Coin des potes - 2007

Les innénarrables aventures en Guyane de Nicolas et Julie aka les improbables aventuriers de l'extrême

Salut à tous,

Comme chaque année ( oui, je sais, ce n'est que la deuxième fois qu'on le fait ! Mais il n'empêche que pour l'instant on l'a fait toutes les années... De quoi je parle ? Ben attendez la fin de ma phrase avant de poser des question idiotes ! ) comme chaque année, disais-je donc avant de me couper moi même la parole avec grossièreté, Julie et moi allons vous faire partager le récit sans intérêt de nos vacances de jeune couple dynamique.

Après notre époustouflant roman : " Un week-end à Berck Plage ", après le suspense insoutenable de notre chef d'oeuve " Une nuit au camping de Melun ", après avoir eu des frisson en lisant " Sept jours dans le Gers ", apprêtez vous à vous laisser transporter par l'exotisme de notre nouveau voyage aux frontières du monde connu. Notre destination cette année aura été motivée par un noble sentiment : celui de retrouver les siens. Le fameux rapprochement famillial que condamne tant notre politique d'émigration ( ou d'immigration, ça dépend du sens dans lequel on regarde le type avancer ). C'est donc en Guyane Française ( mais pas tant que ça ) que je suis allé retrouver mes aïeux, eux-même partis habiter ces contrées sauvages un an plus tôt.

Vendredi :

Afin de briser céant l'insoutenable attente et la tension palpable que je sens en vous, j'en viens directement à l'essentiel : Le voyage s'est bien passé, je n'ai pas été malade dans l'avion... Nous voici donc à l'issue d'un voyage de pas moins de 9h ( ajoutez bien sûr à cela les traditionnelles 2h d'enregistrement, plus l'incontournable heure de retard, ainsi que la sempiternelle heure pour récupérer ses bagages ) sur le sol Guyanais. Plus précisément dans la voiture de mes parents, en direction de Kourou où une amie nous accueille pour la nuit.

Une petite précision géographique s'impose dès à présent. L'unique aéro(port/drôme) de Guyane se trouve à Cayenne, chef lieu du département. Or mes parents résident à Saint-Laurent du Maroni, troisième ville (bourgade) en importance, située à l'exacte opposée du territoire. Une unique route relie ces deux villes : la " Nationale 1 " qui se trouve également être la seule route digne de ce nom de toute la Guyane. Le long de cette voie côtière partiellement épargnée par les éléments s'égrennent les seules zones civilisées du département, les 95% de surface restante étant constitués de foret tropicale dense et de villages peuplés ( celui qui a dit " village people " sort ! ) peuplés de sauvages qui ne savent même pas ce qu'est un Big Mac ou une connexion ADSL ! Parcourir les 350kms de cette nationale dans le but de relier Cayenne à Saint Laurent prend environ 3h, ponts à circulation alternée compris... si l'on s'y prend le jour. De nuit, par contre, il faut ralentir l'allure faute de renverser les cyclistes qui errent, nombreux et sans éclairage, au milieu des voies. Les Bushi-Nengee ( " noirs marrons " pour les profanes ) dont la peau se fond parfaitement dans le noir de la nuit ont en effet pour superstition de ne jamais allumer de lumière après le coucher du soleil pour ne pas attirer les mauvais esprits ( et sans doute aussi les moustiques ). " A moins qu'ils ne roulent en souriant... " me faisait humoristiquement remarquer un autochtone ( eu égard à la blancheur éblouissante de leur dents ) " ...aucune chance de détecter un noir habillé en noir quand il fait noir ! ".

Ces éléments précisés, vous allez à présent comprendre pourquoi nous n'avons pas de suite rejoint Saint Laurent et nous avons préféré passer la nuit chez une amie à Kourou ( à 70kms " seulement " de Cayenne ). En effet, la première " activité " que mes parents avaient planifiée dès le lendemain de notre arrivée avait lieu à proximité de Cayenne. Il eut donc été dangereux et inutile de faire le trajet énoncé plus haut le soir de notre arrivée pour y revenir le lendemain matin.

Le décor est placé, nous pouvons à présent entrer dans le vif du sujet.

Samedi :

Le soleil se lève sur Kourou après notre première nuit et... PUTAIN, MAIS IL EST 6h DU MAT, T'ES COMPLÊTEMENT MALADE OU QUOI, LE SOLEIL ???!!! Bon au moins comme ça, on ne sentira pas trop le décalage horaire : car au même instant 11h du matin sonne en france, à peine l'heure de se tirer de sous la couette! Le soleil se lève donc sur un spectacle d'horreur : notre hôte découvre un terrrrrrible dragon assoiffé de sang et crachant des flammes dans son jardin. Ce dernier avait établit sa tanière au pied d'un chêne gigantesque et centenaire. Les mauvaises langues vous diront qu'il s'agissait d'un petit iguane agonisant au pied d'un jeune citronnier mais qu'importe la vérité, seul compte mon indéfectible courage lorsqu'il a fallu affronter l'immonde bête. Muni d'une machette flambant neuve ( le prix était encore dessus ), je me prépare à faire un véritable carnage. Et je ne pensais pas si bien dire... Ma " frappe chirurgicale " destinée à sectionner proprement et sans douleur la tête de l'animal pour lui apporter le repos éternel n'aura pas eu l'effet escompté et cela malgré toute ma vigueur et ma détermination... " On ne vous avait pas dit que les machettes ne sont jamais vendues aiguisées ? " glisse mon père à la propriétaire de l'arme de fortune que j'étais en train de brandir avec conviction. C'est en effet avec une lame aussi affutée qu'une batte de base ball que j'assène mon redoutable coup à l'animal dont la tête reposait sur une terre meuble.

Copyright © Nicolas Leroux
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L'aventurier...
...Prêt à en découdre avec la bête

Le résultat fut sans équivoque : c'est la tête proprement enfoncée dans le sol du jardin, tel une autruche effarouchée, que le reptile s'est mis à frénétiquement agiter ses pattes de douleur. Constatant qu'au lieu de mettre fin à la vie de l'animal je n'avais fait qu'accentuer son tourment, j'ai peut être perdu mon sang froid...

