Coin des potes
- 2007
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En janvier 2006 je partais visiter la Sibérie et ses froids intenses. Nous avions eu -50 °c une nuit. Mais ce séjour malgré ce que peuvent en penser la plupart des gens était assez tranquille : pas de portage en journée, cabane de trappeur chauffée le soir et nourriture variée. Cette année j'ai préféré partir au Groenland faire une expédition en ski nordique. La différence est simple : on tire la totalité de nos affaires dans une pulka, on dort dans des tentes non chauffées quelque soit la météo et on mange tous les jours la même pâtée.
L'arrivée à Constable Point :
Deux jours, c'est le temps qu'il faut, pour quitter Paris, ses 28° C et nous retrouver à Constable point (en passant par Reykjavic). Le ciel était aussi bleu que dans notre belle capitale, mais la température était un peu plus fraîche - 5°. Cette température relativement clémente, ne donne pas une bonne idée de ce qu'on peut ressentir lorsqu'on sort d'un avion surchauffé et que l'on est réveillé par un vent soufflant assez fort. C'est un facteur non négligeable dans le ressenti des températures.
Exemple : les conditions météo à Constable point lors de notre arrivée étaient de -5° pour la température et 30km/h pour le vent ; résultat la température ressentit était d'environ -20°C, ce qui change tout.
Notre équipe est constituée de 6 personnes plus l'accompagnateur GNGL (que des hommes).
Une fois, nos sacs récupérés
et deux ou trois photos faites, nous nous sommes dirigés d'un bon pas
vers l'auberge nous mettre à l'abri. A l'abri du vent et du froids
mais pas de l'eau.
Non il ne pleuvait pas, mais la neige qui était rentrée pendant
l'hiver dans le grenier de l'auberge fondait et traversait le plafond en remplissant
au passage une dizaine de sot harmonieusement réparti dans le bâtiment.
Une bonne nouvelle cependant, nous ne serons pas obligés de monter les tentes sur le bord de la piste. Nous dormons et mangeons aujourd'hui à l'auberge et la grande aventure ne commencera que demain ; ouf !
Les préparatifs : une attention particulière pour le contenu de la pulka :
L'après midi est consacré à la préparation des pulkas ce qui veut dire : faire tenir dans un volume de 1.5 m x 0.5m (la hauteur est laisser à l'appréciation du tracteur) ses dix sept jours de bouffe, ses fringues + son duvet + son matelas et sa ½ tente, l'autre moitié étant transportée par son colocataire. Il faudra ajouter un certain nombre d'objets dits collectifs tel que fusil, tente-mess bien utile lorsqu'il fait froid ou qui neige, bidons d'essence, réchaud, 2 gamelles Une fois tout ce bric-à-brac casé, la pulka est lourde et sans forme. Or pour pouvoir tirer une pulka, mieux vaut avoir un centre de gravité le plus bas possible et une forme aérodynamique, surtout quand elle est lourde !
Pour éviter ce genre de désagrément j'ai réduit au maximum mes affaires personnelles. Ce qui veut dire que j'ai très peu de change. Mis à part la tenue complète que je porte sur moi, j'emmène quatre paires de chaussettes (deux fines et deux épaisses) et un jeu complet de sous vêtements que je garde religieusement à l'abri en cas d'accident. Il faut aussi rajouter, bonnet, gants, lunettes et la tenue "Grand Froid", constituée d'une veste et d'un pantalon en duvet. J'oubliais l'échantillon de savon et de dentifrice. Tout le reste est laissé à Paris. Autant vous dire que je sens assez rapidement le fauve surtout si le soleil chauffe et que la température monte un peu. Mais les quelques grammes gagnés sont son trop précieux lorsqu'on tire sa bête.
Une "Pulka" trop lourde s'enfonce dans la neige et joue le rôle d'une ancre " Flottante ". Lorsqu'elle est trop haute, ce machin a la fâcheuse tendance de se retourner. Il faut alors revenir en arrière et la remettre sur ses pieds. Cette gymnastique est vite fatigante et moralement insupportable : au bout de quelques renversements, on ne pense plus qu'à la brûler.
En fonction du terrain plus ou moins pentu, l'avancement peu s'avérer fastidieux, comme par exemple une traversée à flan de coteau un peu raide : on peut retourner la pulka tous les dix pas.
Le choix du colocataire :
Un autre grand moment du début du séjour et qui n'est pas sans conséquence est le choix du colocataire. En effet, la tente minuscule est partagée : nous dormons à 2 dans cet espace réduit.
Il y a toujours des ronfleurs dans un groupe et quand tu partages une tente de 1.4m de large autant évité dans la mesure du possible ce genre de désagrément.
L'aventure commence :
Après une bonne nuit, l'aventure peut commencer avec plus ou moins de bonheur en fonction des conditions météo et de la neige.
