'entretien, celui-ci a l'avantage d'être parfaitement prévisible du jour de l'acquisition à celui où l'on se sépare de son VFR, tant cette moto ne réserve aucune mauvaise surprise, aucune panne coûteuse, du moment que son propriétaire lui accorde le strict minimum d'attention.
Après, quand on s'amuse à emmener soi-même la moto dans le décor, c'est une toute autre histoire...
EN BALADE :
Pourquoi ?
Pourquoi est-ce que toutes ces horloges digitales "à l'américaine", qui ne vont que de 0 à 12h (au lieu d'aller de 0 à 24h), pourquoi est-ce que ces sous-produits de la paresse intellectuelle outre-atlantique disais-je (c'est vrai que de compter jusqu'à 24 c'est plus fatiguant...), pourquoi est-ce que ces détestables clepsydres modernes, répétais-je, pourquoi diable ces foutus machins ne comptent-ils pas les heures de la même façons le matin que l'après midi ?
En quoi ces deux demi-journées ne sont-elles pas identiquement découpées en douze heures de durée égale ? Qu'est-ce qui justifie que la première heure du matin s'écoule entre 0h01 et 0h59 tandis que son homologue de l'après midi batifole joyeusement de 12h à 12h59 ? Pour quelle obscure raison politico-fiancière la transition nocturne du cadran s'effectue-t-elle de 11h59 vers 0h00 alors que ces mêmes cristaux liquides s'obstinent sept cent vingt minutes plus tard à afficher un nombre à deux chiffres jusqu'à ce que 12h59 arrive et que sonne enfin le glas de cette hérésie arithmétrique ?
Au nom de quelle force mystique ne se met-on pas tous d'accord une bonne fois pour toute sur le fait que la première demi journée commence par 0h01 ou 12h01, et se termine à 12h59 ou 0h59... Ou l'inverse ?
Parce que ce n'est pas tout ça mais, toutes les douze heures, c'est mon système de valeurs tout entier qui s'écroule! Imaginez ma perpétuelle désillusion, m'étant successivement fait à l'idée qu'il allait bientôt être 0h15 ou midi et quart, que de devoir -deux fois par jour- laisser s'effondrer cette certitude fraichement acquise pour faire place à un nouveau décompte, remettant en doute par là même les bases fondamentales de mon éducation scientifico-jésuite, qui stipulent pourtant clairement que l'on commence toujours à compter à partir de 0... Ou 1... Ou 0... Ou 1...
Et puis d'abord, pourquoi je parle de ça ? Est-ce parce que l'horloge de bord de mon VFR est incapable de compter jusqu'à 24, se faisant par là même la principale cause de ce désarroi ? Ou est-ce tout simplement une tentative pitoyable de diversion dans le but de vous faire oublier la dernière phrase du chapite précédent ? Dans cette seconde hypothèse, il va sans dire que je n'avais nullement l'intention d'éluder ce passage peu glorieux de mon histoire, n'empêche que j'aurais préféré que vous ne posiez pas la question...
Et bien oui, je l'ai fait! Je prétendrais volontiers que c'était fait exprès "pour voir", car j'ai offert à chacune de mes motos une sortie de piste en bonne et due forme, mais je suis d'autant plus lamentablement coupable de cet accident que je n'ai pas attendu trois semaines avant d'expédier ma moto neuve contre un mur. Mais alors, mis à part mon inaltérable incompétence au guidon, doit-on blâmer la puissance du véhicule ? La faiblesse du freinage ? La rigidité du chassis ? L'âge du capitaine ???
Nenni! Rien de tout cela.