...Quelques minutes plus tard, après avoir labouré un bon mètre carré de jardin à coup de machette et réduit le crâne de l'animal à l'épaisseur d'une crêpe banane-chocolat ( sans pour autant lui avoir infligé la moindre coupure ! David Copperfield en aurait été vert de jalousie ), je me décide enfin à prendre appui sur un support ferme pour mettre un terme à cette scène déplaisante. Je repose l'animal contre le tronc de l'arbre et lève à nouveau mon arme. Mais tandis que le coup s'abat, l'animal à glisse à nouveau au sol et la machette heurte le bois tendre et fragile de l'arbre... Sans parvenir à l'entamer. Décidément !!!
Deuxième essai... Victoire ! Dans une gerbe de sang épais éclaboussant tout mon avant bras ainsi qu'une partie de mon ticheurte, le cuir de l'animal cède enfin sous mes coups et son crâne daigne finalement se détacher de son corps. C'est avec le sentiment d'avoir agi avec justesse et d'avoir apporté une mort digne à l'animal souffrant ( pour autant que de la bouillie d'iguane puisse avoir de la dignité... ) que je me dirige vers la table de notre hôte pour un petit déjeuner copieux et bien mérité.

Quelques instants plus tard, nous voilà déjà sur la route de l'aventure : nous mettons cap sur le " camp canopée " pour la suite de nos activités. Deux heures de voiture et nous voilà arrivés au " dégrad Saramaca ", point de départ de la pirogue chargée de nous mener à destination. Nous regardons patiemment les jeunes Bushi Nengee charger la pirogue sans affolement, avec l'énergie et l'enthousiasme d'un employé à la sous préfecture. Nous profitons de ce ( long ) moment de calme pour faire connaissance avec notre guide, Lionel, un métropolitain reconverti en Indiana Jones. Ancien ouvrier de " travaux en altitude  " ( un genre de maçon pour gratte-ciels  ), il a travaillé quelques temps au centre spatial de Kourou pour mettre assez d'argent de côté afin de réaliser son rêve : construire un camp touristique en foret ! Après quelques années, il aura finalement réussi à bâtir le camp que nous découvrons à l'issue de deux heures de pirogue. Pourquoi " camp canopée " ? Et bien " canopée " est le nom de la couche supérieure de la forêt formée par le sommet des arbres, un écosystème à part entière... Que l'on peut observer depuis la plate forme d'observation située à 36m de haut (un immeuble de 12 étages) en marge du camp. Âmes sensibles au vertige s'abstenir...

Copyright © Nicolas Leroux
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Les préparatifs
A bord de la pirogue

Nous mettons donc pied dans une clairière creusée par la main de l'homme au coeur de la foret amazonienne. A cet endroit, deux grands cabrbet nous accueillent le temps de notre séjour ( un carbet est un arbi constitué de quatre poteaux et d'un toit de palmier tressé ). L'un est construit sur pilotis et son plancher trône à deux mètres du sol, il nous servira de cuisine et de salle à manger. L'autre carbet installé en guise de dortoir est bien plus original puisqu'il est construit dans un arbre à 11 mètres du sol. On y accède par un escalier aussi raide qu'instable et bien entendu magnifiquement ajouré. En effet, à mesure que l'on s'élève le long de ses marches branlantes on distingue parfaitement au travers de celles-ci le sol qui s'éloigne inlassablement.
Pour ma part, ce n'est un secret pour personne, je souffre de vertige... Le genre de vertige qu'à la simple idée de monter sur un tabouret j'en ai la nausée. Alors monter faire le zinzin à 11m du sol, non merci ! En tout cas pas sans un petit remontant ( monter... remontant... jeu de mots ! ) Ça tombe bien, le rhum arrangé du patron nous attend sur la table en guise de bienvenue, de quoi se donner du courage !

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Le carbet cuisine et salle à manger
Le carbet couchage
   
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La douche...
Vue depuis le carbet couchage
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Le remontant

On commence le séjour par une promenade en forêt très instructive : Lou ( l'aide de camp brésilien ) et Thomas ( un ami de Lionel venu en renfort ) nous font découvrir les arbres et la foret. Quelques heures de marche et une petite escapade en canoë complètent la journée. Un bon diner et il est déjà temps d'aller se coucher. Un petit verre de rhum pour se donner des forces et à moi les 11 mètres d'escalier de bois. On se glisse confortablement dans nos hamacs devant un panorama surnaturel pour passer une nuit douce et magique, perdus quelque part entre le ciel et la terre, à des centaines de kilomètres du bruit de la ville.

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Un petit tour de pirogue
Et au lit

Un détail amusant : Pour des raisons de comodité, les toilettes étaient aménagées dans le carbet couchage, c'est à dire à 11m du sol. Résultat, une fois assis sur le trône, on se retrouve face à la foret, à hauteur des fleurs et des oiseaux (les toilettes n'étant pas cloisonnées, un simple filet nous séparait du vide) Je peux dire que c'étaient les chiottes avec la plus belle vue du monde.

Dimanche :

Le lendemain, on passe aux choses sérieuses : tyrolienne et grimpette. La tyrolienne servait à nous emmener du carbet-couchage au pied de la plate forme d'observation sans fatigue. Vvvvvvvvvvvvvvhhhhhhhhhhhhhh. Lionel ouvre le ballet en prenant bien soin d'épater ses touristes à l'aide d'une traversée décontractée, accroché à la poulie par une seule main. Amusant. Aussi amusant que de le voir se promener en foret pieds nus, nous comprendrons bien plus tard que cette attitude frise l'inconscience, lorsque nous découvrirons les dangers de la foret. Après l'épisode tyrolienne, nous voilà donc au pied de la fameuse plate forme, attraction principale du site. Et là c'est tout autre chose : Un arbre GIGANTESQUE d'où pendent six cordes... " C'est là haut ". Equipés de baudriers et de poignées sans retour, on s'attèle à l'ascension des 32m de corde pour rejoindre un minuscule carré de bois au dessus de la mer de végétation prétentieusement dénommé " plate-forme d'observation ". Pour ma part, le vertige aura été le grand vainqueur de la journée puisque je n'ai pas pu terminer cette ascension. Julie, elle, aura le privilège d'admirer le paysage de ces hauteurs vertigineuses. Il parait que là haut, quand le vent souffle, on se balance de plusieurs mètres... Finalement j'ai bien fait de rester bien en bas ! Encore une journée bien chargée en tout cas.

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Tyrolienne
Ascension de l'arbre géant
   
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La canopée vue du dessus
Amis du vertige, bonsoir

A peine le temps de dire adieu au camp canopée et déjà nous reprenons la route après avoir récupéré nos sacs à Kourou, chez les amis qui nous avaient accueillis à notre arrivée. Cette fois, nous prenons pour de bon la direction de St Laurent du Maroni, pour établir nos quartiers chez mes parents. Après une longue route de nuit, nous arrivons finalement très tard, il est l'heure de se coucher, non sans avoir dit bonne nuit à la locataire qui s'était installée en notre absence...

