Coin des potes - 2006

JPF en Sibérie chez les Evenks

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Visiter la Sibérie, pourquoi pas ! Mais pas n'importe quand !

Copyright © Moto Club Des PotesEn Sibérie, on ne peut y aller qu'en été, lorsqu'il fait trop chaud et que les moustiques vous pourrissent la vie, ou en plein hiver, alors que la simple évocation des températures, dans les livres ou au cinéma, vous glace. Au printemps et à l'automne, trop facile, trop banal, sans intérêt. Les moustiques, j'avais déjà donné, je n'avais donc plus qu'à affronter l'hiver.

Je décidai de partir le 10 janvier pour quinze jours de ski en pays Evenk. Et oui, je n'étais pas le seul, 4 autres français était près à en découdre avec le froid sibérien !

Et pourquoi chez les Evenk, me direz-vous ?

Peut-être parce que j'ignorais tout d'eux …

Ma première tâche fut donc de glaner quelques renseignements, qu'il n'est pas inutile de rapporter ici.

Copyright © Moto Club Des PotesLes Evenks :

Ils font partie d'un groupe de peuples de type mongoloïde, les Toungouses, ou Toungouzes ( Tungus ), qui occupaient au XVIIe siècle la plus grande partie de la Sibérie orientale, de l'Extrême-Orient russe et de la Mandchourie.

Ils vivent au nord du lac Baïkal, où les activités traditionnelles dominantes sont l'élevage du renne, la pêche et la chasse aux zibelines.

Des Températures Extrêmes :

Quatre-vingt-dix pour cent des personnes à qui j'annonçais mon départ, me prenaient pour un fou.

Comment pouvait-on aller pour le plaisir se perdre en Sibérie en plein hiver ?

Copyright © Moto Club Des PotesLa seule chose qui préoccupait tous ces braves gens était la température : " Mais quelle température allait-il bien faire " ?

Hé bien !

Je peux maintenant leur répondre.

Nous avons eu -47 °C, et au village, à quelques kilomètres de notre camp, le thermomètre est descendu jusqu'à -51 °C.

Joli record dont nous sommes très fiers. Ces températures extrêmes sont, tout compte fait, très facilement supportables si on est bien couvert. En gros, il suffit de superposer les couches de vêtements et ne pas laisser le moindre bout de peau à l'air libre.

De plus, nous dormions en cabane chauffée.

Copyright © Moto Club Des PotesCes températures sont des minimas enregistrés au plus froid de la nuit et en aucun cas ne constituent une moyenne, ce qui change tout !

La journée la plus froide fut une splendide journée où j'ai pris conscience qu'il faisait -35°C lorsque mes paupières ont commencé à rester collées en fermant les yeux.

Mes cils et mes sourcils étaient tout blancs de givre.

L'air qu'on expire chargé d'humidité gèle très rapidement à -35°C. A ces températures, c'est le matériel qui souffre le plus ; surtout le nôtre, qui n'est pas habitué à de tels extrêmes.

Les tissus des sacs de voyages deviennent durs et cassants.

Les plastiques cassent au moindre choc. Les moteurs des motos neige doivent être réchauffés à grands coups de chalumeau.

Premier Dépaysement :

Copyright © Moto Club Des PotesMais avant d'en être à faire nos traces à travers la taïga sous un beau ciel bleu par - 35°C, nous avons dû patienter et faire :

- Un jour d'avion sans grand intérêt

- + une journée culturelle, au demeurant fort agréable, à visiter Irkoutsk sous la conduite d'une charmante et très compétente guide francophone,

- + 36 heures de train sur la branche nord du transsibérien appelé BAM ( Baïkal Amour Magistral ) entre Irkoutsk et Severobaïkalsk ( 1200 km ).

C'est dans ce train qu'a véritablement commencé notre dépaysement : nous abandonnons la ville moderne fortement occidentalisée, pour une traversée sans fin d'une taïga enneigée, entrecoupée de villages, composés de maisons en bois, non touchés par le monde moderne.

A Severobaïkalsk : Terminus, tout le monde descend !

On reprend rapidement un nouveau moyen de locomotion : Un 4x4 qui nous emmènera à Kholodnaïa, dernier rendez-vous avec la civilisation.

C'est la petite ville où habite la famille Evenk qui nous accueille et qui nous accompagnera sur son territoire de chasse.

Copyright © Moto Club Des PotesLa Gastronomie Locale :

Nous sommes invités à goûter à la traditionnelle soupe de viande de rennes. Cela ressemble terriblement à notre pot au feu et ne mérite franchement pas le déplacement.

Par contre, les Evenk nous prépareront un ragout avec le foie et le cœur d'un renne dont on venait de voir l'abattage : génial, succulent, trois étoiles au Michelin !

Suite du Périple :

Nous en profitons pour nous changer au chaud et pour abandonner les affaires inutiles pour le raid en montagne que nous allons accomplir.

En début d'après-midi, nous reprenons le 4x4 pour monter sur les plateaux ( 1200 m ) et rejoindre par la même occasion Piereval, point de départ du raid.

Soixante kilomètres de pistes enneigées, entrecoupés d'arrêts pour honorer les divinités chamaniques.

Les rites sont simples : après une offrande d'un peu de vodka et parfois d'une cigarette, les Evenks boivent un coup en grignotant un petit quelque chose et les fumeurs fument une cigarette. Copyright © Moto Club Des Potes

Bien que les arbres soient couverts de petits drapeaux à prières, je ne suis pas certain que les arrêts soient aussi bien respectés quand les touristes ne sont pas là.

Le 4x4 nous abandonne au pied de la dernière difficulté, une pente pas très raide, mais glissante pour les roues de notre 4x4, car recouverte d'une poudreuse à faire rêver n'importe quel skieur de station.