J'ai déjà abordé l'aisance avec laquelle cette moto se laisse apprivoiser, sa facilité de prise en main quasi-instantanée qui représente pour moi l'un des plus gros atouts de ce véhicule, mais aussi un risque pour celui qui ne connait pas ses propres limites. S'il fallait tenir la moto pour responsable, je ne pourrai que lui reprocher de m'avoir offert une tenue de route tellement irréprochable, un tel niveau de confiance à son guidon -et cela dès les premiers tours de roues- que j'en ai oublié la sagesse la plus élémentaire : Même avec la meilleure moto du monde, on n'essaie pas de faire comme Rossi quand on ne sait pas conduire. Le virage de la minière et mon amour propre s'en souviendront pendant longtemps.
Grosso modo, ça a commencé par quelque chose comme "Avec un engin pareil, c'est sûr que ça passe" et ça s'est terminé par "Avec un pilote pareil, c'est sûr que ça passe pas". Ya pas de miracles, dans un double gauche qui se referme sérieusement sur la fin, il ne faut PAS essayer de rentrer 40km/h plus fort que le chrono officiel.
Lorsque j'ai compris que j'avais dramatiquement mal évalué la vitesse optimale pour entrer dans ce virage, j'ai accumulé en quelques fractions de seconde une série d'erreurs qu'un minimum de connaissances de ma machine m'aurait permis d'éviter : Dans le but de réduire ma vitesse tout en stabilisant la machine, j'ai actionné le frein arrière. Celui-ci étant couplé aux étriers avant au nom du sacro-saint "dual CBS", les disques antérieurs ont progressivement commencé à faire leur office, entrainant successivement l'inévitable transfert de masses, la compression de la fourche, le changement de géométrie de l'ensemble roulant et, par voie de conséquense, le redressement (bien que très léger) de la machine. Effrayé par ce comportement pour moi nouveau et inattendu, j'aurais très bien pu m'en sortir si j'avais eu le réflexe de contrer ce redressement et de coucher franchement la moto pour un passage en force sur les freins, dont je sais (avec quelques années d'expérience) le véhicule parfaitement capable. Seulement, tétanisé par la peur et le manque d'expérience, je n'ai rien trouvé à faire de plus intelligent que de saisir ce qui restait de frein à l'avant tout en laissant l'engin se redresser à son gré. Cette manoeuvre particulièrement malhabile ayant pour conséquence un magifique tout-droit-en-direction-du-mur, elle m'a toutefois permis de réduire significativement ma vitesse au point même que j'aurais pu, au dernier moment, obliquer de manière à éviter le choc. Mais constant dans l'effort et obstiné dans l'erreur, je me suis contenté de serrer des freins et des fesses en poursuivant ma trajectoire atrocement rectiligne jusqu'à l'inéluctable choc.
J'ai donc frotté le côté de la moto pendant quelques mètres contre un mur dont la rugosité suffirait à faire pâlir de jalousie une usine de spontex (côté vert), arrachant en vrac la pédale et la poignée de frein, le rétroviseur droit ainsi qu'un certain nombre d'autres appendices superflus et somme toute inutiles. Le carénage eut droit sa part de réjouissances, un observateur perspicace aurait en effet légitimement pu penser que ce dernier revenait d'une séance de luge sur une rape à fromage. Quelques 6000€ de plastiques et de pièces diverses, et la chance inouïe de ne pas avoir touché au cadre ni au moteur du fait de l'angle d'incidence et de la vitesse finale du choc, fortement réduite par ma séance de mucsulation du postérieur et des phalanges. Pour le pilote enfin, un bilan miraculeux puisque, protégé par le carénage et lové au creux des formes de ma machine, je n'ai eu à déplorer qu'une entorse du petit doigt qui ne m'a pas empêché de tapoter sur mon clavier plus de quelques jours et un trou dans le jean.