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Rencontre du troisième type
N'est-elle pas charmante ?

Lundi :

Le troisième jour, on se repose un peu pour changer. Mes parents habitent juste à côté d'une piscine dont nous profitons avec grand bonheur. Entre deux siestes, on fait un somme... C'est aussi une façon de s'imprégner de l'ambiance qui règne ici, on a beau être en france, c'est dépaysant. Enfin, nous partons le soir venu à la rencontre de nouvelles merveilles comme il n'en existe que dans ces pays : Sur la plage de yalimapo, site de ponte des tortues luth, nous assistons au spectacle inoubliable de la ponte puis de l'éclosion de ces tortues marines géantes. Oui oui, le même soir, ponte ET éclosion. En fait nous étions venus au moment idéal : La période de ponte durant plusieurs semaines, les premiers oeufs commencent à éclore alors que les dernières tortues viennent pondre, nous avons donc eu la chance d'assister à ces deux spectacles émouvants le même soir. Des instants qui se passent de mots.

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Une tortue Luth
Elle creuse notre tortue !
C'est un beau bestiau
     
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Nous la voyons enfin repartir à la mer
L'éclosion des bébés
Voilà au moins un rescapé

La suite de notre séjour n'aura été qu'un enchainement de cela : découvertes incroyables et expéditions en foret et en pirogue. La guyane, ce n'est pas une destination tourisme pour les accrocs du club med' : L'eau est marron et les plages ont des allures de déchetterie, la foret est hostile et la pauvreté est partout. Mais pour qui souhaite découvrir la nature et poser le regard sur des spectacles hors du commun, il y a vraiment de quoi faire !

Mardi :

Réveil matinal et petite promenade en foret, sans guide cette fois, le " petit parcours " de 1.5kms qui serpente dans la foret communale de St Jean, non loin de St Laurent, offre une promenade relativement sûre. Nous marchons à bonne allure accompagnés de mes parents, et cet endroit nous parait si agréable que nous décidons d'y revenir par la suite seuls avec Julie pour faire le grand parcours de 8.5kms.

L'après midi, visite du bagne. Séquence culturelle obligatoire, surtout pour des jeunes comme nous qui ignorions purement et simplement l'existence d'une telle aberration au pays des droits de l'homme. La visite terminé, nous flânons quelques temps en ville avant de rentrer à pied à notre logis, l'occasion de se baigner dans l'ambiance de la ville et de ses habitants. Nonchalance, sourires, on a du mal à croire que l'on est dans une ville qui crève les plafonds en terme de statistiques d'insécurité.

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Le bagne, ses joyeuses chambres collectives...
...Tout confort !

Nous terminons la journée en faisant connaissance avec les amis que mes parents ont invité à diner. Une soirée très sympathique et gaie.

Mercredi :

Cinquième jour, après un rapide tour sur le marché communal très coloré aux étals regorgeant de fruits aussi appétissants qu'inconnus, nous prenons le 4x4 pour rejoindre l'auberge des chutes voltaire. Il s'agit d'un gite au coeur de la forêt, situé à l'extremité d'une piste de 70kms à peine praticable. Un havre de paix perdu entre les arbres et relié par un sentier pédestre de 3.5kms ( deux heures de marche ) à l'un des sites naturels les plus beaux de guyane : Les chutes voltaire. Pas moins de 3h sont nécessaires pour parcourir les 70kms, enfin en théorie...

Car après avoir pique-niqué au bord d'une crique située au kilomètre 25, je propose à mes parents de prendre le volant pour faire étalage de mes dons incomparables de pilote de rallye. Il m'aura fallu pas moins de 10kms pour déposer proprement le 4x4 dans un trou de boue.

Un petit coup de marche arrière... Ah non, ça ne bouge pas !

Un petit coup de marche avant... Tiens, ça ne bouge pas non plus !

Bon ben on est coincés.

On sort le treuil ? Pas de treuil !

Au boulot alors : plaques de désensablement et pelle ? Ah on en a pas non plus !

Nous voilà donc coincés au kilomètre 35 d'une piste de 70 bornes, c'est à dire en plein milieu. Premier réflexe, le portable... Ah ah ah ah ah, déjà qu'en ville on ne capte que d'alle, alors à 30 bornes de l'antenne la plus proche, pensez vous... Bon ben c'est pas grave, quelqu'un finira bien par passer ! ...Fréquentation statistique de la piste : deux voitures par semaine. Bon alors on est la première, la deuxième ne devrait donc pas tarder... D'ici sept jours quoi.
On va devoir faire autrement. Dans le coffre, une machette ( aiguisée celle là ) et... ...et c'est tout. Alors on est partis couper des branches pour caler sous les roues, et puis on a creusé la boue avec nos mains, et puis on a coupé des branches, et puis on a creusé la boue... Le petit manège a duré une heure. Entre midi et 13h pour être précis.

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La piste est de plus en plus impraticable
Certaines voiture n'en sont pas sorties
     
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Ça y est, nous sommes coincés !
On coupe des branches
Et on creuse la boue

Ah oui, juste un détail. En métropole ( allez savoir pourquoi ! ) on vit avec deux heures d'avance sur le soleil : quand il est 14h, le soleil est au plus haut. Là bas non. Le soleil se lève à 6h du mat, se couche à 18h et il est au plus fort à midi. Tout ça pour dire qu'on a eu chaud, au sens propre... En plein soleil, la boue était devenue brûlante à mesure que nous pataugions gaiement dedans. Une boue rouge et liquide, qui sèche et durcit en quelques secondes ( idéale pour épiler les poils les plus rebels ). La sueur salée coulait dans nos yeux que nous ne pouvions pas essuyer avec nos mains embourbées. On a eu beau prendre la situation avec calme et humour, ça n'en aura pas moins été une rude épreuve de résistance et d'endurance, une épreuve que nous finirons par remporter en poussant des cris de joie lorsque les deux tonnes de métal finiront par s'arracher du bourbier à la force des roues. Notre soulagement atteindra son paroxysme lorsqu'une fois arrivés à l'auberge des chutes, nous nous jetterons dans la rivière qui coule au fond du domaine sans même avoir pris la peine de nous déshabiller !

Une fois lavés et changés, nous nous posons enfin à la table de nos hôtes pour profiter d'un repas mérité et d'un planteur des plus réconfortant !