La neige tombe en tout petits flocons très froids, et comme la température ne varie pas, la transformation ( Alternance gel/dégel ) qui s'effectue sous nos latitudes ne se réalise pas ici.

Résultat : le sol est couvert de mètres de poudreuse. Toute velléité de sortir des traces transformerait la balade en aventure rapidement pénible.

Deuxième Dépaysement :

A Piereval, ancien village de géologues, abandonné en même temps que le communisme, nous envahissons une des deux dernières maisons occupées.

L'une est habitée par un Russe, Boris, qui a choisi de rester, malgré tout, et l'autre par des Evenks qui sont retournés sur leur terre.

Copyright © Moto Club Des PotesC'est le deuxième choc : Nnous abandonnons la civilisation du " Trop " pour passer dans celle de la survie.

Pas d'électricité, pas d'eau courante, pas de confort, rien que de l'indispensable. Et encore, beaucoup de ces objets indispensables sont vieux, usés voire cassés.

Les Skis Evenks :

Le lendemain matin nous chaussons les skis. Une petite description des skis n'est pas inutile.

Les skis Evenk sont en bois, très larges, 25 cm environ, et les fixations rudimentaires. Dans mon cas, ce n'était qu'un bout de ficelle.

Mais le terrain peu accidenté se prête bien à ce matériel sommaire. Si les skis Evenk ressemblent plus à des raquettes dont on aurait oublié de limiter la longueur, c'est bien évidemment à cause de cette poudreuse qui recouvre tout et dans laquelle on s'enfonce sans fin.

Les trappeurs locaux qui utilisent les mêmes skis pour leurs chasses rajoutent sous leurs skis des peaux ( De cheval si j'ai bien compris ).

Nos bagages seront transportés pendant tout le raid par des " Motos-Neige ", nous libérant ainsi de tous efforts et contraintes.

On a juste à marcher, l'appareil photo à portée de main prêt à immortaliser la taïga qui nous entoure et dont j'ai tant rêvé ! Nous ferons 100 km environ, en 8 étapes.

L'objectif n'est pas de faire un exploit sportif, mais de découvrir une région, ses rennes et ses habitants. Le contact avec les Evenks aurait été très limité sans notre guide russe, Alexis.

Il les connait bien puisqu'il les fréquente depuis de nombreux voyages et nous assure une traduction en français parfaite.

Copyright © Moto Club Des PotesLes Cabanes de Trappeurs : ( Zimavio )

Les cabanes de trappeurs dans lesquelles nous allons dormir sont les bienvenues. Planter une tente, comme j'en ai l'habitude, aurait été pénible dans un mètre de poudreuse, sans parler du froid, des fringues et des chaussures mouillées qui n'auraient jamais séché.

Ces cabanes sont en général petites et basses de plafond pour limiter au maximum le volume à chauffer. Les murs sont faits de troncs d'arbres et leur étanchéité est assurée par de la mousse.

Ce système rudimentaire est très efficace et nous crevions très rapidement de chaud, alors que les températures extérieures étaient abyssales !

Les journées relativement courtes à cette période de l'année nous ont permis de passer de longues soirées à jouer aux cartes en bavardant. Une façon conviviale de profiter pleinement de ce confort.

Copyright © Moto Club Des PotesLes Rennes :

En Sibérie, il y a encore pas mal d'animaux : ours, zibelines, chevrotain porte-musc…, mais les seuls que nous avons pu voir sont les rennes à demi-sauvages élevés par nos amis Evenks sur leur territoire de chasse.

Ils ne s'éloignent jamais beaucoup de l'homme grâce au sel qui leur est fourni une fois par semaine ou, en été, par la fumée des feux qui les protègent des piqures de moustiques.

La Pêche sur un Lac Gelé :

Nous nous sommes offert une journée de pêche : tranquille me direz-vous ! Eh bien, pas tant que cela. Copyright © Moto Club Des Potes

Il nous a fallu marcher 8 kms et percer la glace avec une vrille sur près d'un mètre avant de trouver l'eau libre, et quelle vrille !

Elle ne fonctionnait bien qu'entre les mains des Evenks ou des Russes ; et pour cause, il fallait tourner dans le sens contraire des aiguilles d'une montre.

Nous sommes restés à l'ombre, les fesses au frais sur la glace, sans bouger, à attendre le bon vouloir des poissons " Davatchans ".

Je n'en ai pas attrapé un seul, et sur les 20 péchés, notre Evenk en avait plus de la moitié à son palmarès.

Le Bain ( Bagna ) :

On m'a souvent demandé comment je faisais pour me laver durant les raids que j'ai l'habitude de faire.

La réponse est en général très simple : je ne me lave pas !

Ce qui fait frémir d'horreur les interlocuteurs. Eh bien cette fois-ci, je me suis lavé.

Car les Evenks ont construits de petites cabanes en bois, surchauffées, qui font office de salle de bain, véritable sauna.

Même si cela est agréable, l'opération n'est pas simple : retirer ou remettre ses affaires lorsqu'on est couvert de transpiration n'est pas une sinécure.

Du coup, j'ai choisi de traverser l'espace découvert séparant la cabane de la salle de bain en slip.

Retour à la Civilisation :

Après 8 jours de raid, retour à Piereval où nous retrouvons Boris dans sa maison coupée du monde civilisé : pas de téléphone, pas de télévision, juste une radio avec des piles.

Je lui laisse mes antalgiques au cas où … Demain, nous retrouverons le confort et le superflu auquel on s'habitue si bien.

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PS. Merci aux deux copains à qui j'ai piqué une ou deux photos.



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