Si je devais tirer des conclusions de ce fâcheux moment, ce que n'importe quel accidenté congénital de mon acabit a le devoir de faire, ce serait que, abstraction faite de mon incompétence, mon VFR m'a surpris à trois aspects :
- Primo, le comportement de son combiné "dual-CBS". Autant je suis un fervent défenseur du système de freinage couplé étiqueté "CBS-tout-court" qui répartit la force de freinage du frein avant vers le frein arrière afin d'éviter à la machine de piquer du nez et partir en stoppie, ainsi que d'optimiser efficacement la répartition des forces appliquées à chaque roue et ainsi diminuer la distance de freinage. Autant je ne comprends pas l'utilité, surtout en utilisation sportive, de son complément intitulé "dual" qui consiste à actionner également le frein avant sur commande de la pédale arrière. Non seulement ce système induit un léger redressement de la machine lorsque le pilote tente d'utiliser le frein arrière en stabilisation, mais en plus il n'est pas débrayable! Autrement dit, impossible de ralentir sa machine sans passer par le frein avant. Je ne suis pas un inconditionnel de la marque allemande, mais il faut reconnaitre que BMW avec leur "freinage couplé sport" a très bien compris la nécessité de laisser au pilote le choix d'un frein arrière indépendant. Après quelques milliers de kilomètres, j'ai fini par apprivoiser cette spécificité en utilisant le frein moteur lorsque je ne souhaite "freiner que de l'arrière" et en apprenant à freiner proprement de l'avant, même sur l'angle, surtout sur l'angle, lorsque le besoin s'en fait sentir. Mais au final, j'ai le regret de constater que je n'utilise plus les deux commandes indépendamment: C'est soit les deux freins en même temps (je ne freine JAMAIS de l'avant tout seul) soit rien.
- Deuxième surprise à l'issue de cette mésaventure, c'est fou ce que ce carénage de rien du tout protège bien ! Mes jambes lovées au creux du cadre n'ont fait qu'effleurer un obstacle que la moto a pourtant franchement rapé. Mes mains, abritées derrière le tête de fourche, n'ont pas subi trop de dégats et une fois le véhicule couché sur ma jambe droite, ni ma cheville ni mon genou n'ont eu à souffrir d'être écrasé par la carcasse de métal. Je n'irai pas jusqu'à dire que si c'était à refaire... Mais il m'apparaît clairement que cette expérience m'aura permis de constater le bon niveau de protection offert par la conception du véhicule.
- Enfin, troisième constatation, "pfiouuuuuu, c'est fou ce que le plastique peut coûter cher !" Honnêtement, j'ai mal digéré d'en avoir pour presque 50% du prix du véhicule neuf rien qu'en carénage, alors qu'aucun organe vital de la moto n'était déterioré. Mais apparemment, c'est ainsi que ça fonctionne dans le milieu.
Je pense que cet accident m'a fait murir et comprendre quelque chose qu'on n'a pas toujours la maturité d'admettre lorsqu'on ne l'a pas vécu: quelle que soit son expérience, on n'apprivoise pas une moto en quelques jours. Suite à cela, j'ai pris le temps de (re)faire connaissance avec mon véhicule, jour après jour, kilomètre après kilomètre. Patiemment et surtout progressivement, j'ai découvert les réelles capacités de ce véhicule au cours de chaque nouvelle sortie entre potes ou même lors de mes trajets quotidiens, au cours desquels les réflexes et le véhicule sont parfois plus sollicités qu'au cours de n'importe quelle arsouille (Ouh, le camion qui me refuse la priorité ! Ouh, la plaque de verglas ! Ouh, la portière de voiture qui s'ouvre en plein milieu du périph' -vécu- !).
Je dois énormément aux membres du Moto Club des Potes en compagnie duquel j'ai énormément appris, non seulement sur ma moto mais aussi sur moi-même. Notre pélerinage annuel au lac des Settons par exemple, est à chaque édition un prétexte pour se provoquer, se charrier, se chambrer ... Et finalement rouler ensemble, s'entraider et apprendre les uns des autres. J'en serai cette année à ma troisième édition et je crois pouvoir dire que ceux qui m'ont accompagné au cours des deux dernières années témoigneront de l'évolution de ma pratique. Dans le bon sens j'espère.