L'auberge des chutes voltaire, tenue par Wilhelm et Eva ( qui sont frère et soeur ) était, lorsque leurs propres parents l'ont ouverte, un lieu touristique très fréquenté en raison de la beauté incomparable du site et de l'état impeccable de la piste y menant. Dix années plus tard et sont unique accès laissé à l'abandon par le gouvernement, ce lieu magique fait plus penser à un refuge inaccessible pour ermites. Wilhelm nous parle avec nostalgie du temps où il fallait une heure et demi pour rejoindre son auberge à bord d'une simple 205. Aujourd'hui c'est trois heures de 4x4... Et pas n'importe quel 4x4 ! Les promène-couillons pour citadins en manque d'évasion peuvent rester au garage : faute d'avoir au moins un land cruiser ou un patrol, les chances d'arriver à destination sont minces... Cela explique que nous soyons les seuls clients et qu'il est râre de voir plus d'une table dressée dans l'immense carbet restaurant destiné à accueillir les touristes. Le site est pourtant tout confort : électricité produite par panneaux solaires, eau courante captée en amont de la rivière. Trois véritables studios de quatre lits pour ceux qui souhaitent retrouver le confort occidental, et bien entendu le fameux carbet-hamac que julie et moi préfèrerons pour passer les deux nuits de notre séjour au grand air. La nourriture que nous sert Eva est tout ce qu'il y a de plus authentique : légumes du jardin, gibier chassé par Wilhelm, poisson pêché dans la rivière... Une vie en véritable harmonie avec la nature ! Nos hôtes sont de vrais solitaires, à force de vivre seuls, loin de tout, ils ont ce côté sauvage dans leur façon d'aborder les gens ( ou plutôt de ne pas les aborder ) nous nous sentons de trop les premiers instants, et ce n'est que le deuxième jour que nous pourrons établir un véritable échange avec ces personnes au deumeurant charmantes.

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Les chambres sont tout confort
Mais on préfère le carbet Hamac

Chez eux pas d'esbrouffe, pas de frime. Ils ne marchent pas pied nus en foret, ne font pas de démonstration pour épater les touristes, et cela les rend encore plus fascinants. Lorsque Wilhelm nous raconte ses récentes chasses, on a l'impression de vivre avec lui les heures à l'affut, sur les traces du félin. Julie et moi nous imaginons déjà passer le reste de notre vie dans cet endroit si paisible où le labeur de chaque jour suffit à remplir son assiette. " A condition de réparer la piste " précise Julie, " Si les touristes revenaient ici, je me plairait bien à travailler dans cette auberge, à rencontrer de nouveaux voyageurs chaque jour... Mais je ne supporterai pas de rester des semaines sans voir personne " confie-t-elle à Eva.

Notre première nuit sur place se passera une fois de plus à merveille. Lorsque l'on sait s'y placer correctement, le hamac se révèle incroyablement plus confortable que n'importe quel lit. Depuis cinq jours que nous sommes en Guyane, nous aurons plus souvent dormi dans un hamac que dans un lit, et cela nous satisfait pleinement. Une bonne nuit de sommeil s'avère de surcroit bien nécessaire pour préparer la marche du lendemain.

Jeudi :

Nous nous levons au matin du sixième jour avec le soleil. Le chant des oiseaux et le frémissement de la rivière à quelques dizaines de mètres nous rappelle avec bonheur où nous sommes. Un bon petit déjeuner et nous nous mettons en route pour les chutes Voltaire, véritable raison de notre venue. Situées à quelques kilomètres de l'auberge, on les rejoint en marchant le long d'un layon au travers la forêt. Comme à chacune de nos marches en forêt, nous faisons des haltes tous les cent mètres pour nous émerveiller d'une plante ou d'un animal. Ici des traces d'agouti, un rongeur délicieux en ragout. Là une colonie de fourmis eciton.

Après deux heures et demi et marche, de " Ohhhhh ! ", de " Regardez ici ! " et de " Comme c'est beau ! " le paradis terrestre apparait enfin à nos yeux. Un trou dans la forêt, une plage et des chutes d'eau... D'eau claire et pure ! Le temps s'est arrêté durant les quelques heures où nous nous sommes baignés, insouciants, dans ces eaux arrachées au paradis. Un bon casse dalle pour se remplir la panse et déjà il est temps de se remettre en route pour la réalité.

Copyright © Nicolas Leroux
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Le chemin n'est pas toujours très praticable
Mais le spectacle offert à l'arrivée en vaut la peine
Nous sommes en bas des chutes
     
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On pique nique les pieds dans l'eau
Nous voici à présent en haut des chutes côté amont
Côté aval

De retour à l'auberge, nous arrivons à convaincre Wilhelm et Eva de nous tenir compagnie au diner, ce sera bien plus sympathique que de les voir nous observer depuis la cuisine en attendant qu'on ait fini pour nous débarrasser. C'est ainsi que nous nous retrouvons tous les six à table : mes parents, julie, moi et nos hôtes autour d'une succulente terrine de Hocco à la confiture d'oignon, suivie d'un ragout de maïpouri et pour terminer des crêpes au chocolat ! Après le dessert, l'ambiance est tellement détendue que Wilhelm nous propose à tous une partie de trivial pursuit. Persuadé de remporter haut la main la partie s'il fait équipe avec mon père, ma mère se retrouve sans partenaire et choisit à son tour de faire équipe avec son fils, Julie et Eva forment le dernier duo faute d'avoir le choix. Et ce sera finalement cette dernière équipe qui remportera haut la main la partie.

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Des moments inoubliables

Vendredi :

Le soleil se lève pour la septième fois depuis que nous sommes arrivés et cette semaine nous aura semblé un battement de cil. Nous reprenons le 4x4 pour retourner à la civilisation. Mon père me fera confiance pour le retour malgré nos déboires de l'aller. Une confiance qui m'a fait beaucoup de bien et dont j'avais besoin pour exorciser l'échec de l'avant-veille. Le retour se passera sans encombre, et même confortablement pour mes passagers qui furent agréablement surpris de la douceur avec laquelle j'ai négocié ces 70kms de trous et de bosses. Un bon déjeuner et une sieste pour les nanas. Mon père était retourné à son travail. J'en profite pour passer la voiture au Kärcher. Un petit tour en ville pour s'acheter le hamac de mes rêves et c'est déjà le soir, nous avions prévu de retourner voir les tortues après un bon resto mais notre emploi du temps en décidera autrement et nous passerons finalement toute la soirée au restaurant en compagnie de Sylvain, le maître des lieux. Celui-ci nous accueille Julie et moi comme si nous étions de vieux amis qu'il n'avait pas vu depuis des lustres ! Ce personnage incroyablement sympathique et plein d'énergie connaissait bien mes parents en tant que clients, certes, mais cela n'explique pas son attitude. La vraie raison c'est peut être tout simplement qu'il se comporte de cette manière avec tout le monde ! Quel bonheur d'arriver dans son restaurant et de se sentir accueillis comme si nous étions de sa famille, un sourire aussi chaleureux que sincère aussitôt suivi d'une bise sur chaque joue pour Julie. Je fais semblant d'être jaloux et aussitôt j'ai à mon tour droit à la bise. Et pourtant, cela ne fait que trois secondes que nous nous sommes rencontrés. Sylvain était ce soir là très occupé par les préparatifs de la grande fête communale qui avait lieu la semaine suivante, et nous n'avons pas eu le loisir de profiter de sa présence pendant tout le repas car entre deux plats... Il allait couper les haies de sa devanture ! Qu'à cela ne tienne, Julie et moi allons lui donner un coup de main ( ou plutôt lui tenir compagnie, car nous n'avions pas d'outils ). Une belle partie de rigolade !