Si la neige est dure et plate on peu faire du 3 ou 4 km/h si au contraire la couche de neige est épaisse et poudreuse c'est une tout autre histoire ! On peut ne pas dépasser deux ou trois km après une journée d'efforts. C'est frustrant mais pas impossible.
Nous avons de la chance : la banquise du fjord qu'on traverse ce matin est lise comme un miroir et la neige peu abondante. Une bonne mise en condition.
A partir de ce moment, notre vie va devenir très organisée et répétitive. Pour que le groupe fonctionne convenablement nous nous réveillons toujours à la même heure, entre 7h et 7h30. Les tentes étant petites, on est prié de s'habiller non pas dehors mais l'un après l'autre et pareil pour le coucher. Une fois vêtu s'est le petit déjeuner. Il faut aussi remplir les thermos qui permettent d'avoir de l'eau chaude toute la journée en faisant fondre la neige, ce qui prend un certain temps.
Puis, il faut démonter le camp et refaire sa pulka et y faire rentrer une nouvelle fois toutes ses affaires : comme par hasard la taille de la pulka à diminué ! Le casse tête commence, sans s'énerver, il faut arriver à tout faire rentrer.
Généralement on boucle l'affaire en deux heures sauf lorsque la météo est mauvaise car tout devient beaucoup plus compliqué. La neige s'infiltre partout et si le vent s'en mêle et souffle un peu violemment, là ça devient sportif : la tente ayant une certaine prise au vent, si tu la lâches alors que tu es en train de la démonter, tu risques de dormir à la belle étoile pour le restant du raid
Petits inconvénients de la vie quotidienne :
Pour un homme, pisser n'est pas un problème en soit : tu te mets contre le vent, tu vas chercher la bête, ce qui peut parfois être difficile à trouver en cas de grand froid Bon. En revanche, un homme se retrouve dans la même problématique qu'une femme lorsqu'il doit se déshabiller et poser son postérieur dans la neige Pour peut qu'il y ai du vent, dans 95% des cas, non seulement tu as du mal à te déshabiller car tes doigts son engourdis par le froid, il faut donc prévoir du temps, ce que tes boyaux ne te laissent pas forcément avec toute la neige fondue que tu bois, mais en plus, tu ramasses 3 kilos de neige dans ton pantalon sans pouvoir l'enlever. Une fois rhabillé, cette dernière fond avec la douce chaleur de ton corps, ce qui te glace les fesses ; en cherchant le côté positif de la chose, c'est un bon remède anti-hémorroïdes à la Rika Zaraï !
La journée de ski est divisée en quatre quart temps d'une heure à une heure trente. Chaque arrêt permet une petite collation. En fonction de la météo ou de la distance à parcourir ces intermèdes ont une durée très variable et sont plus ou moins conviviaux :
Soit nous restons à la queue-leu-leu le dos contre le vent, cette configuration prête peu à la convivialité, Soit nous formons un tas plus ou moins rapproché nous permettant d'échanger nos impressions (là, c'est le grand beau temps). |
Les menus :
Les collations : aux premiers et troisièmes arrêts, nous mangeons des barres céréales, des fruits secs ou d'autres amuse-gueule qui donnent plein d'énergie facilement.
Le midi, c'est le grand festin : soupe Royco, nouille chinoise et petit gâteau.
Pour le repas du soir, il faut remplacer la nouille chinoise par un plat lyophilisé et le thé par une tisane. Ce menu gastronomique est immuable et sera répété jusqu'à l'épuisement de vos vacances.
Je ne suis pas un fin gourmet mais trois semaines de ce régime vous font apprécier le moindre fruit ou légume et les repas pris dans les avions du retour deviennent des repas gastronomiques (ce qui n'étant pas le cas à l'aller).
Ce que j'aime dans ces voyages :
Les paysages désertiques, l'impression d'immensité et de solitude offrent tous les ingrédients pour un voyage d'introspection ou l'effort oblige à côtoyer au plus prêt ses propres limites et à les dépasser.
Une bonne condition physique est nécessaire mais n'est pas suffisante ; la force morale est constamment sollicitée voire émoussée à travers tous les petits inconforts cumulés. Nous devons lâcher notre vernis de civilisation occidentale pour pouvoir s'adapter à ces nouvelles contraintes.
Le paysage est épuré et nous devons faire de même. Un long processus méditatif s'opère durant ces longues heures de marche et d'effort. Le paysage nous renvoie constamment à nous-mêmes. Lorsque le vent ne souffle pas, le silence est là, omni présent : pas d'animaux, seul le crissement des spatules des skis et ta respiration. Lorsque le vent se déchaine, il empli tout, même ton cerveau, annihilant tes propres défenses.
Ce combat est physique et subtil en même temps, dans un décor grandiose.
Je repars l'année prochaine, alors si ça dit à quelqu'un qu'il n'hésite surtout pas.
JPF