Mais assez parlé de moi, après tout ne suis-je pas là pour donner un avis sur le VFR, sans cascade de pignons, merci, j'ai déjà pris du dessert ? Maintenant que mon niveau me permet modestement d'en mesurer les capacités tout en restant sur la route, je crois pouvoir dire que cette bécane est tout simplement fabuleuse d'efficacité.
Ne nous méprenons pas, il ne s'agit pas de l'une de ces motos de caractère, atypiques et inoubliables. Ni coup de pied au cul, ni hurlement rageur, ni couple camionesque. Le VFR fait dans la sobriété: Le feulement discret du moteur qu'atténue un couple de silencieux diablement efficaces (mes voisins m'en remercient toujours) ne se transforme guère qu'en franc ronflement lorsque l'admission variable entre en action. L'admission variable justement, ce fameux VTec tant décrié par les cétaitmieuxavantistes, fait son office en toute discrétion, octroyant à ce moulin constant dans l'effort un regain de puissance passé le cap des 6000tr/min. Un couple à bas régime qui n'est certes pas à la hauteur de ce qu'on est en droit d'attendre d'une vraie routière, mais qui n'a pas à rougir face aux sportives de cylindrée identique. Une fois dans la plage haute de régime, le compte-tour s'affole, le VFR nous propulse en hyperespace avec souplesse et linéarité.
C'est peut être justement cette discrétion qui fait pour moi tout le charme du VFR, ce petit "je n'ai l'air de rien" qui dissimule à la perfection une véritable bouffeuse de chronos. Tous les goûts sont dans la nature, je comprends très bien les motards qui se font plaisir avec un échappement pétaradesque, un kit d'admission et quelques chevaux supplémentaires, quel plaisir de posséder et conduire une machine d'exception qui impose le respect, même à l'arrêt. Mais que d'ennuis avec la maréchaussée pour quelques dB de plus!
"Je troque mon coup de pied au cul contre une accélération progressive, pour être le premier à remettre des gaz sur l'angle."
"J'échange mon échappement full-bordel contre un ronflement discrêt, pour ne pas alerter les bleus qui font leur pause clope à l'autre bout de la départementale."
Exit
les accrocs de la ligne droite, les mordus du dragster, passez votre chemin.
Le VFR se déguste en courbe, sur de longues courbes que son chassis
impeccable avale avec une facilité et une rigueur déconcertantes.
A quoi bon brûler de l'essence en rectiligne lorsque de toutes façons,
après guère plus de deux secondes d'adrénaline, la vitesse
atteinte est déjà largement sujette à retrait de permis
? A quoi bon être le premier dans le virage si c'est pour user ses plaquettes
et se prendre extérieur sur extérieur? Avec le VFR, j'ai découvert
le plaisir d'enrouler, d'aligner les kilomètres de départementale
sans toucher aux freins ni dépasser le 90... A ce petit jeu là,
il est redoutable !
Correctement chaussé, au hasard avec une monte bi-gomme de qualité,
on peut sans crainte le coucher jusqu'à frotter les cale-pieds (pourtant
placés relativement haut) et apprécier la stabilité
du chassis, la tenue de route, la précision de la direction. Sur les
enchainements rapides, il se révèle légèrement
plus pataud qu'une sportive 600 mais largement plus facile à balancer
que ses concurrentes routières-sportives. Il est d'ailleurs clair que
l'on s'éloigne nettement, année après année, du
compromis sport-GT pour une moto aux gènes résolument sportifs.
Avant, j'étais jeune, je déhanchais exagérément dans le seul but de faire frotter mes genoux et j'avais des bandes de peur aussi larges que mon égo. Maintenant je suis un adepte de la poireau-attitude : En roulant à la même vitesse, je penche deux fois plus et je m'emmerde quatre fois moins. Pour peu que la route soit sèche, le VFR se laisse emmener à la limite du pneu avant sans broncher. De la force centrifuge plein la tronche et un angle à se demander où est le haut et le bas... On est loin de la "moto chiante" qu'évoquait un jour mon garagiste pour m'inciter à acheter un CBR à la place.