" Et la semaine prochaine, je repeinds tout mon restaurant ! " Nous annonce-t-il avec enthousiasme... Mais où va-t-il chercher cette énergie ?!

Et encore une journée qui a passée trop vite...

Copyright © Nicolas Leroux
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Le 4x4 a besoin d'un petit coup d'éponge
Nous sommes fiers de vous présenter SYLVAIN

Samedi, marché :

Julie mitraille avec notre appareil photo les nombreuses cages à oiseaux que certains jeunes hommes portent en permanence avec eux, il s'agit de " picolettes ", des oiseaux de concours que leurs propriétaires font s'affronter au cours de joutes musicales. Afin de les habituer au bruit et à la foule, leurs propriétaires les emportent partout avec eux... Y compris lorsqu'ils sont à scooter, il tiennent la cage d'une main et conduisent de l'autre.

Copyright © Nicolas Leroux
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Une picolette
Deux jeunes hommes avec leurs cages

Il faut dire que la sécurité routière n'est pas une priorité là-bas. Le casque fait office de déguisement folklorique et la plupart des usagers de deux roues lui préfèrent les lunettes de soleil, bien plus élégantes... Cheveux au vent, torse nu et tongs, ces jeunes inconscients conduisent de manière suicidaire faisant fi des " stop ", " cédez le passage " et autres panneaux abstraits. Coupant la route aux voitures, traversant les carrefours sans même y jeter un oeil, les accident sont fréquents et toujours graves. Et gare au méchant métropolitain qui aura eu l'audace de passer au feu vert. Si l'un de ces jeunes venait à se suicider dans ses roues, la famille du défunt viendra elle même rendre justice jusqu'à ce que le " coupable " quitte le pays...

Cette digression terminée, nous pouvons reprendre le cours de notre séjour. Nous avions prévu une promenade en pirogue dans l'après midi, mais la saison des pluies tardant à se terminer, nous ne pourrons pas mettre le nez dehors de toute l'après midi. L'occasion d'essayer mon nouveau hamac dans le salon. Je profite d'une accalmie pour aller acheter quelques souvenir avec mon papa : ici le rhum s'achète en cubi ! Neuf litres devraient suffir pour ma consommation personnelle durant les prochains mois...

Dimanche matin, atelier vannerie :

Non il ne s'agit pas de s'envoyer de mauvaises blagues à tour de rôle, mais de tresser des feuilles de palmier pour fabriquer... des trucs !
En fait, ma mère avait besoin de masquer la fenêtre de sa cuisine ( Les fenêtres n'ont pas de vitrage mais sont simplement fermées par des barreaux, un tressage de palmier est du plus bel effet pour remplacer des rideaux. ) aussi nous prenons chacun une feuille de palmier et essayons tous, à notre manière, de confectionner un rideau naturel.
Résultat : Un tressage en forme de coeur pour moi, un haricot géant pour Julie et un trapézoïde pour mes parents. En tout cas, cela nous aura occupés toute la matinée et donné bien des occasions de rire... Ou de râler pour les moins patients.

Copyright © Nicolas Leroux
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On tresse comme on peut
Mon... machin
   
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Julie et le haricot géant
Le chef d'oeuvre géométrique parental

Nous reprenons la route en direction de Javouhey, un village Hmong ( ethnie Chinoise originaire du Laos ) pour un repas typique digne des plus obscurs traiteurs chinois parisiens, sous un toit en taule ondulée rouillé... Et nous nous sommes régalés ! Nous enchaînons enfin avec une découverte de la forêt au travers l'oeil d'un guide Hmong qui nous fait découvrir de nouveaux arbres mais surtout les pièges traditionnels utilisés par ses ancêtres pour chasser le gibier ( ou les humains, comme ce fut le cas durant la guerre du vietnam ). Ce guide avait un trait de caractère tout à fait singulier : il avait apparemment avalé son magnétophone !

- " Alors cet arbre là, c'est un arbre caca parce qu'il pue. Comme il pue on l'appelle arbre-caca... A cause de sa mauvaise odeur, parce qu'il pue, l'arbre caca qui pue. Et comme il ne sent pas bon, on l'appelle l'arbre caca. si on le sent, on voit qu'il ne sent pas bon : Il pue, ça signifie que c'est un arbre caca... "

- " Plus un arbre a un bois dur et plus il pousse lentement. Les arbres qui ont un bois tendre poussent plus vite, contrairement aux arbre qui ont un bois dur qui poussent moins vite. Donc plus l'arbre est dur et moins il pousse vite, plus l'arbre est tendre et plus il pousse vite. Si cet arbre là a un bois tendre, il va pousser vite, sinon si il a un bois dur il va pousser moins vite parce que les arbres qui ont un bois dur poussent moins vite. Alors que les arbres qui ont un bois tendre poussent plus vite... "

- " Comme il ne voit pas le piège, l'animal il va marcher dessus et s'empaler A FOND, ensuite il est mort une fois qu'il est empalé A FOND. Parce que comme il se fait empaler il n'est plus vivant par conséquent il est mort une fois empalé A FOND. C'est normal puisque quand l'animal ne peut plus vivre, il meurt... "

Une fois encore nous nous sommes bien amusés tout en découvrant un tas de choses intéressantes. Et j'ai même pu me balancer sur une épiphyte, comme Tarzan !

Je fais une nouvelle apparté pour tous ceux que j'ai entendu marmonner " mais non, tarzan il se balançait sur des lianes ". Sachez qu'une liane est une plante dont les racines partent du sol et qui se sert des arbres comme support pour pousser. En résumé, il est impossible de se balancer à une liane car celle ci est plantée au sol. A l'inverse, certaines plantes dites " épiphytes " ont la particularité de pousser sur les hauteurs des arbres et de laisser tomber leurs racines à la recherche du sol, c'est accroché à ces dernières que nous pouvons nous balancer avec insouciance. Un exemple de plante épiphyte : la plupart des orchidées.

Lundi :

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Un toucan

Julie et moi entreprenons -seuls- une marche en foret de 8.5kms. L'occasion de comprendre pourquoi on l'appelle " l'enfer vert ". En bon touristes que nous sommes, nous commençons très optimistes, façon " il ne peut rien nous arriver ". 8.5kms, c'est à peine 2h de marche après tout !

Les bruits de la forêt sont magiques, les oiseaux chantent, les papayous nous sifflent comme pour nous dissuader d'envahir leur territoire. Nous avons même la chance de voir un toucan à quelques mètres à peine de notre objectif ! Tout se passe donc pour le mieux. Et puis le chemin se dégrade progressivement, nous devons bientôt marcher sur des rondins de bois pour ne pas nous embourber. Nos 4km/h de moyenne en prennent un sacré coup et au bout de deux bonnes heures de marche, nous réalisons que nous n'avons parcouru que la moitié du chemin. Les heures chaudes commencent à se faire sentir et nous nous arrêtons de plus en plus souvent boire dans la misérable gourde/sac à dos qui nous sert d'unique ravitaillement. 4.5kms s'affichent enfin sur le panneau de bois bordant le sentier, nous sommes exactement à la moitié du parcours. Je réalise que s'il nous arrive quelque chose, il nous faudrait marcher au moins deux heures, que cela soit dans un sens ou dans l'autre, avant de rejoindre la civilisation et trouver de l'aide. Mais que pourrait-il nous arriver en pleine forêt amazonienne après tout ? Hein ? Rien... A part ce seRPEEEEENNT QUI TRAVERSE LE LAYON ENTRE JULIE ET MOI ET S'ARRÊTE JUSTE ENTRE NOUS DEUX !!!!!!!!!

Je me retourne en entendant julie crier, surprise par cet incongru promeneur

" - Nicolas, il y a un serpent dans les fougères, là ! "

Le filou se dissimulant à perfection dans le tapis de végétation ocre, je ne le vois évidemment pas

" - Où ça ?
- Là, juste entre toi et moi
- Je vois pas...
- Ben viens à ma place !
- Mouais, si tu dis qu'il est juste entre nous deux, je vais pas l'enjamber pour venir l'admirer... Mais il ressemble à quoi ?
- Ben il est marron et... Ah, il remue la queue en faisant un bruit de sonnette !

J'énumère rapidement les différents serpent de ma connaissance capable de faire un bruit de sonnette... Comme ça, dans l'action je n'en voie qu'un : Le crotale, que certains appellent vulgairement " serpent à sonnette ". Quelques réminisences de mes livres d'enfant " la vie secrête des bêtes " me reviennent en mémoire, " Venin neurotoxique ", " paralysie des poumons ", " arrêt cardiaque "... Bref, en vrac rien de bon ! Avant de paniquer, s'assurer que c'est bien l'animal en question. Hors de question de faire demi-tour, de toutes façons l'animal est entre nous deux. Le contourner est également exclu dans la mesure où s'écarter du sentier revient à prendre de plus grands risques encore. Je tend l'oreille et finit par entendre distinctement le crissement des osselets située à l'extrêmité de l'animal, encore quelques instants et je distingue effectivement entre deux fougères le serpent tapi à quelque centimères du sentier. Il est enroulé comme un ressort et sa tête oscille doucement en nous regardant fixement, Julie puis moi.

" - Passe moi ton bâton et écarte toi... " glissais-je à ma compagne sans grande assurance.

Une fois saisi le bâton de marche, suffisament long d'après mes estimations, et attendu que julie fasse quelques pas en arrière, j'ai donné tout ce que j'avais de bravitude pour faire fuir l'animal à grands coups de canne assénés par terre en même temps que je gesticulais et tapais du pied pour l'effrayer. L'animal aura finalement eu plus peur que moi et nous faussera compagnie en gagnant la foret profonde. Quelques secondes afin de s'assurer que ce n'est pas une feinte et nous reprenons notre chemin à présent dégagé. C'est décidé, la prochaine fois que je retourne en Guyane, je prendrai des bottes !

La suite et fin de notre expédition se déroulera sans encombre, mais ce passage aura été pour moi l'occasion de réaliser que malgré toutes nos promenades insouciantes en foret, bien accompagnés, nous ne nous sommes jamais réellement rendus compte du danger. A plusieurs heures de marche de la civilisation, la moindre cheville foulée peut prendre des proportions dramatiques. Lorsqu'une simple piqûre de fourmi peut provoquer un arrêt cardiaque en quelques minutes, les heures de marche qui nous séparent du village le plus proche prennent soudain toute leur mesure. Finalement, l'enfer vert n'a peut être pas volé sa réputation...

Sains, saufs et heureux, nous rentrons juste à temps chez mes parents pour manger et faire une sieste de trois minutes avant d'enchaîner sur l'activité de l'après midi : une promenade en pirogue le long du maroni.

Lorsque nous arrivons à la jetée pour embarquer à bord de la pirogue, il pleuvait déjà depuis un moment. Une bonne grosse pluie tropicale à découper au couteau, hors de question de commencer la balade sous ce déluge ! Alors nous avons attendu sous le porche de l'office de tourisme... Attendu... Attendu... Cela faisait une bonne heure que nous étions en train de prendre notre mal en patience lorsqu'une timide éclaircie pointa le bout de son nez. Du point de vue de l'organisateur, c'était suffisant pour ne pas annuler la sortie ( et ne pas être obligé de rembourser ses clients ) et nous embarquons donc sous un maigre rayon de soleil qui menaçait de ne pas durer. Julie, consciente que mon adhérence sur le sol est toute relative lorsque je porte mes tongs, prend la peine de m'avertir.

" - Chéri, fais attention à ne pas glisser "

Moi, toujours aussi aimable...

" - Ça va ! De nous deux, je te signale que ce n'est pas moi qui me fais mal sans arrêêêêÊÊÊÊÊÊ... "
BADABOUM ! Un homme averti en vaut deux dit-on ? Et bien j'avais effectivement l'impression de peser le double de mon poids lorsque je me suis étalé sur les fesses...