Et pour ceux qui ne peuvent pas se résigner à enrouler et qui ont un besoin vital de watts sous les fesses et de G plein la nuque, qu'ils se rassurent, avec simplement la poignée dans le coin, le VFR lève du nez en seconde...
Mais parce que les balades ce n'est pas seulement l'arsouille mais aussi les petites routes de forêt partagées en couple au printemps, j'ai du faire changer la selle d'origine (trop en pente, mais je l'ai déjà dit ça... Suivez un peu que diable !) pour acueillir dignement ma passagère atitrée. Déçue de ne pouvoir, contrairement à l'époque de la selle-banquette du ZR-7, s'avachir approximativement sur moi pour faire la sieste, elle dût se résoudre à devenir un membre actif du pilotage, pour son plus grand bonheur. Des cale-pieds raisonnablement bas et une selle surélevée par mes soins lui épargnent la célèbrissime position du crapaud que partagent toutes les passagères de strapontins hypersportifs. Les larges poignées arrières lui permettent de se maintenir droite, la hanche et le genou formant respectivement un angle de 90° avec le buste et la cuisse, dans une position qui rappelle au deumeurant l'homo-sapien-sapien moyen assis sur n'importe quelle chaise ordinaire. Elle peut même, malgré ma grande taille, s'offrir le luxe de voir la route.
Quand les virages pointent le bout de leur nez et que madame est d'humeur, elle change de position en prévision de l'éventuelle prise d'angle. Le buste bascule vers l'avant et vient se coller au pilote dans la position dite du "sac à dos humain" les mains quittent les poignées arrières pour venir s'agripper à la taille de ce même pilote toujours transi de cet érotisme subtil. Les coudes et les genoux se resserrent afin que plus rien ne vienne troubler l'aérodynamisme de l'ensemble. "Quand Julie rentre les appendices aérodynamiques, c'est que le Vtec va bientôt se déclencher" a récemment commenté un frère de route. Dans ces conditions, le duo est délectable. Le chassis toujours aussi également rigoureux ne laisse deviner le poids du passager que dans l'inertie supplémentaire aux changements d'angle. Le phénomène "sac de sable" retire à la capacité d'accélération du véhicule ce qu'il lui fait gagner en stabilité. Le passager, légèrement surélevé par rapport au pilote en prend pour sa part de sensations.
L'apport de poids supplémentaire facilite également le frottage de cale-pieds...
En dehors de ces fanstastiques moments de communion pilote-passager, le bourrin moyen, approximativement assis le temps de se faire déposer à la gare, appréciera la protection contre les intempéries que lui fournissent le carénage et le pilote ainsi que le confort de sa position (une fois la selle revue et corrigée, j'insiste !). Le pilote, de son côté, se satisfera de la neutralité de son véhicule malgré les gesticulations intempestives de son demeuré de colis qui cherche tantôt ses billets de train dans son blouson, tantôt le levier pour ouvrir sa visière embuée par son ignorance crasse. Bref, à deux, ça le fait bien.
BILAN :
Afin de céder à cette mode caractéristique d'une société de consommation nourrie au fast-food, je vais tenter de résumer l'ensemble des informations abordées au cours de ce récit sous la forme d'un tableau facile à mâcher (et encore plus éliminer) qui vous épargnera la fastidieuse lecture de l'imposant texte qui le précède, lequel n'a pour unique but que de noyer les rares informations pertinentes du susdit tableau dans un long monologue dramatiquement dénué d'intérêt si ce n'est celui de procurer à son auteur l'autosatisfaction de croire que quiconque éprouvera un intérêt quelconque à le lire.
Pour ceux qui viennent de lire le texte en question, c'est bien dommage. Ils viennent, conformément à la croyance que leur impose leur contexte culturo-économique, de perdre leur temps. Pour les autres, c'est bien dommage aussi. Ils viennent à coup sûr de rater une occasion d'autosatisfaire l'auteur.