Huit minutes plus tard, la pluie était revenue, sauf que cette fois nous étions coincés sur une pirogue au milieu du maroni ! La balade commençait plutôt mal. Julie et moi enfilons nos capes de toile cirée pour rester au sec et, mirâcle, elle parvient à ajuster correctement sa protection et à ne pas être mouillée ! Durant une heure, nous écoutons d'une oreille les commentaires de notre guide, commentaires à peine audibles en raison du bruit de la pluie sur nos capes et à la surface du fleuve. Nous ne pouvions pas non plus profiter du paysage, de toutes façons masqué par ce rideau liquide tombant du ciel, car il était difficile de garder les yeux ouverts sous cette pluie battante. Bref, un vrai moment de bonheur.

Et puis enfin les nuages finissent pas se lasser et laissent place au ciel bleu. Nos accostons justement sur la rive du fleuve, côté surinam, pour visiter un village amérindien "traditionnel". La pirogue se place perpendiculairement à la plage, le nez dans le sable, et notre guide nous fait signe de descendre. Suivant ce conseil, Julie passe la jambe par dessus bord pour mettre pied à terre... Alors qu'elle se trouve tout à l'arrière de l'embarcation ( c'est à dire, si vous avez suivi, du côté de la pirogue qui n'est pas posé sur le sable ). Avant même d'avoir eu le temps de la prévenir, je lis la surprise sur son visage à mesure qu'elle s'enfonce dans l'eau jusqu'au cou ! Ni la plage abrupte, ni le fort courant ne lui auront été utiles pour déduire qu'à cet endroit elle n'aurait pas pied. C'est donc à la nage et sous les rires des autres touristes qu'elle rejoignit la plage. Ainsi donc les capes en toile cirée ne sont étanches que lorsque l'eau vient du haut... Mince alors, pour une fois que ma chérie avait réussi à rester au sec, c'est quand même balot ! Suite de la promenade, nous visitons deux villages, une crique et passons furtivement devant Albina, la ville surinamaise de tous les trafics avec la Guyane, avant de rentrer chez nous.

Mardi :

Nous sommes déjà mardi et la fin de notre séjour approche. Au programme ajourd'hui, nouvelle balade sur le fleuve avec un guide amérindien prénommé Hendrick. Beaucoup plus intimiste, nous ne seront que trois pour cette balade : Julie, ma mère et moi. C'est en petit comité et avec un guide beaucoup plus attentif et dévoué que nous avons la chance de voir des matoutous ( de paisibles mygales insectivore ) et des paresseux ( le paresseux est l'animal le plus coooooool du monde ). Notre guide est un spectacle ambulant, tantôt acrobate pour nous cueillir la fleur magique du cacao rivière, tantôt imitateur pour attirer les paresseux. Nous buvons un coup avec lui dans le même village amérindien que vous avions la veille visité à la hâte. Enfin bref une chouette journée encore ! Journée qui sera complêtée par une nouvelle séance de piscine et aquagym sous le soleil d'une saison sèche qui commence doucement à arriver.

Copyright © Nicolas Leroux
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Une nouvelle balade à pirogue
Une pirogue en cours de fabrication, le fond est en bois cathédrale.
L'un des artisans piroguiers
     
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Son acolyte
Hendrick, notre guide, le sosie du Sergent Garcia
La fleur de cacao rivière
 
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Une araignée Matoutou

Le soir, nous dinons chez la femme de Hendrick, Carmen, qui tient seule un restaurant non loin de là. Nous sommes reçus une fois de plus par une personne incroyablement gentille et accueillante. C'était comme aller diner chez sa grand mère préférée ! Pour nous tenir compagnie à table, une multitude de grenouilles traversait la pièce de part et d'autre, compagnons de table aussi discrets qu'utiles, car nous n'avons ce soir là pas été ennuyés par les moustiques ou les fourmis.

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Carmen, son accueil
Nos compagnons de table

Mercredi :

Dernière journée et nouvelle balade en forêt. " Légèrement humide " qu'on nous avait dit... Il fallait comprendre " Zone marécageuse en pleine saison des pluies ". Enfin, une fois que la boue a recouvert le pantalon jusqu'aux genoux, cela ne change plus rien et l'on peut apprécier une fois encore l'incroyable diversité de plantes et d'animaux.

Notre guide du jour, Thierry, est botaniste et s'intéresse également aux insectes. Il nous présente un exemple de coopération parfaite entre une espèce de fourmis et un arbre particulier : le bois-canon. En effet, cet arbre, comme beaucoup d'arbres en foret amazonienne a tout misé dans son exceptionnelle croissance pour gagner la course au soleil. Être le premier à capter le soleil, c'est avoir une chance de survie. N'étant doté d'aucun moyen de défense chimique contre les parasites, il a trouvé une autre solution pour se protéger en abritant dans ses branches creuses les fourmis aztèques auxquelles il fournit abri et nectar. En échange du gite et du couvert, ses locataires défendent l'arbre non seulement des parasites mais aussi des autres plantes ! Ces véritables paysagistes miniatures éradiquent en effet toute liane ou pousse d'arbre qui pourrait parasiter ou faire de l'ombre à leur hôte. Cette coopération unique fait que le bois canon est un véritable cicatrisant de la foret, capable de repousser avec une rapidité incroyable là où l'homme a deforesté, tout en fournissant de l'ombre aux pousses des autres arbres qui s'implanteront à leur tour. Nous regardons l'arbre de près pour observer les petites ouvertures d'où jaillissent par milliers les minuscules fourmis à la moindre alerte, ne serait-ce qu'un léger " toc toc " sur son tronc.

Quelques minutes plus tard, nous observons une autres variété de fourmis aztèques qui, elles, construisent leur nid de terre en suspension dans les arbres à plusieurs mètres du sol. Cette espèce-ci collabore avec des guèpes ! Les fourmis défendent le nid de guêpe des attaques... d'autres fourmis. Tandis que les guêpes défendent le nid de fourmis des attaques du tamanoir ( aussi appelé " fourmilier " en raison de son régime alimentaire ). Les guêpes guyanaises sont particulièrement agressives et dangeureuses, elles attaquent à vue si vous avez simplement la malchance de passer trop près de leur nid que vous n'aviez pas vu. Pour cette raison, notre guide s'est évidemment assuré que le nid qu'il nous montrait était déserté avant de nous faire nous en approcher.

Des fourmis, nous en avons vu de toutes les sortes, de toutes les tailles et de toutes les formes ce jour là. Les redoutables eciton qui hantent les légendes tropicales : ces fourmis nomades qui se déplacent en hordes et dévastent tout sur leur passage. Par chance, celles que nous avons croisées n'étaient que quelques milliers, et évoluaient en colonne. Rien à voir avec celles qui se déplacent par millions et forment une véritable nappe grouillante sur le sol de la forêt.