Puisqu'il faut classer les émotions par catégorie, classons. Puisqu'il faut trier les sentiments selon leur incidence, positive ou négative, sur l'opinion du lecteur, trions. Nonobstant ce prérequis tristement matérialiste, je vais essayer d'être objectif et de ne rien éluder de l'éclatante vérité des révélations que je m'apprête à faire (bien qu'elles n'en soient plus, vu que je les ai déjà révélées dans le -long- texte qui précède, pour ceux qui l'ont lu).
Au cours des derniers 50.000 kms au guidon de ce VFR, qu'est ce...
- La consommation. Je trouve le VFR gourmand. Certes 6l/100 c'est "raisonnable" pour n'importe quelle machine d'une centaine de chevaux, mais le principe du VTec n'est-il pas justement de faire en sorte que la consommation soit moindre que sur les autres motos n'ayant pas ce système ? A quoi sert-il alors, ce système d'injection variable si le VFR retourne aussi souvent à la pompe que les autres !
- Le freinage combiné à l'arrière. Vraiment efficace en utilisation quotidienne ou pour les freinages d'urgence, la combinaison "arrière vers avant" retire toutefois une certaine finesse de pilotage. A quoi cela sert-il d'avoir deux commandes de freins distinctes si les deux se comportent de la même manière, à savoir en actionnant tous les freins à la fois ?
- Le calorstat qui tombe en panne à cause des vibrations. Certes, les conditions d'utilisation du véhicule n'étaient pas nominales, mais j'ai ouï dire que je n'étais pas le seul à avoir rencontré ce type de panne. S'agirait-il là d'un défaut de conception ? Quoi qu'il en soit, depuis que la pièce a été changée, je n'ai plus jamais eu de soucis.
- La trousse à outils avec la pince qui se tord quand on s'en sert. Là, c'est franchement limite. Pour avoir essayé, par pure curiosité, de démonter quelques vis avec les outils fournis dans la trousse de secours, on peut dire que je sais à présent qu'il ne vaut mieux pas tomber en panne avec la trousse d'origine ! Un tournevis cassé au premier coup de poignet, une pince tordue avant même d'avoir pu désserrer le moindre écrou, on dirait que ces "outils" ont été découpés directement dans un bout de tôle. Il semble urgent à tout propriétaire de VFR d'investir dans un minimum de matériel de qualité pour parer à l'urgence.
- Le starter à froid. C'est pas normal. C'est pas normal qu'en dessous d'une certaine température le starter force mon moteur à s'emballer. C'est dangereux, dangereux, sans oublier dangereux, (ais-je dit dangereux ?) et ce n'est pas comme si j'avais le choix: Moto en hiver + trajet professionnel = je n'ai pas le loisir d'attendre 10 minutes que le moteur monte en température. Sans aller jusqu'à tirer dedans à froid, ce que je sais être mauvais pour le moteur, je ne vois pas en vertu de quoi je devrais cramer de l'essence à l'arrêt dans mon garage au nom d'un starter frileux et susceptible. D'autant plus qu'il s'agit là d'un simple asservissement électronique mal réglé.
- Les rangements. Ou plutôt devrais-je dire l'absence de rangements. Pas pratique, tout simplement.
- La selle d'origine, trop lisse, trop en pente, qui sacrifie au nom d'une esthétique discutable, le confort du pilote et surtout celui du passager. D'autant plus inqualifiable que la selle de remplacement est loin d'être moche.
Qui m'a plutôt vachement pas trop déplu ?
- Le remplacement du calorstat sous garantie. Rapidité, efficacité, le SAV honda m'a épaté, tout simplement.
- La facilité de prise en main du véhicule. Dès les premiers tours de roues, on se demande comment on faisait sans elle. Elle se mène d'un simple regard, d'une simple pensée, ses kilos superflus se laissent oublier une fois la machine en mouvement. C'est la moto qu'on a toujours rêvé d'avoir.
- Le confort en duo. Pour une sportive, c'est ce que j'ai trouvé de moins pire pour ma passagère. Oserais-je même dire qu'elle est tout à fait confortable ? Ce ne serait pas déconnant.
- L'efficacité discrète de l'ensemble. Le VFR ne fait pas dans l'esbrouffe, mais se contente d'être efficace, au quotidien comme en arsouille. L'arme idéale pour jouer à celui-qui-ne-sait-pas-ce-qu'il-fait-là juste avant de pourrir un groupe de sportives en pleine migration estivale.
Qui m'a plutôt vachement laissé indifférent malgré que ça a vachement déplu aux autres, ou pas ?
- Le Vtec. C'est nippon, ni mauvais. Je ne saurai pas dire si le gain de couple à bas régime annoncé par le constructeur est là, je n'ai pas noté non plus une consommation exceptionnellement basse. En revanche, l'ajout de ce système ne me pose pas de problème. Le regain de puissance est agréable passé la barre des 6000tr/min, on se plait à jouer avec cette moto à deux visages. Tantôt sage routière, tantôt redoutable sportive, selon le coeur que l'on met à essorer la poignée d'accélérateur.
- La cascade de pignons. On a beau dire que la chaine de distribution c'est de la merde, n'empêche que la mienne ne m'a toujours pas laissé tomber. Le moteur s'en trouvant allégé et plus compact, je ne vois pas de raison majeure de crier à l'hérésie. On verra dans 50.000 autres kilomètres si mon opinion persiste.
Qui m'a tellement légèrement contrarié au point qu'il est indécent d'en parler sérieusement ?
- Le reset des compteurs quand le démarreur plante. Les boules: Il a fallu remettre l'horloge à l'heure et me fier à la jauge à essence pour le passage à la pompe suivant.
- Le fait qu'on ne puisse afficher qu'un seul thermomètre à la fois. C'est vrai quoi, en hiver j'aime bien savoir à la fois si le moteur est chaud et de combien de degrés en dessous de zéro je me les gèle.
Que je dirais si je devais inciter quelqu'un à acheter la même moto que moi ?
- Déjà, c'est la même moto que moi, c'est pas la classe ça ? Qui ne voudrait pas me ressembler et avoir la même moto que moi, je pose la question ?
- Le chassis de l'engin, délectable. la légende VFR c'est peut être tout simplement ce cadre sublime, ce monobras massif, cet ensemble roulant superbe de rigidité qui confère à la machine une tenue de route sans égal. Chaque prise d'angle est prétexte au frisson, en toute sécurité.
- Son caractère d'increvable bouffeuse de kilomètres. Toujours prête à tailler la route, par tout temps, de jour comme de nuit. C'est un allié fidèle sur lequel on peut toujours compter.
Ben
alors quoi ? C'est pas si synthétique que ça finalement ? J'ai
digressé ? Qui a dit "graissé" ?
Ha ha, je t'ai bien eu, lecteur. Finalement tu as quand même du t'en
bouffer des longues phrases sans point ni virgule qu'il ne vaut mieux pas
lire à voix haute sous peine d'en perdre son souffle. Non mais qu'est-ce
que tu croyais ? Que j'allais vraiment clore mon article par une synthèse
de texte d'une sobriété académique ? Que j'allais offrir
à l'internaute paresseux que tu es une opportunité de te rincer
l'oeil sur cinquante mille kilomètres de complicité en parcourant
simplement un tableau de quelques lignes, tristement découpé
en deux colonnes "plus" et "moins" ?
Mais c'est que partager tout cela, ça se mérite ! Je ne me suis
pas tapé tous ces kilomètres et toutes ces hectolignes de texte
pour livrer mon vécu en quelques schémas à la mode. Non
mais oh, et puis quoi encore.
Et puis d'abord, si on ne va pas au fond des choses, qu'on essaie pas de les partager à fond, à quoi ça rime d'appeler ça une "passion" ?
A bientôt les Potes.
@ + Averell
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