Au pied d'un arbre, notre guide nous montre le nid de l'insecte dont la piqure est la plus douloureuse : la fourmi Flamande. Par chance, les nids ne rassemblent que quelques centaines d'individus, mais cela n'empêche pas cette espèce de fourmis géantes munies de dard ( en plus de leur mandibules ) d'être extrêmement dangereuses. Aveugles et se dirigeant grâce aux vibrations du sol, ces fourmis sont également appelées " Bullet Ant " car sa piqure provoque dit-on la même douleur qu'une balle de revolver. Une seule injection de son venin peut provoquer un arrêt cardiaque ! Notre guide prend toutefois la peine de déranger le nid pour les faire sortir car le danger est relatif : incapables de voler commes les guêpes faute d'avoir des ailes, ces fourmis peuvent s'observer " de loin " dans risque. Il saisit même une de ces géantes entre des baguettes chinoises pour nous la faire observer de plus près, quel insecte impressionnant.

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Les fourmis aztèques et le bois canon
Une colonne de fourmis eciton
Une fourmi atta, dite champignonière
     
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Une fourmi flamande, le monstre
La même, vue de près
Une drôle de chenille !

Tandis que nous marchons, un bruit attire notre attention : " BZZZZZZZZZZZZZZZT ". Un bourdonnement d'hélicoptère miniature se fait entendre tandis qu'un genre d'oiseau passe devant nous à hauteur du visage. L'animal volant non identifié possède de magnifiques ailes rouges qu'il agite comme celles d'un colibri. Nous pensons donc avoir à faire à un colibri assez balaise. La chose se pose enfin sur une branche à quelques mètres de nous et je sors l'appaeil photo pour faire un cliché du magnifique animal. Soudain, notre guide nous fais signe de ne plus bouger...

Qu'y a-t-il de plus dangereux qu'une mygale ? Réponse : Une guêpe tueuse de mygales bien sur ! Une guêpe " pepsis hèros " pour être plus précis... Un animal à côté duquel nos frelons passent pour des moustiques. Cet insecte a pour habitude de voler près du sol ( entre 1m30 et 1m50 ) pour trouver les nids de mygales. Lorsqu'il en détecte un, il attire l'araignée en dehors de son nid avant de lui administrer une piqure paralysante. Une fois la mygale incapacitée, la guêpe la saisit et... l'emporte un peu plus loin ( oui, oui, vous avez bien lu. Une guêpe capable de soulever une mygale adulte... Vous voyez mieux la taille du bestiau ? ) l'emporte donc dans un endroit calme où elle pourra pondre un oeuf à l'intérieur du corps de l'araignée. L'innocente arachnide reprendra ensuite ses esprits et son activité quotidienne sans se douter qu'un bébé guêpe est désormais en train de la grignoter de l'intérieur. Vous avez trouvé que le film " Alien " était gore ? Et bien la réalité est pire dans la forêt amazonienne ! Quoi qu'il en soit, une piqure de cette guêpe sur un être humain a 98% de chances de l'envoyer à la morgue... Et dire que j'étais sur le point de l'exciter avec le flash de mon appareil photo !!!

Plus nous découvrons de choses et moins nous trouvons la forêt " amicale ". Nous ferons d'autres rencontres bien plus amusantes par la suite, comme cette insolite chenille qui se déplace en accrochant sa tête puis sa queue à la feuille et en se pliant en deux, ou encore une petite mygale que j'ai surprise en train de traverser le layon...

Bon, je l'ai peut être déjà dit mais il faut aimer les bestioles pour aller en Guyane ! Rien que dans la maison de mes parents nous avons vu, Julie et moi, un nombre incalculable de drôles de bêtes : Les grenouilles qui grimpent au mur, les margouillats (geckos) qui font de même, une chauve souris qui avait établi son campement dans les toilettes, des cafards gros comme une cuillère à soupe, des colibris qui viennent chaque matin butiner les plantes suspendues sous la terrasse, des guêpes qui ont choisi de faire leur nid sous une feuille de palmier, des fourmis qui vous grignottent les pieds dès que vous marchez dans l'herbe du " jardin " et toute une collection d'insectes non identifiés qui envahissent la maison à la moindre miette de pain oubliée à l'air libre. Mieux vaut avoir des poubelles étanches et séparer les déchets comestibles des autres si l'on veut éviter l'invasion. Il suffit de quelques minutes d'inattention pour être envahi, le but est donc de ne pas inciter ces minuscules voisin à s'inviter à table. Alors imaginez dans la forêt ce que cela peut donner ! Mieux vaut ne pas craindre les " petites bêtes " ni les plus grosses pour y passer un agréable séjour.

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C'est occupé...

Jeudi :

...Séjour qui se termine donc pour nous le Jeudi 12 Juillet puisqu'il est temps pour nous de remonter dans l'avion. Un mariage nous attend en bretagne le lendemain. Nous refaisons sans grand plaisir les 3h de route séparant St Laurent de Cayenne, avec une brêve pause à mi-parcours dans une église entièrement peinte par un bagnard ( quand je dis " entièrement ", c'est entièrement ! Y compris les poignées de porte et le clavier de l'orgue ! ). Naif mais très joli.

Arrivés à Cayenne, nous retrouvons de suite l'ambiance métropolitaine, une halte sur une plage bordant les banlieues chic de la ville puis un bref détour au centre de cette ville très laide bordée de marécages, histoire de se dire qu'on est pas fachés de ne pas y avoir passé tout notre séjour, et c'est déjà l'heure de remonter dans l'avion.

Vendredi :

Afin de mettre un terme à l'insoutenable suspense qui, je n'en doute pas, vous gagne, nous avons fait un bon retour, je n'ai pas vomi dans l'avion. On récupère nos valises ainsi que la magnifique boite en carton étiquetée " FRAGILE " sur le tapis roulant. C'est marrant, on dirait qu'ils ont fait exprès de jouer au foot au milieu d'un marécage avec mon carton... M'enfin peu importe, il n'était pas vraiment fragile, c'était un test. En tout cas maintenant, je sais juste qu'on ne peut pas faire confiance à ces escrocs pour transporter une marchandise délicate. J'appelle un taxi et quelques minutes plus tard, nous voilà de retour dans les embouteillages d'un vendredi matin sur l'A6. Ahhh, que c'est bon de se sentir enfin chez soi...
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Mon carton...
...avant
Et le même...
...après !

Ce texte a été écrit à partir du cahier de voyage que Julie et moi avons rédigé au cours de nos aventures

@ + Nicolas L'aventurier ... Nicolas L'aventurier...  Copyright © Nicolas Leroux


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